Blog culturel sur les Arts: littérature, danse, théâtre, musique, classique ou contemporaine, jazz, concerts, Arts plastiques, expositions, et des photos de fleurs.
Le programme de la première soirée de l'ensemble Accroche Note à l'église du Bouclier à Strasbourg (16èmes rencontres d'été - voir le programme complet ce lundi) s'est positionnée sous le signe du grand ensemble. Douze musiciens pour cette troupe à géométrie variable qui a accueilli en son sein le quatuor Adastra pour des pièces de Fauré et de Mahler (Schoenberg). On peut dire que la générosité de l'accueil de Françoise Kubler et Armand Angster leur ont également ouvert la scène à un instrument pas très habituel des cocnerts de musique classique: l'accordéon qui donnait sa réplique en miroir à la clarinette dans la pièce d'Isabel Mundry Spiegel Bilder, dialogue entre Armand Angster et Marie-Andrée Joerger. Dialogue très libre où les sonorités, de temps en temps de recouvrent et se retrouvent dans un reflet d'anches.
Accroche Note - Armand Angster - Françoise Kubler - Rencontres d'été de Musique de Chambre - Photo: lfdd
L'accordéon trouve également sa place dans les "Lieder eines fahrenden Gesellen" de Gustav Mahler, dont Arnold Schoenberg en a extrait la substantifique moelle dans une version pour voix, flûte, clarinette, quintette à corde, piano, accordéon et percussion dans laquelle l'oeuvre nous apparaît limpide et légère. La voix, en l'occurrence celle souple et envoûtante, allant jusqu'au paroxysme, de Françoise Kubler qui s'est fait plaisir - et nous aussi - avec les deux invocations Tiagaru de Giacinto Scelci nous a emmené dans des voyages exotiques et orientaux, balançant entre la mélopée, les attaques guerrières, la méditation et les envolées lyriques. Le Chant de Linos d'André Jolivet, dont l'auteur dit qu'il est "dans l'antiquité grecque une variété de trenos, une lamentation funèbre entrecoupée de cris et de danses" n'est pas vraiment une chanson triste, mais bien un moment très enjoué et dynamique. Tout aussi enjouée et plaisante, la version pour flûte, clarinette, harpe et quintette à corde de Pélléas et Mélissande de Gabriel Fauré qui a ouvert le concert qui a débuté le concert et mis tout le monde dans l'ambiance de la soirée. Soirée qui a connu un succès certain, l'église du Bouclier qui a vu sa salle bien remplie.
Accroche Note- Armand Angster - Françoise Kubler - Rencontres d'été de Musique de Chambre - Photo: lfdd
Rendez-vous demain pour la suite du programme (voir détail ce lundi.)
Comme chaque année depuis 2001, l'ensemble de musique de chambre l'Accroche Note, à géométrie variable et avec ses invités, donne rendez-vous à Strasbourg à l'église du Bouclier pour 3 soirs de musique à découvrir. L’originalité du propos est de faire découvrirau public des ou redécouvrir des oeuvres contemporaines ou des créations en les alternant avec des pièces classiques du répertoire. Ainsi cette année, vous découvrirez des oeuvres d'Isabel Mundry, Pascal Dusapin, Georges Aperghis tout en réécoutant du baroque, du classique ou romantique, entre autre Gabriel Fauré, Gustav Mahler, Dmitri Shostakovich, Joseph Haydn ou encore Wolfgang Amadeus Mozart.
