jeudi 30 septembre 2021

Drift Multiply de Tristan Perich à Musica: une marée de violons dans un océan de hauts-parleurs

 Tristan Perich dont nous avons déjà pu entendre une oeuvre à Musica cette année, plus précisément la pièce Infinity Gradient sur l'orgue de Saint Paul nous revient ici aux Halles Citadelle avec les violons des deux orchestres alsaciens, l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg et l'Orchestre Symphonique de Mulhouse dans un dispositif original: Chaque musicien/ienne est accompagné d'un haut-parleur, ce qui nous donne sur scène, alignés comme à la parade cinquante musiciens et cinquante haut-parleurs sur lesquels le son va être traité plus ou moins par Tristan Perich. Et c'est Douglas Perkins qui est en charge de la direction de cet orchestre pour un voyage de plus d'une heure:



Des vagues sonores s'étalent et se répandent. On dirait une ruche mais ici pas d'ouvrières mais des violonistes affairé(e)s à leur tâche. De temps en temps une onde nait et s'épanche en rythme, comme la mer, ses vagues qui, imperturbables viennent battre la plage. Le vent tourne, une nouvelle vague apparaît. La musique devient répétitive. Soudain le rythme ralentit, faiblit, s'éteint sous un dernier violon.



Et cela recommence en plus lent et plus grave, puis les battements reprennent. Des rythmes différents se superposent, s'entrecroisent, se démêlent et une poussée d'énergie jaillit. Au bout d'un moment, la belle unité se disloque et tout est décalé, cela vrille, tourbillonne.



Un nouvel épisode se met en place puis s'éteint alors que dans les haut-parleurs le bruissement, tel des applaudissements, continue. Quelques violons redémarrent, suivis par l'orchestre en entier et également les haut-parleurs, puis en alternances les uns et les autres. Une valse se met à tourner, puis une grande plage de sons qui se répondent puis le bruit blanc arrive et continue seul.



Nouveau départ calme, avec des respirations, des mini-variations qui s'insinuent et se multiplient, prennent de l'ampleur, puis s'amenuisent et changent. Une phrase plus complète tente d'émerger doucement, les autres violons répondent, pour finir dans le ressac des vagues électronique des haut-parleurs.



Puis, de nouveaux accords très ténus, doucement, distendus et disjoints, puis un dernier, un tout dernier. Point final.



On peut penser à Steve Reich ou Phil Glass, mais cette musique répétitive, qui cherche ses racines également chez la Monte Young a beaucoup à voir avec l'influence de le minimalisme de l'électronique et les sons minimalistes de premiers jeux vidéo et poussé à la limite, le "bruit blanc", degré zéro du minimalisme sonore.



Et nous disons "Adieu" au Halles Citadelles



La Fleur du Dimanche

mardi 28 septembre 2021

Le Black Village de L’Instant Donné aux Halles Citadelle de Musica: Effluves de mystère et de chamanisme

 Retour aux Halles Citadelle pour un "concert clandestin", en l'occurrence, une série de récits récurants autour d'une certaine Myriam, et de deux hommes, Tassili et Goodmann, ainsi que de multiples personnages, dont une créature-oiseau, mystérieuse. 

Musica - Black Village - Lutz Bassmann - L’Instant Donné - Hélène Alexandridis - Photo: lfdd


Hélène Alexanridis nous conte cela avec une belle présence, appuyée par l'orchestre L’Instant Donné: Elsa Balas, Nicolas Carpentier, Caroline Cren, Maxime Echardour, Saori Furukawa, Mayu Sato-Brémaud qui rythme les vifs intermèdes - interludes et ponctuations dramatiques en accentuant l'atmosphère noire de l'histoire. Nous nous imaginons retourner dans une nuit arctique en compagnie de personnages pas très recommandables. Le suspense fait son effet et la langue de Lutz Bassmann (alias Antoine Volodine), tout en nous instillant de la frayeur, nous calme et nous rassérène dans le flot de son récit. 

Musica - Black Village - Lutz Bassmann - L’Instant Donné - Photo: lfdd

Musica - Black Village - Lutz Bassmann - L’Instant Donné - Hélène Alexandridis - Photo: lfdd

Musica - Black Village - Lutz Bassmann - L’Instant Donné - Hélène Alexandridis - Photo: lfdd

Musica - Black Village - Lutz Bassmann - L’Instant Donné - Hélène Alexandridis - Photo: lfdd


Le spectacle programmé à 22 heures a profité de l'ambiance de ce lieu abandonné à cette heure tardive et y a gagné une densité inquiète.


La Fleur du Dimanche

Musica: Syncretismus  hypothesi - Les éléments se déchainent et le chaos se fait musique

Retour à Saint Paul pour Syncretismus  hypothesi  de Jennifer Walshe et Mario de Vega et l'ensemble ]h[iatus présenté par le Festival Musica

Musica - Syncretismus  hypothesi - Jennifer Walshe - Mario de Vega - ]h[iatus - Photo: lfdd

La scène, au centre de l'église est cernée par les spectateurs et nous présente le chaos et son harmonie en musique, une fin du monde en quelque sorte. Après avoir frappé les trois coups sur son bol tibétain, Lê Quan Ninh fabrique quelques mixtures non stables qui glougloutent et bullent en silence, une bouteille de cola se remplit de mousse bleue.

Musica - Syncretismus  hypothesi - Jennifer Walshe - Mario de Vega - ]h[iatus - Photo: lfdd

Jennifer Walshe nous raconte et nous chante avec entrain son histoire. Les autres musiciens disposés autour de la scène, Tiziana Bertoncini au violon, Angelika Sheridan à la flûte, Carl Ludwig Hübsch au tuba, Martine Altenburger au violoncelle et Thomas Lehn au synthétiseur et au piano, entre les silences ou les chants d'oiseaux, nous jouent quelquefois des mélodies tendres ou s'agitent avec des trompettes de Jéricho dans une saine gaité. 

Musica - Syncretismus  hypothesi - Jennifer Walshe - Mario de Vega - ]h[iatus - Photo: lfdd

Cette armée crétoise qui croule sous la neige, assassine les bouquets de fleurs ou, sous le vent des bosquets semble prendre plaisir à cet "effondrement .. salutaire, désirable".


Musica - Syncretismus  hypothesi - Jennifer Walshe - Mario de Vega - ]h[iatus - Photo: lfdd

Musica - Syncretismus  hypothesi - Jennifer Walshe - Mario de Vega - ]h[iatus - Photo: lfdd


La Fleur du Dimanche

Trust me tomorrow du collectif norvégien Verdensteatret à Musica: Ne pas en croire ses yeux

Il y a une semaine, je saluais, à l'occasion du concert Deaf, not Mute l'ouverture du  Festival Musica pour des expressions inhabituelles, en particulier la musique pour personnes malentendantes. Le concert Trust me tomorrow de Verdensteatret présenté avec et au Maillon, avec la collaboration du TJP - Centre Dramatique National - cette fois-ci explore si l'on peut dire l'aspect "malvoyant" de l'expression artistique. Le collectif norvégien qui travaille depuis de nombreuses années - il a été fondé en 1986 à Oslo - et qui explore les interactions entre artistes de différents domaines (poètes, peintres, vidéastes, musiciens, informaticiens...), proposent avec cette pièce une exploration du monde des cavernes et de l'obscurité. 

Musica - Maillon - TJP CDN - Trust me tomorrow - Verdensteatret - Photo: lfdd

Le plateau est souvent plongé dans un noir absolu. A un moment, un projecteur de cinéma semble projeter des images sur le fond de scène, mais quand la pellicule est arrivé au bout, les images continuent en s'élargissant. Ces images, très belles et irréelles alternent avec des moments d'obscurité habités de sons, dès le début, sons indéfinis, dont nous n'arrivons pas à définir l'exacte provenance, certaines fois oscillant entre beuglement de vaches ou bêlement de brebis, chant de cigale et de grillons, crissements d'insectes ou craquements, grattements et petites percussions, frottements, grésillements, cliquetis, bruit de pluie, pépiements et chants d'oiseaux sans compter les sons d'instruments que nous imaginons: cor, trobone, trompette,...

Musica - Maillon - TJP CDN - Trust me tomorrow - Verdensteatret - Photo: lfdd

L'obscurité nous rends attentifs à cette diversité et cette profondeur sonore, de temps en temps le son "tourne", de temps en temps nos voyons une ombre - quelquefois soudainement éclairé jouant d'un instrument, ou semblant être la source d'un bruit. Les flashes de lumière, violents nous laissent un écho lumineux qui nous aveugle et nous remet dans le noir. Deux paires de mains semblent par imposition guider une lampe rampant sur le sol, des plumes sautent sur des tambours blancs, des grottes minuscules traversent les airs. 

Musica - Maillon - TJP CDN - Trust me tomorrow - Verdensteatret - Photo: lfdd

Et, vers la fin, après une séquence vidéo où une dune se métamorphose au rythme de la musique qui la creuse dans sa matérialité, apparaissent dans un clair-obscur des musiciens jouant d'instruments étranges et qui, pour clore le spectacle, donnent une dernière aubade avec des instruments blancs comme des os, émettant de flashes éblouissants. Une bien surprenant manière de nous rendre attentif aux sons qui nous entourent, qu'ils soient familiers ou inhabituels.


La Fleur du Dimanche

lundi 27 septembre 2021

Forêt à Musica: Lente immersion dans la nature... du mouvement

 Avec Forêt de Franck Vigroux présenté avec le Maillon au Théâtre de Hautepierre dans le cadre du Festival Musica, nous ne quittons pas l'orientation "écologique" qui marque cette édition. Mais le spectacle concocté par Franck Vigroux - il en a fait la conception, la direction et la musique - nous emmène dans une voyage vers la perception. 

Musica - Maillon - Forêt - Franck Vigroux - Azusa Takeuchi - Photo: lfdd

Musica - Maillon - Forêt - Franck Vigroux - Azusa Takeuchi - Photo: lfdd

Les lumières fantomatiques de Perrine Cado manipulent nos sens et nous nous retrouvons à essayer de deviner si ce que nous voyons est réel ou non, si nous n'assistons pas à une projection vidéo. Ces brindilles qui bougent lentement et s'agitent, habitées par le geste lent et mesuré de la danseuse Azusa Takeuchi nous hypnotisent et nous emportent dans une autre dimension où le temps semble suspendu, presque absent. 

Musica - Maillon - Forêt - Franck Vigroux - Azusa Takeuchi - Photo: lfdd

Musica - Maillon - Forêt - Franck Vigroux - Azusa Takeuchi - Photo: lfdd

Nous sommes absorbés litérallement par la carapace de branchages créée par Margo Duse qui couvre la danseuse et dont les présences fugaces se multiplient. Un monde éthéré nous englobe dans son irréalité, un rêve presque. La vidéo générative d'Antoine Schmitt et la partition sonore nous suspend dans ce voyage semblable à un songe dans lequel nous découvrons ce personnage suspendu qui semble aller vers sa perte ou partir dans les airs. 

Musica - Maillon - Forêt - Franck Vigroux - Azusa Takeuchi - Photo: lfdd


La Forêt est une être étrange comme dans nos rêves d'enfant.


