La pièce "Un Amour Impossible" que Christine Angot a écrite pour Célie Pauthe partant de son roman, nous conte dans un flash-back après la rencontre lourde et sans espoir de Christine et de sa mère à la mort de son père - "Nos relations sont foutues. OK?" - l'histoire d'un amour impossible...
La scène est vide, Christine, que Maria de Meideros va incarner dans toutes ces années, introduit et replace l'histoire dans une vidéo projetée en fond de scène. Et le décor se construit, à partir des meubles qui appellent les souvenirs.
Un Amour Impossible - Christine Angot - Célie Pauthe - TNS - Photo: Elisabeth Carecchio |
Et l'on va, partant des huit ans de Christine, la suivre dans ses tête-à-tête avec sa mère, dans son avancée en âge, ses questions vis-à-vis des amours, amants, fiancés de sa mère. De ce père absent mais qui, par une évolution de la loi d'adoption, va revenir dans le jeu. Jeu dangereux, violent, diabolique, et destructeur. Amoral aussi, et que Christine ne pourra pas exprimer, et que la mère ne pourra ou ne voudra pas entendre. Dont elle somatisera, à la révélation par un autre, dans une inflammation des "trompes".
Ainsi, tout au long des changements de décors, d'abord lieu familial, puis appartement privé de Christine puis espaces publics - restaurants - se joueront les trois niveaux du récit: le domestique, le sentimental et le social.
Un Amour Impossible - Christine Angot - Célie Pauthe - TNS - Photo: Elisabeth Carecchio |
Et ces trois niveaux vont dévoiler leur imbrication. Le détail du domestique alimentant avec subtilité les relations sentimentales et les schémas sociaux, ainsi que les structures de classe qui transparaissent dans la vie quotidienne et les choix sentimentaux.
Dans une scène digne d'une intervention télévisuelle de Christine Angot, les schémas de pensée réactionnaires et racistes sont déconstruits dans une lecture des relation d'amour et de domination, dans les attitudes du père, autant avec son ex-amante qu'avec le lien envers qu'il a construit avec leur fille.
Mais il ne faut pas se tromper,
Pour ne pas finir dans un sombre désespoir, un semblant de réconciliation clôt la pièce, scène dans laquelle la mère, Rachel semble dire qu'elle a été aveugle à la totalité de l'histoire, avoue ne pas avoir saisi ce qui se passe, et garder intact l'amour pour cet homme qui l'a abandonné - L'Amour est aveugle... Au grand désespoir de sa fille qui essaie de se trouver un témoin ou un soutien dans son malheur implacable dont elle ne se sort pas.
Un Amour Impossible - Christine Angot - Célie Pauthe - TNS - Photo: Elisabeth Carecchio |
Et une vidéo finale dans laquelle Rachel, Bulle Ogier en douceur et tendresse, apporte une touche de sérénité.
Il y a dans la pièce quelques passages d'humour grinçant - la mention du dernier film de Woody Allen que ne peut rater la mère, - ou dans un second degré caustique: Le discours anti-juif du père à propos d'Israël dans un second degré sexuel plein de sens cachés et symbolique dans e choix du vocabulaire.
Dans ce mille-feuille de sens et de sentiments qui en se superposant les uns aux autres, s'oblitèrent, nous arrivons cependant à lire, à sentir un peu de tendresse bien cachée, que ce soit par les règles de l'éducation ou la douleur qui crie.
Mais comme le dit Célie Pauthe:
"L’écueil serait de percevoir le propos politique qui s’énonce dans cette longue séquence finale comme une parole péremptoire, une forme de leçon. Ce n’est évidemment pas le cas: tout s’origine dans une blessure inguérissable. Il ne s’agit pas de dire: «Voilà, j’ai tout compris» ou «J’en suis sortie et je vous explique.» La blessure est inguérissable mais elle refuse de s’en tenir au statut de victime et retourne sans relâche à l’endroit du crime, de la blessure, pour y puiser des outils de pensée.
Dès 2000, dans Quitter la ville, elle écrivait: « Je ne débrouille pas MON affaire. Je ne lave pas MON linge sale. Mais le drap social.»
L’oeuvre entière de Christine Angot est le contraire d’une prise de parole en surplomb, ce n’est pas un point de vue «sachant » qui viendrait apporter une sorte de lumière de compréhension. C’est un combat, c’est un débat − avec les mots et la pensée pour armes. Et rien n’est gagné.
Dans Un amour impossible, ce qui est remarquable, c’est de voir comment, à travers le temps, chacune à leur manière, la fille et la mère ont travaillé à garder un lien. Ce n’était pas acquis, loin de là. Chez Christine, on peut parler d’un «travail» au sens psychanalytique du terme."
Et cette preuve par trois que l'amour est impossible et douloureux, ce sont quatre femmes magnifiques - Christine Angot, Célie Pauthe, Maria de Meideros et Bulle Ogier - qui en apportent la preuve en excluant du plateau tous ces hommes, pères, amants, frère qui ne peuvent que faire souffrir ou qui jugent, en n'acceptant dans leur triangle que les porteurs de plateau et les déménageurs de meubles.
En prime pour vous remettre dans l'ambiance de l'époque, la chanson fétiche de la pièce: "Histoire d'un amour" chantée par Dalida:
"C'est l'histoire d'un amour éternel et banal
Qui apporte chaque jour tout le bien tout le mal"
La Fleur du Dimanche
Un Amour Impossible
TNS - Strasbourg du 14 au 23 mars 2019
D’après le roman de Christine Angot adapté par l’auteure
Mise en scène Célie Pauthe
Avec Maria de Medeiros, Bulle Ogier
Collaboration artistique Denis Loubaton
Assistanat à la mise en scène Marie Fortuit
Scénographie Guillaume Delaveau
Lumière Sébastien Michaud
Musique et son Aline Loustalot
Vidéo François Weber
Costumes Anaïs Romand
Production Centre dramatique national de Besançon Franche-Comté
Construction du décor Jean-Michel Arbogast, David Chazelet, Dominique Lainé, Pedro Noguera, Antoine Peccard
Peinture du décor Denis Cavalli, Ghislaine Jolivet- Cavalli, Sybil Kepeklian
Réalisation des costumes Margot Destrade-Loustau, Anne Versel
Réalisation des accessoires Florence Bruchon (assistée de Manon Flamion en stage), Mathias Jacques
Le roman de Christine Angot Un amour impossible est publié aux éditions Flammarion, 2015
Le spectacle a été créé avec l’ensemble de l’équipe permanente et intermittente du CDN Besançon Franche-Comté
Spectacle créé le 7 décembre 2016 au Centre dramatique national de Besançon Franche-Comté
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire