lundi 25 décembre 2023

Joyeux Noël et Bon Père Noël (en Vespa avec Bob's not dead)

 En ce 25 décembre 2023, jour de Noël je vous suis redevable, fidèles lectrices ou lecteur - et même si vous n'êtes pas fidèle et que vous n'êtes là qu'en passant - d'une fleur et de voeux.

Pour la fleur, je prends celle dont le nom est presque religieux, ce cyclamen, pour fêter le retour de la lumière : la nuit la plus courte est derrière nous...


Le cyclamen de Noël (chez Chantal R.) - Photo: lfdd


Permettez aussi de vous remercier car grâce à vous plus plus de 566665 pages ont été vues depuis le début de ce blog, ce qui fait une moyenne de 380 vues environ par page - plus de 1.000 pour les 10 les plus "visitées".

Et pour les Voeux, je vous les fais en Vespa, même si ce n'est pas très écolo mais "Eccoli, i Babbo Natale sono tornati con la loro Vespa" - les pères Noël sont de retour avec leurs guêpe...




J'avais oublié le TVA (Texte à Valeur Ajoutée), mais les visites sur mon blog me font revenir des souvenirs... A méditer (c'était un 1er mai - en 2016) et cela reste d'actualité, ces réflexions de la la philosophe belge, Chantal Mouffe au sujet de l' "agonisme":

"La politique consiste à établir une frontière entre un «nous» et un «eux», et tout ordre politique est fondé sur une certaine forme d’exclusion. La réflexion sur la démocratie doit reconnaître l’antagonisme. Une politique démocratique doit établir les institutions qui permettent au conflit de ne pas s’exprimer sous la forme d’une confrontation ami-ennemi, mais sous la forme que j’appelle «agonistique»: une confrontation entre adversaires qui savent qu’il ne peut y avoir une solution rationnelle à leur conflit, mais qui reconnaissent le droit de leurs opposants à défendre leur point de vue. Si on nie l’antagonisme et qu’on n’essaie pas de lui donner une forme agonistique, il risque de se manifester sous la forme d’une confrontation entre des valeurs non plus politiques, mais morales et non négociables, ou sous des formes essentialisées de nature ethniques ou religieuses.

Elle continue:
"L’idée postpolitique qu’il n’existe plus d’adversaire en politique conduit aujourd’hui à construire l’adversaire en termes religieux ou ethniques. Ce n’est plus right and left mais right and wrong. Si l’on construit la frontière de manière morale, le «mauvais» ne peut pas être un adversaire, il ne peut être qu’un ennemi."  
Si vous voulez creuser c'est sous le lien du 1er mai 2016.


Et pour finir en chanson en Vespa, avec Bob's not Dead: Rock'n'Roll Vespa:



Bonnes Fêtes à toutes et à tous.


La Fleur du Dimanche


samedi 16 décembre 2023

Le Journal d'Hélène Berr: Le terrible destin d'une jeune fille engagée

 Ce Monodrame lyrique Le Journal d'Hélène Berr trouve son origine dans une double rencontre, d'une part la volonté d'Hubert Dutreil du Quatuor Bela de commander une oeuvre à Bernard Foccroulle et d'autre part la découverte par ce dernier du Journal d'Hélène Berr. Au départ interprète et compositeur pour l'orgue, il élargit sa palette à d'autres formations et à des pièces instrumentales et vocales et assure également la direction générale du Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles et celle du Festival d'Aix en Provence. 


Le journal d'Hélène Berr - Bernard Foccroulle - Photo: Klara Beck


La lecture du Journal d'Hélène Berr a été un choc pour lui. Ce texte que la jeune femme, encore étudiante fait débuter à ses 21 ans (les écrits antérieurs ont disparu) raconte des événements qui lui sont arrivés entre le 7 avril 1942 et le 15 février 1944 et sont un témoignage rare de l'intérieur concernant la vie d'une jeune femme juive dans le Paris occupé avec l'escalade de la répression par les nazis, les persécutions, les arrestations et les déportations vécues par un témoin, actrice aux premières loges. Nous y trouvons ainsi les descriptions des sentiments propres à cette jeune fille, autant en relation avec cette situation et les questions, les réflexions et prises de position qu'elle fait naitre, que des éléments de sa vie amoureuse, entre la fin d'une relation et la naissance d'une autre. C'est d'ailleurs sûrement ce qui nous vaut d'avoir accès à ce texte, qu'elle a dédiée à Jean Morawiecki qu'elle rencontre pour la première fois le 27 avril 1942. 


Le journal d'Hélène Berr - Bernard Foccroulle - Photo: Klara Beck


Le fait de commencer son journal vingt jours avant met celui-ci sous les auspices de la poésie, étant donné qu'il débute par une visite chez Paul Valéry pour y récupérer "son" livre avec cette dédicace "Au réveil, si douce la lumière, et si beau ce bleu vivant". Sous ces auspices, le texte de ce journal passe de pensées poétiques à des réflexions beaucoup plus prosaïques, surtout des constatations de la dégradation de la situation dans cette période, surtout concernant les juifs (avec l'emprisonnement de son père à Drancy, puis les différentes rafles au Vél' d'Hiv', le départ de Jean pour l'Espagne - ce qui vaudra au journal une interruption de dix mois, avec cette reprise où l'on sent une forte volonté de témoigner mais aussi de laisser une trace et des souvenirs pour elle et pour Jean. Elle le dit d'ailleurs au début de la deuxième partie: "Il y a la partie que j'écris par devoir, pour conserver des souvenirs de ce qui devra être raconté et celle qui est écrite pour Jean, pour moi et pour lui."  Le texte et simple, poétique mais aussi émouvant et poignant. Il montre les hésitations mais aussi la force de caractère de cette jeune étudiante qui adopte des attitudes courageuses (par exemple de porter fièrement l'étoile jaune) mais qui est aussi très consciente de ce qui est en train d'arriver et des dangers qui la guettent, mais sans se décourager. 


Le journal d'Hélène Berr - Bernard Foccroulle - Photo: Klara Beck


La musique, qui se cantonne à ce quatuor et un piano, souligne les différents états que traverse la jeune étudiante, rappelant des atmosphères et  marquant aussi quelquefois par avance le drame qui se dessine à l'horizon. Pour ce qui est du texte, celui-ci alterne entre des parties parlées, du Sprechgesang, qui nous permettent de bien suivre le déroulement de ce drame qui se joue sous nos yeux, et des parties chantées où, en plus de l'orchestre, la cantatrice apporte son instrument vocal au service de la coloration musicale. La composition varie selon les douze parties qui découpent ce journal. Il faut souligner la très belle interprétation de la magnifique mezzo-soprano Adèle Charvet mais également ses talents de comédienne. Car dans la mise en scène à la fois sobre mais forte et poignante de Matthieu Cruciani, elle est comédienne sur une grande partie de la pièce et arrive à faire passer des sentiments ou des émotions même sans parler ni chanter. 


Le journal d'Hélène Berr - Bernard Foccroulle - Photo: Klara Beck


Cette mise en scène sobre dans un décor minimaliste mais très lisible de Marc Lainé qui joue sur les différents découpages d'espace que permettent ces six voiles qui au départ nous accueillent comme des transats, des fauteuils ou des vagues immobiles sur une plage où nous projetons nos rêves, vont, au fil du dérouler délimiter des espaces plus ou moins ouverts, avec deux trois meubles, dont le bureau principal, celui de l'écriture, et des chaises. Et donc un extérieur, une chambre, presqu'une cellule à la limite et - un moment, le fantôme de Jean qui rejoint Hélène qui se languit de lui. Une vraie prouesse avec une économie de moyens, mais une résultat fabuleux. On peut dire la même chose en ce qui concerne la relation d'Hélène avec sa soeur pianiste par les simples gestes de transfert de gilet de l'une à l'autre. Et bien sûr le lien via les citations du quatuor à cordes de Beethoven et le Lied de Schumann sur un poème de Heine. 


Le journal d'Hélène Berr - Bernard Foccroulle - Photo: Klara Beck


Les costumes de Thiébault Welchlin sont aussi beaux qu'efficace en sens, du manteau sobre mais altier du début et de la robe jaune clair qui marque la jeunesse et le printemps, à un pantalon beaucoup plus sérieux et sobre à l'image du changement de sentiments d'Hélène - "mais je suis devenue très grave" - à la robe de chambre témoin d'un claustration certaine, présage de l'avenir plus sombre encore. Tout ce dispositif nous emporte totalement à la fois dans le récit et les péripéties - les moments ponctuant la vie de cette jeune femme dans laquelle interfère l'Histoire, les changements patents dans l'environnement et le voisinage t les informations qui arrivent à passer, que ce soient les rafles la déportation ou les assassinats. Et toujours ce courage de cette jeune femme qui sait qu'elle n'est pas éternelle mais qui vit debout avec courage. Et qui nous vaut ce beau bijou plein d'émotion à ne pas rater et surtout à ne pas oublier.


La Fleur du Dimanche



Le Journal d'Hélène Berr



A Strasbourg - Théâtre de Hautepierre - du 13 au 21 décembre 2023

A Mulhouse - Théâtre de la Sinne - 12 janvier 2024

Composition
Bernard Foccroulle
Mise en scène
Matthieu Cruciani
Scénographie
Marc Lainé
Costumes
Thibaut Welchlin
Lumières
Kelig Le Bars
Les Artistes
Hélène
Adèle Charvet
Piano
Jeanne Bleuse
Quatuor Béla

jeudi 14 décembre 2023

Péplum Médiéval au Maillon: une chanson de geste colorée dans une langue fleurie

Olivier Martin-Salvan est passionné de Moyen-Age et nous partage cette fièvre avec un spectacle décalé et surprenant. 

Peplum Médiéval - Olivier-Martin-Salvan - Photo: Martin Argyroglo


Sur scène nous découvrons un château comme un jouet pour enfants agrandi à des proportions où les acteurs ont la taille de jouets. Deux personnages attendent le début de l'histoire et un troisième sort de dessous un arbre, blanc comme un vermisseau, nous présentant, comme dans une soirée des temps anciens les aventures auxquelles nous allons assister et cela dans une langue surprenante. Le metteur en scène ayant commandé à un poète contemporain ce texte, mélange de termes médiévaux et de mots inventés, sorte de Rabelais surréaliste et plaisant que Valérian Guillaume a écrit en le confrontant aux interprètes. 

Peplum Médiéval - Olivier-Martin-Salvan - Photo: Martin Argyroglo


Ceux-ci, une foisonnante tribu colorée de dix-huit personnes sur scène - autant l'équipe technique que tous les autres comédiens, dont sept interprètes du collectif Catalyse du Centre National pour la Création Adapté que je vous mets au défi d'identifier, tant ils sont partie prenante du spectacle et déclament à merveille ce texte inventif comédiens. Il y est question d'amour, de guerre, de mort, de combats, saupoudré de farces, de sketches et de scénettes plus désopilants les unes que les autres. 

Peplum Médiéval - Olivier-Martin-Salvan - Photo: Martin Argyroglo


Cela ne manque ni d'acrobaties, ni de gags et de magie, on suit les différents personnages aux noms et aux destins divers: la femme champignon, l'homme pomme de pin, celle qui ramasse les artichauts, celle qui engloutit tout le monde dans sa jupe, le bon roi bien sûr et tous les chevaliers. 

Peplum Médiéval - Olivier-Martin-Salvan - Photo: Martin Argyroglo


Toute une cour qui ne cesse de bondir et rebondir d'histoire en histoire, alternant les récits et les tableaux très graphiques, quelques chorégraphies médiévales et des chansons moyenâgeuses. Les costumes sont tous très originaux, faisant  ressembler les personnages à des cartes à jouer - de belles créations de Clédat & Petitpierre (dont nous avons déjà pu apprécier ici même l'inventivité des costumes et décors dans Poufs aux sentiments). 

Peplum Médiéval - Olivier-Martin-Salvan - Photo: Martin Argyroglo


Même le carnaval funèbre et la danse macabre en noir et blanc sont joyeux. La musique aussi, sorte de ritournelle de boite à musique électronique apporte une atmosphère plaisant et dérisoire qui nous emmène dans un monde enchanté, rêvé, qui se clôt sur lui-même, et le vers blanc retourne sous son arbre en bouclant la boucle. Fin de l'intermède médiéval, nous retournons dans la vraie vie.

Peplum Médiéval - Olivier-Martin-Salvan - Photo: Martin Argyroglo



La Fleur du Dimanche    

mercredi 13 décembre 2023

Evangile de la Nature de Lucrèce au TNS: Une magnifique célébration de la Nature

 Stanislas Nordey pour son dernier geste artistique au TNS nous offre une magnifique célébration de la nature, une surprise et un bonheur qui nous comble avec ce seul en scène pour ce texte de Lucrèce Evangile de la Nature (De Rerum Natura) traduit dans une vraie langue poétique par Marie NDiaye et Christophe Perton qui le met en scène. 


Evangile de la nature - Lucrèce - Photo: Jean-Louis Fernandez


C'est un monument, un texte foisonnant qui englobe la terre, les hommes et tout l'univers dans une longue poésie qui nous emporte plus d'une heure et demie. Bien sûr, Stanislas Nordey n'est pas seul et pour porter ce texte, la musique d'Emmanuel Jessua et Maurice Marius qui se marie à chaque instant à la respiration du texte, qui rythme le sens et construit les atmosphères, donne le ton, enveloppe dans un cocon, accélère ou amplifie l'énergie, est un soutien et un guide à cette interprétation du texte. De même que la lumière précise et pointue d'Eric Soyer nous concentre sur l'essentiel dans cet univers mouvant dont beaucoup de choses restent dans le noir. Le texte que Stanislas nous apporte presqu'intériorisé, comme si la pensée de Lucrèce coulait en doux filets de sa bouche, comme une confidence, un conseil, nous enveloppant dans son cours et nous guidant dans le déroulé au fil de cet immense essai de compréhension du monde. Il faut aussi noter le discret mais remarquable travail du son, invisible, mais qui nous offre une qualité d'écoute spatialisée impeccable et confortable. Et qui met ce texte en avant. 


Evangile de la nature - Lucrèce - Photo: Jean-Louis Fernandez


Les très belles images vidéo de Baptiste Klein qui entourent la scène des trois côtés et nous montrent des paysages presqu'abstraits, des nuées, des ciels, des rochers, des plages, du sable, des forêts, des plantes et fougères, avec quelquefois juste un humain qui s'y inscrit en partie, sont également des moyens de nous englober dans ces descriptions et explications que nous donne le philosophe poète. Tout comme le dispositif scénographique, ce plateau circulaire découpé en deux cercles qui ont quelquefois leurs vies autonomes et où l'on se projette totalement comme sur une immense voie lactée ou des anneaux de Jupiter, qui tourneraient dans l'univers et qu'explore la pensée de l'homme qui essaie de le comprendre. Cette pensée est à la fois claire, englobante, et précise, juste, et curieusement, alors qu'elle nous vient de plus de deux mille ans, furieusement actuelle. Les questions soulevées et les sujets traités nous sont d'une curieuses actualité. Que ce soient la peste, qui nous remet aux premiers temps de l'épidémie du COVID (un peu à l'origine de ce projet) - "nul n'était épargné" - ou les cataclysmes terrestres (inondations, tremblements de terre,…) ou encore les questionnements sur l'évolution de la science ou les aveuglements de la religion, ou encore les massacres belliqueux, les questionnements n'ont pas énormément changés. 


Evangile de la nature - Lucrèce - Photo: Jean-Louis Fernandez 


Les leçons de l'évolution de la planète, des sciences, de la civilisation, du langage, des arts, et leurs contreparties de violences et d'affrontements, d'exploitation sont clairement décrits. Les interrogations sur notre univers et ses limites, la temporalité et les questions liées à la matière et à l'âme humaine sont présentées avec une acuité incroyable et dans un récit jamais obscur et plaisant, souvent avec une voix douce et rassurante, avec des variés, bien choisis. Les réflexions s'ancrent dans la civilisation et la philosophie grecque, en particulier Homère et Epicure et prônent une philosophie de la vie simple et positive tout en constatant le transformation des êtres et des choses. C'est un très bel adieu que nous offre donc ici Stanislas Nordey qui nous éblouit de sa prestation et à qui nous souhaitons encore de belles explorations à venir.