La Fleur du Dimanche   


Forêt 

direction, conception, musique Franck Vigroux 

performance dansée Azusa Takeuchi 

création costumes, objets | Margo Duse

création vidéo | Kurt d’Haeseleer

vidéo générative | Antoine Schmitt

lumière | Perrine Cado

conseil dramaturgique | Michel Simonot, Philippe Malone

dimanche 26 septembre 2021

Musica et la Passion de la petite fille aux allumettes de David Lang: une passion redoublée

 Présenté par Musica avec l'Opéra National du Rhin à l'église Saint Paul, la Passion de la petite fille aux allumettes (2007) de David Lang est une pièce pour quatre voix solistes avec percussions qui lui a valu le prix Pulitzer de la musique en 2008. 

Musica 2021 - Opéra Studio de l'ONR - Passion de la petite fille aux alumettes - David Lang - Photo: lfdd

C'est une adaptation du conte d'Andersen pour lequel il a fait entrecroisé le récit connu avec des extraits de l'évangile de Luc et de la Passion selon Saint Matthieu de Bach. L'effet n'en est que plus puissant avec un traitement vocal différenciant les parties du récit et la passion. Le récit du conte balbutie en quelques sorte: cette petite fille pauvre et abandonnée, ayant perdu sa grand'mère, le seul être qui la chérissait se retrouve seule dans la rue un soir de Noël à vendre de allumettes dans l'indifférence générale et brûle celles-ci jusqu'au dernier tout en cheminant vers le ciel: une mort par le froid. Les deux chanteuses - Lauranne Oliva, soprano et Elsa Roux Chamoux, Mezzo-soprano et les deux chanteurs Damian Arnold, ténor et Oleg Volkov, baryton se répondent merveilleusemsn et entrelacent leur chant, en répétant en boucle et en écho les 9 étapes de la passion de cette petite fille, tout en dramatisant les passages traités de manière plus classiques à l'image des chants d'église de la partie en référence à Bach. Les traitemetns vocaux variés nous prouvent qu'une passion moderne estencore possible. Et les quatre membres de l'Opéra Studio de l'Opéra National du Rhin, sous la direction musicale d'Alphonse Genin nous ont ainsi emmenés sur ce chemin mystique et douloureux.

Musica 2021 - Maîtrise de l'ONR - Ted Hearnes - Ripple - Photo: lfdd

C'est le même Alphonse Genin qui a ouvert le programme ave la Maîtrise de l'Opéra National du Rhin contitué d'une jeune et valeureuse équipe féminine qui a executé avec brio - et la mezzo Elsa Roux Chamoux - la pièce Ripple (2012) de Ted Hearne. Une pièce minimaliste, basée sur le texte d'un télégramme rendant compte d'un incident mortel à un Chek-Point américain en Irak le 22 juillet 2005. Le texte est repris en canon par le choeur avec variation et reprises très mélodiques et il faut saluer la qualité des voix de certaines de membres. Labeauté des voix s'oppose à la dureté de l'évènement et à la sècheresse du texte.


Musica 2021 - Maîtrise de l'ONR - Caroline Shaw - Its Motion Keeps - Photo: lfdd

Musica 2021 - Maîtrise de l'ONR - Caroline Shaw - Its Motion Keeps - Photo: lfdd

Autre pièce qui a précédé la Passion, Its Motion Keeps (2013) de Caroline Shaw dont nous avons déjà pu entendre des oeuvres par deux fois dans cette édition de Musica. Cette pièce pour choeurs d'enfants et alto solo (ici à l'alto Joachim Angster) est basée sur un hymne religieux anglo-saxon et il est plutôt traité en ritournelle joyeuse, comme une comptine enfantine reprise et multipliée.


La Fleur du Dimanche

Musica avec le Quatuor Diotima: La Musique passe les frontières

 En cette matinée de Dimanche Musica nous offre un concert à "saute-frontière". C'est à la Stadthalle de Kehl que, soit en tram, en voiture ou à vélo, l'on va assister à un concert de "Musiques d’antichambre" avec le Quatuor Diotima*. A l'image de Claude Debussy et son Quatuor op.10 (1893) qui bouscule les règles stricte de cette (petite) forme musicale (de chambre) en en "éclatant la structure", carte blanche est offerte à trois jeunes musicien.enne.s qui visitent  - et renouvellent à leur manière cet exercice de style.

