lundi 31 mai 2021

Mithridate au TNS: Sortir... de cette impasse à poison

 Sortir... tel pourrait être le slogan (ou la clé) du nouveau spectacle que nous offre le TNS, Mithridate de Racine mis en scène par Eric Vigner.

TNS - Mithridate - Jean Racine - Eric Vigner - Photo: Jean-Louis Fernandez


Oui, sortir à nouveau pour aller au spectacle, aller dans une salle qui était, encore jusqu'à hier occupée pour défendre le statut des intermittents, des précaires, des jeunes déboussolés, enfermés dans leurs chambres et leur solitude, leur désespoir quelquefois auquel la situation les accule.

Ne pas sortir, aussi pour garder un toit pour les précaires, comme le clamaient, le criait le porte-parole des "jeunes" en lutte, en cette fin de trêve hivernale, en prélude au lever de rideau, pour "ne pas faire silence", exprimer cette pensée qui veut vivre!

Sortir pour se revoir, se confronter avec les autres, et avec la culture qui nous offre ses moments de réflexions pour ne pas se laisser empoisonner par la banalité du quotidien ou la peur de la maladie.

Sortir pour renouer avec la communion de la culture, ferment de réflexion, graines (empoisonnées?),  à tout le moins poil-à-gratter de l'esprit) semées pour réveiller notre vitalité qui commençait à s'endormir.


TNS - Mithridate - Jean Racine - Eric Vigner - Photo: Jean-Louis Fernandez


Sortir pour assister à un drame historique de l'antiquité revisité dans la sublime langue de Racine sculptée en alexandrins limpides et riches de  sens.

Comme le dit Eric Vigner dans l'entretien accordé à Fanny Mentré dans le programme de la pièce:

"L'alexandrin classique est très riche, complexe et simple à la fois, un seul vers contient plusieurs informations de nature différentes, des paradoxes que l'on doit considérer. Il obéit à une construction rythmique avec laquelle on doit travailler. C'est un exercice exigeant pour les acteurs qui demande une grande mobilité de l'esprit, du corps et du sentiment pour ne pas tomber dans le piège de la prosodie."

Chez Racine, chaque mot compte et l'on n'est pas là pour bavarder. On peut à ce sujet regretter le traitement un peu trop rap et haché de la diction de Thomas Joly pour Xypharès, en espérant que c'est l'effet "première" et qu'il rythmera moins pour la suite les phrases polies comme des bijoux de Racine pour en transmettre aux spectateurs également le sens et pas que la poésie. Car ne dit-il pas lui-même que lorsqu'il a découvert ce texte il a été "frappé de la richesse du scénario, de la sophistication de la fable, de l'entremêlement des enjeux intimes et politiques... Et bien sûr ébahi par la langue, l'incroyable capacité de dire tant de choses profondes en si peu de mots simples."


TNS - Mithridate - Jean Racine - Eric Vigner - Photo: Jean-Louis Fernandez

Le sens, cette balise auquel il faut se raccrocher fort, tellemment cela tourne à l'image de l'écran-rideau, voile et girouette qui occupe le centre de la scène, l'essentiel du décor presque. Ce rideau de perle à la fois meuble qui ponctue et oriente l'espace, "coupe" à un moment d'un trait noir le corps de Pharnace (Jules Sagot), se déploie telle une voile de navire à l'image de la flotte de combat de Mythridate, moulin qui brasse les personnages et les événements, paroi de confessionnal ou mur de séparation entre les personnages, incluant ou excluant les protagonistes pour finir comme tombe qui ensevelit le mort.

Ce mort, Mithridate, déjà (faussement mort au début de la pièce) qui fait sa résurrection, qui toute sa vie a combattu la mort en ingurgitant des poisons (pour se mithridatiser), mais qui n'a pas su sauver ni son amour (filial ou pour sa "reine"), ni les relations de confiance avec ses proches (envenimées par ses folies et ses ambitions politiques et guerrières). Mais c'est cela aussi le moteur de la pièce et notre plaisir de la surprise et la source des multiples revirements:

"J'ai su par une longue et pénible industrie
Des plus mortels venins prévenir la furie.
Ah ! qu'il eût mieux valu, plus sage, et plus heureux,
Et repoussant les traits d'un amour dangereux,
Ne pas laisser remplir d'ardeurs empoisonnées
Un coeur déjà glacé par le froid des années ?
De ce trouble fatal par où dois-je sortir ? "

TNS - Mithridate - Jean Racine - Eric Vigner - Photo: Jean-Louis Fernandez



Quelle est l'issue? Quand on pense qu'on l'a trouvée, un nouveau revirement vient amener une nouvelle situation et un nouveau cap et une nouvelle surprise. Mais l'important dans cette pièce c'est effectivement de pouvoir se rendre compte de la responsabilité de ses actes et de ne pas "rater sa sortie", en l'occurrence de pouvoir être fier de ce qu'on laisse derrière soi en partant.

Pour Eric Vigner, une des raisons du choix de cette pièce était de travailler sur l'idée de transmission qu'elle contient en faisant travailler ensemble des comédiens qui abordaient Racine pour la première fois: "Que reste-t-il à l'heure de sa mort? Quel monde va-t-on transmettre? J'aime  cette distribution qui réunit quatre générations d'acteurs - cinquante ans de l'histoire du théâtre."

TNS - Mithridate - Jean Racine - Eric Vigner - Photo: Jean-Louis Fernandez



Et l'on ne peut que le féliciter pour cet éclectisme, entre un jeune comédien dans toute sa fraîcheur Yanis Skouta (Arcas - Romain Gneouchev en alternance) sorti récemment (en 2019) de l'école du TNS, Jules Sagot (Pharnace) de l'école du Théâtre National de Bordeaux en 2013, Thomas Jolly, comédien et metteur en scène, directeur de la Picolla Famiglia, et Philippe Morier-Genoux (Arbate, Phaedime), fondateur du Théâtre Partisan à Grenoble en 1967 et qui a travaillé de nombreuses années avec Georges Lavaudan et Roger Planchon et qui est aussi connu par la télévision et le cinéma et qui a une merveilleuses présence sur le plateau. Sans oublier la princesse Monime, Jutta Johanna Weiss qui entre Vienne, New York, Avignon (Andreï Serban), Paris et Moscou (Anatoli Vassiliev) qui éclabousse la scène, magnifique personnage qui joue de sa force et de sa droiture face à ce roi désorienté et ose exprimer sa vérité et sa passion brûlante - et sa distance aussi dans un jeu très incarné. Profitons-en pour citer la créatrice des costumes Anne-Cécile Hardouin, qui lui a réalisé une magnifique robe, entre qu'elle fait varier de la monacale enflammée ou suppliante (avec ses ailes d'ange) à la Carmen envoûtante dévoilant ses mollets. Le jeu du noir et du blanc pour les deux fils et du rouge pour Mithridate et Monime (avec des variations) jouent sur une riche sobriété. Le décor, avec le rideau de perles déjà cité et une "tour sans fin" brancusienne tiennent aussi du symbolique à la fois discret et puissant, tout comme le feu qui brûle l'obscurité du début, que les effets de lumières simples mais puissants de Kelig le Bars sculptent en ambiances hiératiques. A l'image de cette scénographie, la composition musicale et sonore de John Kaced renforcent la puissance émotionnelle de la pièce.


La Fleur du Dimanche


Stanislas Nordey, directeur du TNS a dédié, à la fin des saluts, cette représentation à Joëlle Abler, attachée à la production au TNS, qui venait de décéder. Toutes nos pensées à la famille, aux proches et à l'équipe  du TNS.


Mithridate

Au TNS le 31 mai, 1 et 2 juin 2021  18h00

le 4, 5, 6, 7 et 8 juin 2021 à 18h00


CRÉATION AU TNS

COPRODUCTION


Texte Jean Racine

Mise en scène et scénographie Éric Vigner

Avec Thomas Jolly Philippe Morier-Genoud, Stanislas Nordey, Jules Sagot, Yanis Skouta, Jutta Johanna Weiss

Lumière Kelig Le Bars

Son John Kaced

Costumes Anne-Céline Hardouin

Maquillage Anne Binois

Assistanat à la mise en scène Tünde Deak

Assistanat à la scénographie Robin Husband

Régie générale Bruno Bléger

Thomas Jolly est metteur en scène associé au TNS


samedi 22 mai 2021

Les Ateliers Ouverts.... et la suite...

 Comme chaque année, les ateliers d'artistes s'ouvrent au public et accueillent les curieux et les amateurs d'art. Cette année, faisons un petit tour au nord de Strasbourg, ou à défaut de l'atelier de Corinne Kleck (voir l'année dernière - en octobre - et l'année précédente, ainsi qu'en mai 2017) qui fonctionne autrement cette année*, vous pouvez toujours aller voir Sophie Bassot à Wilwisheim et Aymery Rolland à Gries où il accueille Erwin Heyn puis faire un tour au-delà de Haguenau Wimmenau avec Claude Braun et près de Wissembourg à Birlenbach avec Le Grenier Fertile avec Nicolas Houdin et Camille Schleret.

Puis allez à Preuschdorf pour voir le nouvel atelier de Miriam Schwamm qu'elle a inauguré fin 2020 et où elle accueille dans un premier temps Julie Gonce et Françoise Maillet pour continuer sur une animation autour de l'estampe le 26 mai avec Françoise Amet puis le duo Robert Becker - Dominique Haettel pour les Fleurs Fabuleuses (le livre d'artiste ainsi que les oeuvres originales) du 11 au 13 juin - avec le dimanche 12 à 16h00 la performance "Postures Florales Paréidoliques" de Geneviève Charras en dialogue avec les oeuvres:

Fleurs Fabuleuses - Robert Becker - Dominique Haettel - La grue du lac

Le week-end du 18 au 20 juin sera un "hommage aux pères" avec Michel Gonce, Jean Maillet et Bernd Schwamm.

Le exsositions continuent du 22 mai au 20 juin...

Et dans la rue, une oeuvre en écho de Nouméa avec 7 artistes de Nouvelle-Calédonie qui sont reliées par un "Fil Rouge" et plantées dans la rue:

Ateliers Ouverts - la Case à Preuschdorf - La Ligne Rouge - Photo: lfdd

Ateliers Ouverts - la Case à Preuschdorf - La Ligne Rouge - Photo: lfdd


Mais entrons dans la "case" et admirons les oeuvres des 3 artistes:

Ateliers Ouverts - la Case à Preuschdorf - Photo: lfdd


Ateliers Ouverts - la Case à Preuschdorf - Françoise Maillet - Photo: lfdd


Ateliers Ouverts - la Case à Preuschdorf - Françoise Maillet - Photo: lfdd


Puis dans la cave l'oeuvre commune l'Autre Forêt:

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Françoise Maillet - Miriam Schwamm - Photo: lfdd


Et profitons des animations de Françoise Maillet le dimanche avec le feutrage à l'eau et de Julie Gonce le samedi avec le soufflage de verre. 

Julie Gonce va successivement, après avoir chauffé son verre, y déposer des bandes de couleur, vriller le verre puis lui faire prendre la forme et garder l'axe pendant toute l'opération, tout en souflant pour redonner le volume et la forme puis découper le verre par la chaleur après l'avoir affiné et faire la finition avec le fond du gobelet.

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd

La Case à Preuschdorf - Julie Gonce - Fabrication-soufflage d'un gobelet - Photo: lfdd



A suivre...

La Fleur du Dimanche



mercredi 19 mai 2021

Les expositions de mai à Strasbourg et alentour

On prend les mêmes et on recommence ou alors on change tout ! Et certaines n'ont pu être vues... 
En mars je vous annonçais des expositions, elles on fait long feu, mais il y en a qui reviennent...

Par exemple l'exposition à la Galerie la Pierre Large "Et vînt la lumière"(voir mars).

Pour le CEAAC, les expositions "Herbes Folles" avec Elise Alloin, Stefan Auf der Maur, Marie-Paule Bilger, Thomas Georg Blank & Işik Kaya, Mariann Blaser, Camille Brès, François Génot, Mathilde Caylou, Emmanuel Henninger, Anne Immelé et Melody Seiwert et, au CEAAC International, le travail de résidence de Clara Denidet "Raebouter" et d'Oana Paula Vainer "Smiling in slow motion" auront pu être vues par quelques "happy few" par périodes entrecoupées d'un grand trou. Je vous ai présenté une partie des "Herbes folles", j'ai eu la plaisir de pouvoir en voir la fin avant fermeture ainsi que l'exposition "internationale" et je vous en livre quelques aspects:
Nous avions stoppé en mars avec Mathilde Caylou et ses grosses boules de verre au dessus de nos têtes, nous continuons avec celles-ci vues du haut du 1er étage : "Là où j'ai attrapé l'air" (2020)

CEAAC - Les Herbes Folles - Mathilde Caylou - Photo: lfdd

De près, cela donne ceci:

CEAAC - Les Herbes Folles - Mathilde Caylou - Photo: lfdd

Et rappelons que les locaux du CEAAC sont hébergés dans une ancienne fabrique de verre...

Emmanuel Henninger, à la manière de David Hockney, mais au Rotring, dessine en 6 grandes feuilles un paysage en Allemagne d'une mine de lignite à ciel ouvert en lieu et place d'une forêt primaire en interrogeant à la fois le désastre écologique et le réchauffement climatique. Son trait est précis:

CEAAC - Les Herbes Folles - Emmanuel Henninger - Photo: lfdd


Et ses cahiers de croquis sur le vif sont visible dans une vitrine:

CEAAC - Les Herbes Folles - Emmanuel Henninger - Photo: lfdd



Elise Alloin, de son côté s'intérese aussi à l'énergie, plus précisement nucléaire, elle photographie par exemple une centrale nucléaire au nord de la Pologne, dont la construction a été abandonnée suite à la catastrophe de Tchernobil:

CEAAC - Les Herbes Folles - Elise Alloin - Photo: lfdd


Ou encore, sur les traces d'Anna Atkins, la première femme photographe qui faisait des cyanotypes de plantes, elle recense les plantes autour de la centrale de Fessenheim pour les impressionner sur de grandes bandes de tissus d'organdi qui sont accrochées dans la pièce intermédiaire de l'entrée.

CEAAC - Les Herbes Folles - Elise Alloin - Photo: lfdd

 
Autre traitement photographique de la nature, celui de Thomas Blanck et Isik Kaya et leurs photos nocturnes d'antennes camouflées:

CEAAC - Les Herbes Folles - Thomas Blanck et Isik Kaya - Photo: lfdd


L'artiste bâlois Stephan auf de Mauer propose avec sa série Apocalypse des monotypes représentant des épaves de voitures d'où poussent des champignons colorés et surréalistes.

CEAAC - Les Herbes Folles - Stefan auf de Mauer - Photo: lfdd


Pour clore, Anne Immelé avec Les Jardins du Riestal, nous invite à une rêverie en noir blanc dans un paradis qui semble perdu, en tout cas fugace et en même temps intemporel, les traces d'un jardin qu'on laissse vivre à son rythme. 

CEAAC - Les Herbes Folles - Anne Immelé - Photo: lfdd


Je ne vous ai pas mis d'image des oeuvres de Mélody Seiwert, son travail est tellement mystérieux et précis qu'il vaut mieux s'approcher de ses magnifiques photographies de fleurs qui vivent leur deuxième vie avec les micro-organismes et qui ressemblent à des galaxies ou des paysages imaginaires. Un univers secret...
 
Passons à l'espace International avec Oana Paula Vainer qui nous accueille avec BFF - best friends forever et ses drapeaux (Français, Allemand et Roumain) recomposés qui s'agitent et dansent comme deux personnages sur le seuil de la porte. Ou ses traces de baisers, traces de performances comme celle aussi de traverser de nombreuses fois la frontière pour expérimenter ce passage-transgression. 

CEAAC - Smiling in slow motion - Oana Vainer - BFF - best friends forever - Photo: lfdd


CEAAC - Smiling in slow motion - Oana Vainer - Photo: lfdd



Clara Denidet avec Reabouter interroge la blessure, le ravaudage, la réparation et le jeu des mots flottants dans des sens mystérieux. Elle plante des fleurs comme des clous et les traces-blessures qui se trament sur ses tapis sont plus éclatantes et pleines de vie que le matériau qui a vécu qu'ils pansent. Elle fait appel à des savoir et des faire qui semble chercher des recettes dans des âges oubliés.

CEAAC - Clara Denidet - Reabouter - Photo: lfdd

CEAAC - Clara Denidet - Reabouter - Photo: lfdd

CEAAC - Clara Denidet - Reabouter - Photo: lfdd

CEAAC - Clara Denidet - Reabouter - Photo: lfdd

CEAAC - Clara Denidet - Reabouter - Photo: lfdd



La vie reprend aussi dans les Galeries, par exemple:

La Galerie Brûlée reprend avec l'exposition TOPOGRAPHIE autour des oeuvres de Marianne Hopf et Wolfgang Sinwel et en invité Carlos Morago.
Exposition du 19 mai au 27 juin 2021

Galerie Brûlée - Wolfgang Sinwel - Lebenszeichen 2


Les Musées de Strasbourg ne sont pas en reste et rouvrent aussi leurs portes ce 19 mai. De plus l'entrée en est gratuite jusqu'au 31 juin.
Alors n'hésitez pas et précipitez-vous déjà à l'exposition qui célèbre le bi-centenaire du passage du jeune Goethe à Strasbourg et qui ne dure plus que jusqu'au 31 mai (le confinement en a empêché l'accès et l'organisation de nombreuses animations qui auraient dû l'accompagner). C'est à la Galerie Heitz au Palais des Rohan: Goethe à Strasbourg, l’éveil d’un génie (1770-1771)



A suivre...

La Fleur du Dimanche

dimanche 16 mai 2021

Soi est insituable ! Et le Dasein c'est aussi le rester...ou ne pas le rester, ou ne l'avoir jamais été...

Le moi, le soi, être ou renaître, l'intime ou les autres... Vastes questions... 

Bon, on ne va pas en faire le tour, juste poser deux points... et peut-être un troisième si l'on se réfère à notre fleur du jour, le pissenlit*, taraxatum ou dendelion... Les pointilleux ou les pointillistes auraient rajouté Tampopo.

 

Pissenlits - Photo: lfdd


Premier Point: L'écriture du moi 


Donc, pour l'écriture du moi, il y a bien sûr le journal et l'autofiction, mais aussi en élargissant, la littérature  des "origines", c'est-à-dire les récits de la "construction," les retours sur la passé, la famille, les ancêtres même.

Je n'en parlerai pas, le sujet est vaste et il revient régulièrement dans mon blog.

Pissenlits - Photo: lfdd


Deuxième point: la connaissance de soi


Le point qui m'intéresse - et qui vous intéresse sûrement aussi c'est bien "Soi", comment se trouver (bien, mal, perdu, à changer,...), trouver sa vraie identité*, se découvrir, s'accepter, s'améliorer, s'affirmer, se "reconnaitre"....

C'est un vaste sujet et en faisant une petite recherche sur le thème "Quête de soi" Babalio m'a proposé 2.900 livres!

En fait j'ai ma petite idée là-dessus et je suis tombé sur un article de Roger-Pol Droit (dans le Monde du 13 mai 2021) qui parle d'un livre de Laurent-Paul Sutter qui vient de sortir et qui devrait mettre un point final à cette recherche et qui s'intitule "Pour en finir avec soi-même".

Il y dit:



Et conclut:


Le soi est glissant.... Difficile de l'attraper, surtout qu'il change tout le temps...

Ce qui nous amène au troisième point...


Pissenlit - Photo: lfdd


Troisième point: Etre, tout simplement...


Difficile, mais philosophiquement, ce qui est posé, c'est cette question bien sûr de ce qui bouge tout le temps, et justement, en tournant le page***, on arrive à Martin Heidegger dont la traduction en Français du troisième tome de ses "Cahiers Noirs" : "Réflexions XII-XV. (Cahiers Noirs 1939-1943) viennent de paraître. 


Et son concept fondamental de Dasein dont il parle dans son livre marquant "Etre et Temps":

Dasein désigne la manière tout à fait singulière pour l'"être humain", d'être. Toutes les définitions traditionnelles de l'homme, comme animal rationnel, corps-et-âme, sujet-conscience etc.. deviennent secondaires à partir de ce trait premier, le rapport à l'être. Son mode d'être spécifique c'est l'"existence", selon sa célèbre formule: "l'essence du Dasein tient dans son existence."

Et il conçoit l'homme comme temporalité, comme pur possible; qui a toujours la capacité de devenir autre qu'il est, une créature nouvelle. Son Dasein (l'avoir à-être) dure, sa vie s'étend entre naissance et mort. Selon la description qu'en donne Christian Dubois (dans Heidegger: Introduction à une lecture) "être soi-même, c'est aussi le rester... ou ne pas le rester, ou ne l'avoir jamais été, et ceci entre la naissance et la mort, et tout cela engagé dans le tissu mobile d'une existence avec ses drames, ses péripéties, occasions ratées, rencontres imprévues, qui composent toute une mobilité que l'on appelle l'existence."

Et je vous offre un extrait de ses Carnets Noirs daté de 1941 et curieusement visionnnaire:


Allez, ne vous énervez pas, et laissez-vous aller, un bon petit coup de guitare et tout va aller mieux:


Le Brio (Branchez la guitare) - Big Soul


Helmut Fritz - Ca m'énerve (Clip officiel)


LES WAMPAS "MANU CHAO" (avec Patrick JUVET)


Bon, si je vous ai trop énervé, on va se calmer avec Dom La Lena: Oiseausauvage


 


Bon Dimanche


La Fleur du Dimanche

* P.S. 

Pour les fanas de pissenlit, je vous renvoie au billet du 18 mai 2014 "Pissenlit Chapeau Pointu - On est foutu - Turlututu" pour en découvrir quelques variations supplémentaires

P.P.S. 

Pour les fanas du questionnement sur le moi et l'identité, je renvoie au sujet tel que l'a présenté Michel Serre dans le billet du 9 juin 2019: "Plus je lis, plus, je lis, plus je vois, plus je vois, plus je vis...."

et qui commence ainsi:

"Je connais pas mal de Michel Serres: j’appartiens à ce groupe, comme à celui des gens qui sont nés en Lot-et-Garonne. Bref, sur ma carte d’identité, rien ne dit mon identité, mais plusieurs appartenances. "...

 

P.P.P.S.

Pour les fanas de publicité bien faite - et ceux qui adorent tourner les pages, je voulais juste vous pointer une publicité vue dans la Monde du 7 mai 2021 (elle a peut-être été placée ailleurs aussi), dont le titre était:

"Tournez vite cette page":


 

dimanche 9 mai 2021

Où sont les neiges dans (le) temps"

 Il y a une semaine, je faisais un saut temporel et revenais au début du confinement pour vous offrir une aubade sylvestre. Dans les bois, au milieu des oiseaux, un duo de cor des Alpes au coucher de soleil..

Aujourd'hui, nouveau saut dans le temps. On recule d'une semaine à la fin du confinement pour apprécier cette ambiance hivernale (il ne faisait que 6 degrés à la campagne, quand au détour d'un chemin comme par magie, la neige se met à tomber. je vous mets la vidéo juste après la photo de la "maison de La Fleur du Dimanche.

 

Ne trouvez-vous pas qu'elle est très contemporaine et qu'elle résout le problème de plein de lotissement qui poussent à la campagne, non ?


La maison de la Fleur du Dimanche - Photo: lfdd


Voici donc la "neige":




 

Le reste suivra à l'avenant - a venir...


Bon Dimanche


La Fleur du Dimanche

 

 

 

dimanche 2 mai 2021

L'appel de la forêt... lointaine

 

 Nous sommes le 2 mai, le temps passe... Le 1er mai est passé et hier j'ai fait un voyage dans le temps, au temps du muguet qui rythmait les 11 premiers mai de ce blog de La Fleur du Dimanche depuis 2011.

Il est rempli de marronniers et j'ai décidé de faire un autre retour dans le temps aujourd'hui.

La Fleur-Feuille du jour - Photo: lfdd


En fait aujourd'hui je suis le 4 avril !

Et il y a quatre jours, le Président de la République a fait un discours à la télévision, regardé par des millions de Français.

Et il a eu de la chance de le faire il y a quatre jours, le lendemain c'aurait été une blague de mauvais goût.

Mais qu'à cela ne tienne, il a annoncé non pas un nouveau confinement, mais un "freinage", c'est à dire un élastique au cou de tous les Français. Pas plus de 10 kilomètres autour de la maison et surtout pas après 19h00 (sauf si on a un chien !).

Résultat: je me suis évadé dans la forêt, loin, dans l'Outre-Forêt, au-dessus de l'ancienne Base Aérienne de Drachenbronn, sur le Soultzerkopf, au Refuge (fermé) du Club Vosgien.

Et là, au milieu des hêtres majestueux, dans un décor sylvestre avec le gazouillis des oiseaux, un miracle s'est produit.