La Fleur du Dimanche


Evangile de la Nature 

Au TNS à Strasbourg du 13 au 21 décembre 2023

D’après
De rerum natura 
de Lucrèce
Traduction
Marie NDiaye
Christophe Perton
avec la collaboration
d’Alain Gluckstein
Adaptation, mise en scène et scénographie
Christophe Perton
Avec
Stanislas Nordey
Composition musicale
Emmanuel Jessua
Maurice Marius
Lumière
Éric Soyer
Vidéo
Baptiste Klein
Photographie
Smith
Assistanat à la mise en scène et aux costumes
Ninon Le Chevalier
Assistanat à la scénographie
Clara Hubert
Création le 13 décembre 2023 au Théâtre National de Strasbourg.Production Scènes&Cités
Production Scènes&Cités
Coproduction Théâtre National de Strasbourg
Avec le soutien du Jeune Théâtre National
La Compagnie Scènes&Cités est conventionnée par le ministère de la Culture et la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Le décor est réalisé par les ateliers du Théâtre National de Strasbourg.

mardi 12 décembre 2023

Il Tartufo au TNS: Molière en Italie, l'imposteur au pilori

 C'était le quatre centième anniversaire de la naissance de Molière l'année dernière et les festivités débordent un peu, au moins sur 2023, sinon plus. Cet anniversaire a aussi été fêté en Italie, pays de la Comédie - dont la troupe avait côtoyé le sieur Poquelin en son temps. Et ces éléments nous valent cette pièce Il Tartufo au TNS interprétée par la troupe du Teatro di Napoli - Teatro Nazionale. Mais nous la devons surtout au jeune et talentueux metteur en scène Jean Bellorini - plusieurs fois récompensé aux Molières, en 2013 pour Paroles Gelées au Théâtre Gérard Philippe et en 2023 pour Le Suicidé (1928) de Nikolaï Erdman au Théâtre National Populaire de Villeurbanne - et qui a déjà travaillé avec le Berliner Ensemble (pour cette dernière pièce) ou le Théâtre Alexandra à Saint Petersbourg. La proposition de monter cette pièce que lui avait faite Luca de Fusco, alors directeur du Teatro di Napoli, soutenue par son successeur, lui aura permis de concrétiser un projet, qu'il "avai[t] en tête depuis longtemps" et qu'il travaillait souvent lors de ses ateliers, et en plus en italien, langue d'origine.


Il Tartufo - Jean Bellorini - Photo: Ivanno Cera


C'est la traduction de Carlo Repetti, sans les alexandrins mais avec les rimes, qui, d'une certaine manière est proches de la langue de l'époque de Molière, que le metteur en scène met dans la bouche des comédiennes et des comédiens. Cette langue, vivante et virevoltante apporte son dynamisme et une poésie fleurie à la mise en scène, dans un décor qui lui, s'inspire plutôt du cinéma post-néoréalisme italien. La musique tire vers le pop, le rock et la variété. avec des moments plus mélo. Les costumes de Macha Makeieff  (qui elle aussi avait fait de son côté sa version plus étrange et pasolinienne de la pièce) se rapprochent plus de la Comedia del Arte et sont gais et colorés avec quelques notes plus humoristiques comme le pantalon en velours bleu de Cléante ou le mariage des chaussettes rouges de Tartuffe avec les chaussures - rouges également d'Elmire - qui donnent lieu à une danse de séduction chaplinesque. 


Il Tartufo - Jean Bellorini - Photo: Ivanno Cera


Le rythme de la pièce est soutenu et il est quelquefois difficile de lire tous les sous-titres qui permettent de suivre en détail l'intrigue, surtout que le texte est assez fidèle au français d'origine avec des tournures tout à fait adaptées. Mais l'histoire nous la connaissons un peu, et nous suivons avec intérêt, d'abord avec curiosité ce curieux personnage de Tartufe décrit avec ironie par les protagonistes en son absence pour en découvrir les multiples métamorphoses dans des scènes qui vont du comique absolu tirant aussi vers une bonne dose d'érotisme (entre le dessus et la dessous de la table). 