Musica 2021 - Quatuor Diotima - Musique d'Antichambre - Photo: lfdd

D'abord Mikel Urquiza (né en 1988 en Espagne) avec la création mondiale de Index (2021), une pièce en quatre mouvements au traitement très "formel". Sa pièce ressemble à un magnifique collage, condensé de mélodies dans un rythme changeant rapide, des sortes de superpositions de plusieurs pièces. Les cordes sont frappées, les doigts glissent dessus, les sons sont tirés. Des moments plus calmes repartent en de rapides accélérations et le calme revient. Quelquefois les airs semblent comme hachés et condensés. Un beau condensé de références. Le compositeur, présent est bien applaudi.

Musica 2021 - Quatuor Diotima - Musique d'Antichambre - Photo: lfdd

Suit la pièce de 2015 réécrite de Lisa Streich (musiciènne suédoise née en 1985) en  Vogel. Mehr Vogel (Als Engel) dans une nouvelle version 2021. Elldémare par un balencement de l'archet sur les cordes qui sonne comme une vieille mécanique d'où sirgit de temps en temps une plainteréation mondiale Le balancement cesse, les plaintes s'allongent et deviennent aigües Puis un bourdonnement sourd qui continue dans une glissade et finit dans un battement imperceptible.

Musica 2021 - Quatuor Diotima - Musique d'Antichambre - Photo: lfdd

Après un court entracte l'on continue avec A Failed Entertainment (2013) de l'Italienne Clara Iannotta (née en 1985). Crissements, sourdine, glissando, sifflements, brusques accélérations, sons sourds, frottement des cordes, sons presqu'imperceptibles, rythmes discrets qui se répondent, se déploient, glissent, craquent, grattent et rebondissent dans une grande discrétion qui en font une très belle pièce avec une grande économie de moyens.

Musica 2021 - Quatuor Diotima - Musique d'Antichambre - Photo: lfdd

Le concert s'achève donc avec le Quatuor op.10 (1893) de Claude Debussy en quatre mouvements. Le premier avec un air ample qui est repris à l'unisson, le deuxième plus sautillant et enjoué, frais. Le troisième, une mélodie calme et nostalgique qui se déploie doucement et prend de l'ampleur. Le dernier mouvement, après un départ calme s'accélère et nous entraîne dans un vibrant tournoiement, une course éperdue. 




Le programme a prouvé que cette forme musicale n'est pas encore dépassé et que ses formes multiples font preuve de sa vitalité. Le public transfrontalier, nombreux dans la salle - tout en gardant les distances respectueuses - a pu l'apprécier.


La Fleur du Dimanche


Quatuor Diotima

violon | Yun-Peng Zhao, Constance Ronzatti

alto | Franck Chevalier

violoncelle | Pierre Morle

samedi 25 septembre 2021

Musica au Fossé des Treize: La Cosmologie fécale du wombat: Tour de Pis(t)e ou de Babel

 Je vous avais annoncé que le Festival Musica avait décidé de se décaler, le spectacle de ce samedi au Fossé des Treize intitulé La Cosmologie fécale du wombat* a réussi à être sans musique du tout.

Musica - TJP - Jazz d'Or - La Cosmologie fécale du wombat - Vinciane Despret - Photo: lfdd


Nous avons nagé en pleine uchronie avec une conférence scientifique censée se passer à la fin du XXIème siècle. C'est le directeur de Musica lui-même qui l'a annoncé en inaugurant un colloque se tenant dans les années 2080...  Et cela traitait de... Enfin cela traitait à la fois d'éthologie, de biologie, de sociologie, de psychologie, de botanique et de science des religions... animales! En fait cela traitait surtout de thérolinguistique - la science de l' "écrit" des animaux", d'écologie, de poésie et d'humour. L'objectif étant à la fois de décaler notre regard sur notre environnement, de mettre en cause notre position que nous croyons dominante en terme d'intelligence, de savoir et de sociabilisassion et d'essayer de prendre conscience que nous ne sommes qu'un rouage infime dans l'ordre du Monde, dans notre ère que nous appelons très injustement "anthropocène" en nous disant que tout cela est grâce à nous et à notre progrès.