Nous avons pu assister à un spectacle surprenant que je vous invite à découvrir:




Le moment était magique, au-dessus de la plaine d'Alsace avec une vue sur la Forêt-Noire au loin et ces deux joueur de cor des Alpes qui devant ce public réduit à six personnes privilégiées présentaient un répertoire dont je vous ai extrait cette pièce.


Un moment de suspension, un gouffre presque qui m'a fait revenir un an en arrière, au tout début du premier confinement où, pour conjurer  le sort, j'avais commencé un "journal" en texte, images et vidéo pour "garder trace" de ce bouleversement qui nous submergeait telle une vague de fond, tout en témoignant du calme étrange que la ville à l'époque recelait.

Et curieusement, le premier épisode s'intitulait "Court-19 : Episode 1 - Frène dans le virage".. J'avais identifié par erreur l'arbre (un érable) comme un frêne.


Mais revenons à aujourd'hui (quel aujourd'hui? le 4 avril ou le 2 mai ?)... Juste un point sur ce qui est déjà en cours. Je ne veux pas vous faire peur, mais juste vous alerter avec le rapport du Réseau international pour l’élimination des polluants où il est question de la mer... et d'une vague de fond aussi qui nous menace. Juste un extrait de ce qui est paru dans le Monde du 29 avril:

"Le diagnostic se précise sur les maux dont souffre le monde aquatique. Pas ceux de demain, que le réchauffement climatique va rendre de plus en plus aigus, mais ceux d’aujourd’hui, directement liés à ce que les humains déversent dans l’eau depuis des décennies. Engrais, pesticides, métaux lourds, hydrocarbures, résidus de médicaments, milliers de tonnes de crème solaire et plastique sous toutes ses formes, sans compter les sédiments chargés de divers produits chimiques y juxtaposent ou synthétisent leurs effets délétères. Ils entraînent des anomalies de développement, des pertes de réponse immunitaire et une baisse de la fertilité chez les espèces aquatiques. Exposés à de nombreux perturbateurs endocriniens (PE), privés de leurs frayères et de leurs nourriceries détériorées, la faune et les végétaux pâtissent des déséquilibres qui menacent des chaînes alimentaires entières, du plancton jusqu’aux oiseaux marins.


Mises bout à bout, les publications scientifiques qui rendent compte de l’irrémédiable dégradation des écosystèmes marins et d’eau douce composent un tableau consternant. Plus de deux cents de ces études sont résumées dans un rapport sur les Polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries, publié mardi 27 avril. Ce recensement a été réalisé pour le Réseau international pour l’élimination des polluants (IPEN), qui regroupe plus de 600 ONG dans plus de 120 pays, avec l’organisation australienne pour un avenir sans toxiques (National Toxics Network, NTN)."


La forêt, elle aussi est en danger et au lieu d'un grand discours - je pense que vous en êtes conscients aussi, je vous offre une vidéo d'un groupe "métal" Français mondialement connu qui en parle aussi: Gojira - Amazonia:


Il ne font pas qu'en parler , ils ont rassemblé des fonds pour sauver aider à la forêt amazonienne

Il n'y a pas que la forêt, les civilisations souffrent aussi, voici donc une deuxième vidéo de ces quatre musiciens: Gojira “The Chant”  

 



Bon dimanche (lequel ?)


La Fleur du Dimanche

samedi 1 mai 2021

Premier mai ? Travail, famille, royauté ? Où est le parfum de la révolution ?

Nous sommes le 1er mai si cela vous avait échappé.... 
Le onzième premier mai de ce blog où, marronnier à moitié, le sujet du muguet et des travailleurs travaille toujours les questionneurs, en même temps que celle du Bonheur !

Alors à quoi attribuer ce dernier? Au travail (c'est la santé disait Henri) ou à la fleur?
Ou peut-être aux douces vibrations infimes des clochettes du convallia (la vallée encaissée) - Lili of the valley en anglais. Puisque la fleur est de la famille des liliacées, donc des lis - délice de la vallée (du Rhin entre autres).

Mais attention, ne confondez pas le muguet (toxique) avec son "double" l'ail des ours (Allium ursinum) Bärlauch en allemand (les mamifères hibernant s'en servaient pour se purger) que  l'on peut manger (comme l'ail cultivé). Le voici en "Nature morte" planche naturelle:

Ail des ours - Photo: lfdd



Pour en revenir au muguet - et au premier mai - ne mélangeons pas les deux qui se sont rencontrés "officiellement"* le 1er mai 1936 au défilé (enfin autorisé) du premier mai - juste avant la victoire du Front Populaire (le 3 mai 1936). 
Ce muguet (la fleur blanche) a (curieusement et paradoxalement) battu le coquelicot - ou l'églantine (rouge) - ou encore le triangle rouge (l'insigne qui symbolisait dès 1890 au revers de la veste des travailleurs la revendication pour la journée de huit heures de travail maximum, qui réservait 8 heures de sommeil et 8 heures de loisir).

Voici donc le muguet:

Muguet du 1er mai 2020 - Photo: lfdd



Pour ce qui est de son histoire (ancienne qui remonte à Charles IX), je vous invite à aller voir mon billet du 1er mai 2013 intitulé "Un brin de bonheur, un brin de soleil, un brin de muguet pour le premier mai" qui vous "conte fleurette" à prpopos du muguet depuis le XVIème siècle et ce roi jusqu'au XXème avec les grands couturiers (Dior, Coty) et leurs parfums.