Il Tartufo - Jean Bellorini - Photo: Ivanno Cera


Cette table à géométrie variable d'où rayonnent les différentes actions ou qui les cristallisent - entre repas glouton égoïste, la torture de la pâte à pizza ou baptême marital à la farine. La mise ne scène et la scénographie sont originale et enlevées - même les chaises dansent en sortant du décor. Et le crucifix surdimensionné qui incarne une partie du message de la pièce, également le geste de Deus ex Machina de sauvetage final (sur ordre du Prince, métaphore de la levée de la censure réelle de la pièce) est une belle trouvaille. Et cerise sur le gâteau, c'est la robe de mariée qui coiffe l'intrigue - et Marianne - sur le fil !


Il Tartufo - Jean Bellorini - Photo: Ivanno Cera


Les différents espaces de jeu, dont l'avant-scène avec ou sans "chaises musicales" ou "fauteuils d'approche" apportent une intimité et une proximité avec le public et même le coin cuisine au fond de la scène réservé aux femmes apporte un espace de révolte à la pièce. Il faut d'ailleurs noter que les personnages féminins sont traités avec force - et les actrices sont toutes exceptionnelles d'incarnation et de qualité de jeu  - même si ce seraient plutôt Orgon (imposant Gigio Alberti)  et Tartuffe (labile - et habile Federico Vanni), qui ont les rôles principaux. 


Il Tartufo - Jean Bellorini - Photo: Ivanno Cera


Mais autant Madame Pernelle (volontaire Teresa Saponangelo) que Marianne (Francesca de Nicolai pleine d'énergie) ou la déterminée Dorine (Angela de Matteo) ou bien sûr la courageuse Elmire (souvenaine Teresa Saponangelo) pour ne parler que d'elles participent à une distribution très juste, dans laquelle le français Jules Garreau en Valère trouve tout à fait sa place. Et l'on redécouvre ici avec bonheur cette pièce de Molière, qui évolue au grès des rebondissements (et sûrement aussi de l'histoire de son écriture et de ses difficultés de réception) d'une critique assez comique de la bigoterie et de la fausse dévotion à un portrait beaucoup plus sombre - et inquiétant - d'un escroc imposteur qui arrive à nous glacer le sang. Même dans une langue qui ne nous est pas familière. Pari réussi !


La Fleur du Dimanche


Il Tartufo


Au TNS du 12 au 16 décembre 2023


Texte: Molière
Traduction en italien: Carlo Repetti
Mise en scène: Jean Bellorini
Avec la troupe du Teatro di Napoli − Teatro Nazionale
Gigio Alberti
Daria D’Antonio
Angela De Matteo
Francesca De Nicolais
Ruggero Dondi
Luca Iervolino
Betti Pedrazzi
Teresa Saponangelo
Giampiero Schiano
Federico Vanni
et
Jules Garreau
Collaboration artistique: Mathieu Coblentz
Lumière et scénographie: Jean Bellorini
Assistanat a la scénographie: Francesco Esposito
Costumes: Macha Makeïeff
assistée de: Anna Verde
Assistanat à la lumière: Giuseppe Di Lorenzo
Son: Daniele Piscicelli
Surtitres; Cécile Marroco

dimanche 10 décembre 2023

Pendant l'Avent, le calendrier de l'année à venir, un rituel à tenir ?

Je ne me souviens plus quand est né le premier calendrier de la Fleur du Dimanche. La première trace date de 2013. Nous fêterions donc son dixième anniversaire - que celles et ceux qui ont une version plus ancienne lèvent la main et me préviennent.  

En tout cas celui de cette année-là a donné quelques belles "Fleurs Fabuleuses" - au moins quatre, plus une autre qui a servi à l'autre livre d'artiste "... des fleurs". Belle moisson. Le cru 2024 sera-t-il à la hauteur ? 