Musica - TJP - Jazz d'Or - La Cosmologie fécale du wombat - Vinciane Despret - Photo: lfdd


Cette conférence nous prouve que, si nous posions les bonnes questions aux animaux, nous nous rendrions compte que les réponses ne sont pas si évidentes et qui si nous savions observer les - bons - faits, nous nous rendrions compte que, peut-être ce que nous appelons l'intelligence humaine a encore beaucoup à apprendre du règne dit "animal". Vinciane Despret, la philosophe belge qui prend ces questions à rebours, nous prouve, dans cette présentation structurée à la fois comme un roman policier et comme un grand poème pataphysique, que nous nous trompons en gratifiant les chimpanzés et autres primates qui nous singent ou les poulpes et les dauphins que nous sommes à mille lieux de comprendre toute la profondeur mystique de certaines "civilisations" animales, de même que le ciment d'entraide social qu'ils développent en se basant sur un mammifère marsupial d'Australie, le wombat, que nous commençons à peine à découvrir et qui produit par exemple des crottes carrées empilables. 

Musica - TJP - Jazz d'Or - La Cosmologie fécale du wombat - Vinciane Despret - Photo: lfdd

Cependant, cette démarche ontologique vis-à-vis du monde animal (au moins) est auto-dynamité de l'intérieur par son propre raisonnement et les interventions d'un universitaire (Alexis Zimmer) citant les philosophes grecs. Si cela ne suffisait pas, les trois protagonistes qui partagent la table de conférence, le couple Simona Denicolai et Ivo Provost, s'évertuant tout au long de la conférence à découper en cubes des légumes et les assembler en de mini tours de Babel dont on découvrira la version géante à la fin, et François Génot dont on connait le travail artistique et de dessin qui reste, de son côté tout aussi muet et dont la surprise finale est encore plus intéressante. 

Musica - TJP - Jazz d'Or - La Cosmologie fécale du wombat - Vinciane Despret - Photo: lfdd

C'est vrai que l'on aurait pu, dans un sorte de conférence "projetée" pu assister à l'illustration des thèses développées par la conférencière, mais l'aboutissement de la conférence n'en est que plus gratifiante et valorisée. Une performance en somme qui nous fait prendre des chemins de traverses pour notre plus grand bonheur.


La Fleur du Dimanche


Il faut rappeler que La Cosmologie fécale du wombat fait l'ouverture de saison du TJP - Centre Dramatique National et qu'il est co-présentés avec Musica, le Maillon et Jazz d'Or

vendredi 24 septembre 2021

Musica 2021: La musique écologique vient du Nord

 Les programme du Festival Musica de ce vendredi est tourné vers le Nord et le froid...

Musica 2021 - Vox Naturae - Maîtrise Sainte Philomène - Photo: lfdd


D'abord pour la partie "chorale", avec l'Ensemble "Les Métaboles" dirigé par le Colmarien Léo Warynski dans un concert que l'on pourrait appeler "hommage" à  R. Murray Schafer, disparu cet été, le compositeur canadien théoricien et pédagogue, considéré comme le premier musicien "écologique" qui a cofondé le projet mondial d'environnement sonore à l'Université Simon Fraser et développé le concept de "paysage sonore". Il combattait la pollution sonore en ville (concept qui commence à peine à émerger chez nous) et travaillait en relation avec les cultures proches de la nature. 