Complétons avec le 1er mai 1941 de Pétain où le 1er mai devient la "fête du Travail et de la Concorde sociale", avec la devise Travail, Famille, Patrie en débaptisant la "fête des travailleurs" qui fait trop "lutte des classes". Ce jour devient férié, chômé et payé. Il n'était que "chômé" précédemment. Là encore le muguet (blanc) et le coquelicot - ou l'églantine (rouge) se retrouvent face à face, mais le muguet (qui permet de faire se rencontrer les "vendeurs" et le "peuple") donnera un avantage (et une "virginité" au muguet, et des "sous" aux vendeurs - dont le Parti Communiste, historiquement - les fleuristes maintenant...
A propos d'églantine, sachez aussi que le premier "Jour du Travail fut institué par Fabred'Eglantine dans le calendrier républicain et fixé au 19/20 septembre, et que Saint-Just institua dans ce même calendrier une "Journée des travailleurs". Mais la premi-ère "Fête du Travail" fut instituée par le fouriériste Jean-Baptiste André Godin (celui des poêles) le 2 juin 1867 - qui fut ensuite déplacée au 1er mai. Il fit construire un "Familistère" pour ses ouvriers, et en dit, en 1874, dans La richesse au service du peuple. Le familistère de Guise: "Ne pouvant faire un palais de la chaumière ou du galetas de chaque famille ouvrière, nous avons voulu mettre la demeure de l'ouvrier dans un Palais: le Familistère, en effet, n'est pas autre chose, c'est le palais du travail, c'est le PALAIS SOCIAL de l'avenir."

Entre parenthèses dans les années 50 et 60, le premier mai - et ses défilés - reviennent en 1968.
Pour l'historique plus "politique" du 1er mai, je vous renvoie à mon billet du 1er mai 2020: Mai commencé, mais re-commencer, comment c'est?


Pour faire le tour complet du muguet, je vous offre le "Faux-muguet" ou sceau de Salomon qui a également des clochettes et dont les feuilles, disposées le long de la tige resssemblent à celles du muguet et de l'ail des ours:

Faiux-muguet ou sceau de Salomon - Photo: lfdd




Et pour rester dans l'ambiance (un peu détournée) et rendre hommage à Anita Lane qui vient de nous quitter, quelques-unes de ses chansons. Anita Lane a pas mal collaboré avec Nick Cave, notamment, son groupe les Bad Seeds.
A côté de ses albums en solo, elle a aussi collaboré avec Einstürzende Neubauten, Gudrun Gut et Blixa Bargeld ou  Barry Adamson. 

Tout d'abord donc, chanson de circonstance - et précédemment de lutte des travailleurs, Bella Ciao:
 



Une autre chanson, "The World's a girl" dont les images ont été filmées en super 8 en 1994 pa Mick Harvey, son complice artistique des années 80:



Avec Nick Cave une version d'une chansons que vous reconnaîtrez avec Anita Lane & Nick Cave I Love You Nor Do I:



Pas mal aussi, celle-là, pas très catholique :




Je vous en mets les paroles:

There is a keyhole in my can of beer
And there's an eye behind it
Sizing me up and sizing me down
And my hangover's becoming a thorny crown
And dawn is coming over me

Love is cruel
Love is truly absurd
Jesus almost got me
I don't know how many prayers he overheard

There's no relief in the garden
The morning birds are like nerves
The hand of the man that stilled the water
The hand that calmed the sea
Is pouring a drink for me

Love is cruel
Love is truly absurd
Jesus almost got me
I don't know how many prayers he overheard

Love is cruel
Love is truly absurd
Jesus almost got me
I don't know how many prayers he overheard


Autre ancien membre des Bad Seeds, Barry Adamson qui réalise ce clip avec Anita Lane:  These Boots Are Made For Walking.



Allez, je vous fais une fleur - et même deux, la première, seule - Blume:



Et la deuxième Blume avec Einstürzende Neubauten, les auteurs de la chanson:



Et pour finir, il faut la faire: Do that Thing:




En P.S. et pour compléter le billet du dimanche dernier "L'abandon, la méfiance, la liberté, les femmes, vues par... et défendues par..." qui s'est achevé par un petit tour (politique) autour du 8 mai de des femmes, féministes, il se trouve q'une autre Olympe fait l'objet d'un livre qui vient de paraître: Olympe. Etre femme et féministe au temps de Napoléon III de Liesel Schieffer, Vendémiaire.
Olympe Audouard a écrit une trentaine de livres et fondé quatre revues. Elle a fréquenté Théophile Gautier, Alexandre Dumas, Victor Hugo. Mais elle n’hésitait pas à répondre à ceux qui s’insurgeaient, comme Barbey d’Aurevilly, contre cette femme qui "demand[ait] même des droits politiques!". Quand sa plume acérée ne suffisait plus à faire taire les fâcheux, elle les provoquait en duel.
Elle disait dans la revue qu'elle avait fondée, Papillon:
"Selon la loi, nous sommes considérées comme des enfants, nous sommes toujours en tutelle, nous n’avons voix nulle part, l’Académie même est interdite aux femmes, comme si le talent avait un sexe". 
Et par le biais des faits divers, elle y dénonçait la non-condamnation des hommes qui tuent leurs compagnes.
 