C'est à vous de juger. J'attends vos votes - et vos demandes*. En voici la couverture:


Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Couverture - Photo: Robert Becker


Et pour ne pas faillir au TVA - Texte à Valeur Ajoutée, sachez que la tradition des calendriers de l'Avent (avec un e comme "adventus" - arrivée - pour la naissance annoncée de Jésus) est une tradition venant de l'Allemagne protestante, qui, au début du XIXè siècle, pour faire patienter les enfants avant (avec un a) Noël, a inventé, à la fois la couronne (avec les quatre bougies à allumer au fur et à mesure des dimanches qui rapprochent de Noël), et des imagettes qui ponctuent les jours avant la Nativité. Et c'est de 1903 que date le premier calendrier de l'Avent imprimé en Bavière par Gerhard Lang. Cette tradition est arrivée en France (quid de l'Alsace? Etait-ce avant?) dans les années 50 et le chocolat (au départ juste les chocolats ou des petits gâteaux) derrière les fenêtres à ouvrir datent de plus tard. 

De mon côté, pas de chocolat ni de fenêtres à découper, mais une fenêtre ouverte chaque mois sur la nature, les fleurs et leur beauté. Le calendrier 2024 est toujours sur  un superbe papier glacé de qualité.

Et c'est vous qui choisissez les photographies des mois de l'année 2024. Je vous en propose deux versions. La première, qui a déjà eu vos suffrages, et la deuxième - pour varier - qui mixera les meilleurs votes de premier et du deuxième choix. Alors, n'hésitez pas, votez pour les deux versions que vous souhaitez garder ou offrir. Mettez le mois et la version que vous soutenez.

Cette année j'offrirai aux votants (par mail : lafleurdudimanche [at] gmail [point] com ) ou sur les réseaux sociaux) pour chaque dixième calendrier vendu, un à une personne tirée au hasard. Le plaisir et la surprise ;-) 

Alors, ... A vos votes ! Voici le choix 1 :


Janvier:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - janvier - choix 1 - Photo: Robert Becker


Février:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Février - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Mars :

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Mars - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Avril:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Avril - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Mai:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Mai - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Juin:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Juin - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Juillet:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Juillet - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Août:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Août - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Septembre:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Septembre - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Octobre:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Octobre - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Novembre:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Novembre - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Décembre:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Décembre - Choix 1 - Photo: Robert Becker


Version 2 :


Janvier:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Janvier - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Février:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Février - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Mars :

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Mars - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Avril:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Avril - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Mai:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Mai - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Juin:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Juin - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Juillet:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Juillet - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Août:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Août - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Septembre:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Septembre - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Octobre:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Octobre - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Novembre:

Calendrier 2024 de La Fleur du Dimanche - Novembre - Choix 2 - Photo: Robert Becker


Décembre: vous n'avez plus le choix, dommage ! Bon, il y en a quand même assez pour votre plaisir.

Allez,, on vote !


Bon dimanche


La Fleur du Dimanche


*Le calendrier 2024 est toujours sur  un superbe papier glacé de qualité. Le prix de "souscription" est de 20 € plus frais d'envoi de 3 € par calendrier.

P.S. Si vous souhaitez un tirage sur papier "exposition" en format 20x30 cm d'une de ces photos, c'est également possible. Merci de me contacter.

vendredi 8 décembre 2023

HAMLET Tragédie Musicale au TAPS: une folie rock à Elseneur

 Dépoussiérer les vieux crânes du théâtre élisabéthain, c'est la pari réussi de Catherine Umbdenstock et de la troupe de l'Ensemble Epik Hôtel qui crée cette version contemporaine de Hamlet dans laquelle l'on navigue de la Claire Fontaine jusqu'à des ballades country ou Rock en passant par un rap très "théâtre contemporain". 