Musica 2021 - Vox Naturae - les Métaboles - Maîtrise Sainte Philomène - Photo: lfdd

Musica 2021 - Vox Naturae - les Métaboles - Maîtrise Sainte Philomène - Photo: lfdd

En témoigne la pièce Miniwanka (1971) qui utilise les différents noms de l'eau dans tous ses états selon les dialectes amérindiens d'Amérique du Nord et qui a clôturé le concert - et fourni un bis enthousiaste. C'est une pièce pour de jeunes interprètes, en l'occurrence ici la Maîtrise Sainte Philomène de Haguenau sous la direction de Pierre Wittner, tout comme la première pièce Swowforms qui explore les noms de la neige et joue sur les dissonances. Miniwanka joue les alternances parole et choeur, avec des décalages et des échos entre la scène et les chanteuses et chanteurs au fond de la salle. 

Musica 2021 - Vox Naturae - les Métaboles - Veljo Tormis - Photo: lfdd

Cette disposition  avec le public en tenaille est également utilisée avec Vox Naturae (1997) qui emprunte également aux chants grégoriens avec les voix qui se superposent et qui prend un air festif avec clochettes et percussion comme pour un carnaval. Le tambour est également présent, frappé en rythme soutenu par la chef de choeur Léo Warynski pour la pièce du nordique Européen, le compositeur estonien Veljo Tormis pour Raua Needmine (1972), une de ses multiples compositions pour choeurs, dans un pays où cette pratique est encore très vivace. La composition emprunte également aux chants ethniques, mongols ou voix de gorge, et voit des montées en puissance de foule avant un nouvel apaisement. Des paroles s'insinuent également dans la partition. 

Musica 2021 - Vox Naturae - Murray Schafer - les Métaboles - Photo: lfdd

Pour Magic Songs (1988) de Murray Schafer, alternance de solos, d'onomatopées et de chants puissants, le jeu de scène avec les déplacements des chanteurs est très original.

La soirée en tout cas a prouvé que le chant choral pouvait encore rassembler et être un lieu de partage, surtout en Alsace, terre fertile à cette expression musicale.


Tumik & Katajjaq

Changement de décor - nous passons dans une autre salle dans une pénombre de nuit polaire - avec Tumik & Katajjaq, une proposition de Philippe Le Goff, compositeur et spécialiste de la culture inuit qui a exploré depuis plus de trente ans les cultures amérindiennes du Grand Nord du Canada. 

Musica 2021 - Tumik & Katajjaq - Philippe Le Goff - Photo: lfdd


Il en a rapporté des films où, dans un décor réduit à l'extrême: deux draps suspendus sur lesquels sont projetés, soit la mer, la banquise et la neige, soit des images qu'il a rapportées et qui nous montrent la vie de ces contrées et leur culture: la pèche, le tressage de cordes ou les chants traditionnels Katajjaq. Pour ces derniers, une technique de chant "aspiré" qui est plutôt de l'ordre du jeu et de la compétition - deux chanteuses (traditionnellement c'étaient des combats de femmes) se font face pour un canon où il faut tenir le rythme, et les changements de rythme, le perdant, la perdante est celle qui n'arrive pas à suivre. 

Musica 2021 - Tumik & Katajjaq - Akinisie Sivuarapik et Amaly Sallualuk - Photo: lfdd


Nous en avons la démonstration en chair et en voix par deux chanteuses, Akinisie Sivuarapik et Amaly Sallualuk, venues de Nunavik au Nord du Québec, encore porteuses de cette tradition. Elle nous font une présentations des divers thèmes traduits dans ces jeux de gorge traditionnels: la neige, la rivière, le vent, le traineau qui glisse sur la neige, les moustiques, le petit chien. Et nous nous imaginons transpostés dans le grand Nord. La soirée s'achève par des chants de tambour - traditionnellement dévolus à la résolution de différends entre hommes, mais comme les hommes se sont aussi mis à la voix de gorge, Akinisie Sivuarapik assume volontiers cette transgression. Ces chants sont enchanteurs, tout comme le parler inuit dans lequel elle explique les différents contextes de sa prestation.