Bon Premier mai

La Fleur du Dimanche


* Pour préciser la cohabitation du muguet et de l'églantine, 
sachez que le muguet est déjà une fleur citée dans la mythologie grecque:
Apollon, dieu du Mont Parnasse en tapissa le sol pour protéger les pieds de ses neuf muses.
Dans la tradition chrétienne, le muguet est associé aux larmes de sang de la Vierge Marie qui se seraint transformées en clochetttes blanches.

Le retour du muguet et de la célébrité d'une certaine manière, ce fut Félix Mayol ! Il en parle dans une de ses lettres, adressée à Jean Bernard, historiographe de Paris, auteur de "La vie de Paris" (paru en 1927):
"Quant au muguet c'est après en débarquant à Paris, à la Gare St Lazare le 1er mai on vendait le muguet porte-bonheur 2 sous et une camarade Jenny Cook qui était venue m'attendre m'en offrit un bouquet pour ma chance car je venais auditionner au Concert Parisien. Je le mis à ma boutonnière et je fus engagé par Mr. Dorfeuil un bien brave homme. C'est en 1896-98 je crois que vous m'avez présenté à la Bodinière [*]. Ce muguet a porté bonheur à d'autres, aussi, car le Concert Parisien qui est devenu en 1910 le Concert Mayol appartient aujourd'hui à Mr Dufrenne le Roi des Directeurs de music-hall qui y fit ses début en directeur de music-hall en 1914. À l'époque, c'était la Guerre et je croyais que c'était fini et qu'on ne chanterait plus jamais. Je le vendis 200.000 f. payables par année (en 6 ans)

Recevez, cher ami, une cordiale poignée de mains de votre tout dévoué

Félix Mayol"
Clos Mayol

Mayol qui devint très très célèbre et chantait avec ce brin de muguet à la boutonnière 

Sinon, du côté de l'histoire du 1er mai, et du combat du muguet et de l'églantine, à l'origine, en 1895 Paul Brousse, dans La Petite République française, propose aux lecteurs et lectrices de choisir le signe qui mobilisera le mieux les socialistes pour le défilé du 1er mai: "Ce n'est pas avec le cerveau qu'on émeut les masses, c'est avec le cœur, l'image, l'art, les sentiments."
Dès la première manifestation du 1er mai, en 1890, un insigne à la boutonnière permettait aux  participants  de  se  faire  remarquer  dans  les  rues  parisiennes. C'était  un  petit  triangle  rouge, symbole  dela  division  harmonieuse  de  la  journée  en  "trois  huit" -travail,  sommeil,  loisir -, revendication initiale du 1er mai.
Les lectrices et les lecteurs choisirent la fleur et parmi les fleurs citées: le lilas, le myosotis,  le bleuet... C'est l'églantine qui devient finalement le symbole de la foi en la Révolution,devançant l'oeillet encore trop associé au boulangisme, ce mouvement populiste, militariste et xénophobe qui venait de connaître un triomphe éphémère. L'églantine était traditionnellement cueillie dans le Nord de la France, région où le 1er mai prit son essor et où L'Internationale fut chantée pour la première  fois.  

En 1907 le muguet, en parallèle de l'églantine, fait son apparition dans la presse à l'occasion du 1er mai:
"Hier, les ouvriers ont travaillé comme de coutume et on n'aurait jamais su que l'on était au 1er mai sans l'abondance des muguets qu'on vendait sur les  petites  voitures  et  un défilé  de  cuirassiers  sur  les  boulevards." En  1909, même L'Humanité  se joint au concert: "Le 1er mai n'est pas seulement une journée de revendications ouvrières. C'est aussi la fête du muguet et des petites jeunes femmes qui s'en font offrir par leurs soupirants."

"En 1936 une étape a été  franchie lors du rassemblement politique et symbolique qu'était le Front populaire. Le "compromis" du muguet cravaté de petits noeuds rouges, remarqué par les journalistes dans les meetings de mai 1936,  ira de pair avec le chant de La Marseillaise et la récupération des valeurs d'une culture nationale, amorcée, au premier chef, par les communistes."
Voir Églantine ou muguet ? La bataille du 1er mai 

Un dessin paru dans L'oeuvre le 1er mai 1936 était intitulé: "Parait que Muguet est battu? Oui, il s'est fait sonner les cloches par Coquelicot!"
Voir : "Le premier mai 1936 entre deux tours et deux époques" de Miguel Rodriguez 

Mais c'est définitivement en 1941 que l'églantine est balayée par le Maréchal Pétain. A noter qu'il institue aussi la célébration Saint Philippe ce jour-là (c'est son prénom!). On fêtait la Saint Jacques et Saint Philippe le 1er mai -  en 1955 le pape les a remplacés par Saint Joseph, le charpentier et l'artisan, l'époux de Marie.