Hamlet - Shakespeare - Catherine Umbdebstock - Photo: André Muller


Avec l'aide de Dorothée Zumstein, une dramaturge et autrice contemporaine qui connait bien l'univers de Shakespeare et en a traduit quelques pièces, le texte de Skakespeare est adapté à la solide petite troupe qui assume tous les rôles, à commencer par Christophe Brault, le Roi Claudius qui vient de prendre la place de son frère, le père d'Hamlet qu'il a assassiné et dont il épouse la femme, la Reine Gertrude, interprétée par Charlotte Krentz. Il incarne aussi si l'on peut dire le spectre ainsi que le fossoyeur. C'est Lucas Partensky qui joue Hamlet avec toute les variations d'interprétations nécessaires, de la douleur à la soif de vengeance, de la surprise à la détermination, de l'amour à la folie, dans une belle énergie et une admirable diction. Christophe Brault est bien sûr à la hauteur de son trône, en politicien harangueur de foule et de Roi démasqué. Tout comme Frank Williams, qui se glisse allègrement dans le costume impeccable de Polonius ou celui plus relax de Laërtes, frère d'Ophélie ou encore de musicien multi-instrumentiste et chanteur aux styles divers. 


Hamlet - Shakespeare - Catherine Umbdebstock - Photo: André Muller


Nabila Chajaï en Ophélie réservée s'exprime subtilement avec sa harpe et son violon. Ses dialogues musicaux, que ce soit une version de la Moldau à la harpe ou d'autres variations qui lui permettent de garder le silence sont une trouvaille dramaturgique très intéressante, apportant par la musique une atmosphère tout à fait judicieuse aux scènes. Samuel Favart-Michka en Horatio et musicien slameur et chanteur - et aux percussions qui frappent bien! - fait aussi preuve d'une très belle voix, très sensible et émouvante pour la fin de la pièce. N'oublions pas Pierre Malaisé qui est à la fois au four et au moulin, ambassadeur de Norvège et régisseur sur le plateau. Ce plateau mobile et modulable est une belle trouvaille, qui, partant d'une enceinte en bois qui va au fil des actes s'ouvrir en salon, puis en chambre à coucher pour finir par un dédale où se perd la raison et les protagonistes, en passant par une scène de théâtre qui dévoile littéralement la scène du crime. Les interventions musicales sont judicieusement pesées et choisies, variées et adaptées au déroulement de l'action, d'A la Claire Fontaine qui a des échos autant dans la folie - et la mort - d'Ophélie que du "Remember me" du spectre aux chansons désespérées de Johnny Halliday interprétées avec fougue mais aussi avec délicatesse par Frank Williams qui assure également impeccablement les chansons anglaises. Samuel Favart-Mikcha lui assure la partie plus rap et électronique de la musique. 


Hamlet - Shakespeare - Catherine Umbdebstock - Photo: André Muller


Toutes ces contributions à tous les niveaux amènent une belle dynamique dans la pièce dont on secoue bien la poussière - qui devient la neige d'antan tombant des cintres et a le don de ne pas trop peser sur le récit qui nous emporte dans sa folie, à l'exception de la scène attendue du "To be or not to be", scène emblématique s'il en est où le poids de tous les regards pétrifie d'une certaine manière le jeu et l'interprétation de cette question existentielle.  Mais Catherine Umbdenstock a sur l'ensemble su insuffler une vitalité (même si tout le monde meurt à la fin! ) et une bonne énergie avec ses choix de textes, de musiques et de mise en scène que tout "le reste est silence".


La Fleur du Dimanche



Hamlet


du 5 au 89 décembre au TPAS SCALA à Strasbourg

de William Shakespeare
Adaptation Catherine Umbdenstock, Katia Flouest-Sell
Traduction Dorothée Zumstein
 
Mise en scène Catherine Umbdenstock
Ensemble Epik Hotel, Strasbourg
 
Avec Christophe Brault, Nabila Chajaï, Samuel Favart-Mikcha, Charlotte Krenz, Lucas Partensky, Frank Williams
 
Dramaturgie Katia Flouest-Sell Scénographie et costumes Claire Schirck Création lumière Florent Jacob Création sonore Samuel Favart-Mikcha Création musicale Nabila Chajaï, Samuel Favart-Mikcha, Frank Williams Régie générale Pierre Mallaisé Chargée d’administration Louise Champiré

Coproduction Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace Soutiens Ministère de la culture – Drac Grand Est, Région Grand Est, TAPS – Théâtre actuel et public de Strasbourg, Théâtre Public de Montreuil – CDN, Centro Culturale Zitele de Venise, Lilas en Scène.
L’Ensemble Epik Hotel reçoit l’aide triennale au développement de la région Grand Est pour la période 2021-2023.