La Fleur du Dimanche

jeudi 23 septembre 2021

Musica à Saint Paul: le grand écart entre Nord et Sud, c'est l'ouverture

 Le public de Musica qui s'est déplacé ce jeudi 23 septembre à l'église Saint Paul pour assister aux deux concerts programmés par Musica ce soir-là a pu saisir l'ouverture du festival à toutes les musiques.

Musica 2021 - Shaw only - I Giardini - Photo: lfdd


En début de soirée à 18h00, Shaw Only, du côté de la nef (au Nord), nous présentait six oeuvres instrumentales de Caroline Shaw dont nous avons pu apprécier deux oeuvres vocales le soir de l'ouverture du Festival avec l'ensemble vocal Roomful of Teeth dont elle fait partie. Les pièces donnaient le plein pouvoir aux interprètes du collectif I Giardini en solo, duo ou ensemble. Avec Limestone and felt (2012) interprété à l'alto par Léa Hennino et au violoncelle par Pauline Buet, par un jeu de cordes pincées et grattées, rarement frottées, nous sommes emmenés dans un univers frais et fruité, très vivifiant avec une belle envolée finale. 

Musica 2021 - Shaw only - I Giardini - Photo: lfdd


Avec In manus tuas (2009) nous assistons à une pièce plus intériorisée, avec quelquefois une mélodie  nostalgique qui surgit entre les cordes grattées, un chant qui semble désespéré. Boris Kerner (2012) voit le violoncelle rejoint par la percussionniste Eriko Minami utilisant des pots de fleurs comme instruments. On y assiste à la collision d'airs qui nous semblent familiers au violoncelle et à cette percussion presque Arte Povera. 


Musica 2021 - Shaw only - I Giardini - Photo: lfdd

Le jeu de Pauline Buet, qui est l'une des directrices artistiques de I Giardini, est très expressif tout en étant intériorisé, avec des accents un peu athertoniens. L'autre directeur artistique du collectif, le pianiste David Violi nous offre Gustave Le Gray (2012), une subtile variation autour de la Mazurka opus 17 de Chopin, avec des variations nostalgiques comme une vieille photographie de l'inventeur des plaques au collodion humide.

The Wheel (2021) qui suit est une commande, entre autres de l'ensemble et de Musica, un duo piano et violoncelle en création mondiale qui joue sur le décalage entre les deux instruments. 

Musica 2021 - Shaw only - I Giardini - Photo: lfdd

Le concert s'achève sur la pièce Thousandth Orange (2018) - quatuor avec piano dans laquelle une foule d'airs, de Brahms à la variété en passant par la pop surgissent comme un palimpseste musical qui nous remplit de joie et de nostalgie.

Musica 2021 - Saint Paul - Photo: lfdd


Le deuxième concert, à 21h00 du côté de l'entrée (au Sud) à l'orgue gigantesque (un des plus volumineux du Grand Est, consruit sur les plans d'Ernest Munch) de cette église Saint Paul a vu la création mondiale de la pièce Infinity Gradient (2021) de Tristan Perich interprétée par James Mc Vinnie.

Musica 2021 - Infinity Gradiant - Tristan Perich - Photo: lfdd

Pendant une heure, il nous a emporté dans des sons et des volutes, des boucles et des variations, des moments plus calmes et des montéees en puissance sur l'instrument dont le son, transformé repassait par un dispositif bricolé par le compositeur et diffusé sur les rangs d'une centaine de hauts-parleurs de différentes tailles. 

Musica 2021 - Infinity Gradiant - Tristan Perich - Photo: lfdd

Un résultat hypnotique entre Steve Reich, Phill Glass et la Monte Yong avec d'infinie variatiosn sonores qui a bercé et remué les spectateurs et les spectatrices dont beaucoup s'étaient allongé(e)s sur le coussins au sol. De la musique électronique artisanale si l'on peut dire. 

Musica 2021 - Infinity Gradiant - Tristan Perich - Photo: lfdd


La Fleur du Dimanche