Une autre initiative sympathique est aussi l'accueil d'autres musicien dont le Quatuor Adastra et deux étudiants de la Haute Ecole du Rhin de Strasbourg. Nous aurons également la joie de retrouver Wilhem Latchoumia et d'autres musiciens tout au long de ces trois soirées dont voici le programme: Mardi 28 Juin - Gabriel Fauré: Pélleas et Mélisande pour flûte, clarinette, harpe et quintette à cordes (1898, 20') - arrangement David Walter - André Jolivet: Chant de Linos pour flûte et piano (1944, 12') - Giacinto Scelsi: Taiagaru (2 Invocations) pour soprano solo (1962, 5') - Isabel Mundry: Spiegel Bilder pour clarinette et accordéon (1996,12') - Gustav Mahler/Arnold Schoenberg: Lieder eines Fahrenden Gesellen pour voix, flûte, clarinette, quintette à cordes, piano, accordéon et percussions (1920, 18') Françoise Kubler, soprano / Rowan Hamwood, flûte / Armand Angster, clarinette / Quatuor Adastra (Julien Moquet, Emilie Gallet: violons – Marion Abeilhou, alto – David Poro: violoncelle) / Jean-Daniel Hégé, contrebasse / Anne Vonau-Spannagel, harpe / Marie-Andrée Joerger, accordéon / Nina Maghsoodloo, piano / Sylvie Reynaert, percussions Mercredi 29 Juin - Dmitri Shostakovich: Trio n°1 opus 8 pour violon, violoncelle et piano (1923, 15') - Pascal Dusapin: By the way pour clarinette et piano (2014) 11' - Arnold Schoenberg: Pierrot Lunaire pour soprano, flûte, clarinette, violon, alto, violoncelle, piano (1912, 35') Françoise Kubler, soprano / Giulio Francesconi, flûte / Armand Angster, clarinette / Thomas Gautier, violon / Angèle Pateau, alto / Christophe Beau, violoncelle / Wilhem Latchoumia, piano Jeudi 30 Juin - Joseph Haydn: "Zwei Duette", Saper vorrei se m'ami et Guarda qui che le vedrai pour deux voix et trois clarinettes (1803, 10') - Johann Sebastian Bach/Harrison Birtwistle: Five choral preludes pour voix et trois clarinettes (1984, 18') - Darius Milhaud: Cocktail aux clarinettes pour baryton et trois clarinettes (1921, 2') - Georges Aperghis: Trois couplets pour voix et clarinette-contrebasse (1989, 12') - Wolfgang Amadeus Mozart:Six Nocturnes pour trois voix et trois clarinettes (1787-88, 14') - Gioachino Rossini: Duo des Chats pour deux voix et trois clarinettes (1969, 5') Françoise Kubler, soprano / Leandro Marziotte, contre-tenor / Alvaro Vallès, baryton / Armand Angster, Adam Starkie, Laurent Will, clarinette, cor de basset, clarinette basse
Nous vous invitons à découvrir au moins un soir ce généreux et sympathique ensemble strasbourgeois et à faire honneur à son invitation (les places sont à 7 euros, et l'entrée est libre pour les jeunes et les étudiants) et les concerts sont à 20h30. Bons concerts avec l'Ensemble Accroche Note La Fleur du Dimanche l
La fleur du Dimanche philosophe a eu du succès (un succès relatif, bien sûr), alors ne laissons pas filer un si bon filon. Et l'actualité ayant soufflé son Brexit, un peu d'humour (Anglais), s'il vous plait, tirez (vous) les premiers ! Mais pour commencer, commençons par le commencement: La Fleur! Comme, vous lecteurs(trices) vous êtes très important, je vous offre des fleurs VIP:
Fleurs VIP - Photo: lfdd
Pour continuer, les réponses aux réflexions sur les sujets "philosophiques" sur lesquels je vous ai fait plancher, comme au Bac. Cela en a fait réfléchir quelques-un(e)s et heureusement, cela a donné un résultat intéressant que je partage avec vous. Il y a une session de rattrapage pour ceux/celles qui ont raté l'épreuve. Je vous remet le lien vers les questions et j'attends vos réponses: http://lafleurdudimanche.blogspot.fr/2016/06/fleur-feuille-fruit-savons-nous.html On ne copie pas s'il vous plait mais je vous mets quand même les premières réponses: - Travailler moins, est-ce vivre mieux?
"Oui, évidemment. Comme tout travail mérite sale air, quand on ne fait rien, forcément on respire mieux, et donc on vit mieux!"
- Faut-il démontrer pour savoir ?
"Non, faut démontrer pour faire savoir, pas pour savoir.
Autrement dit, je sais que j'ai raison, mais tu ne le sauras que si je te le
démontre."
Et une réponse globale aux question que l'on évite de poser:
"Travailler moins ou pas du tout est-ce réaliser un désir
,sachant que si ce n’est plus un désir il en appelle un autre ? Celui de
mieux apprendre l’histoire par exemple, ce qui pourra m’enlever mes convictions
religieuses ou mes croyances et peut-être m’amener à désobéir aux lois ?
et quelle histoire?"
La question de la philosophie, un peu creusée, du côté des fleurs m'a fait découvrir deux nouvelles pistes (bizarrement dans le sens du Zen que j'avais invoqué dimanche dernier). D'abord des textes du poète grec Nikiforos Vrettakos, intitulés "La philosophie des fleurs" NOTES DE JOURNAL ... La présence des fleurs était un réconfort ; une partie du réconfort que j'ai reçu dans ce monde. Je dois les consigner dans la liste de mes amis... LES VISAGES DES FLEURS Encore une fois aujourd'hui, je me suis arrêté un grand moment et j'ai regardé le visage d'une fleur. J'ai trouvé ses yeux ; je me suis penché et j'ai ressenti de la crainte. Et je me suis gorgé d'amour gorgé de respect gorgé d'humanité. REPOS Les fleurs quand j'étais fatigué me procuraient du silence pour me reposer. Tellement, qu'il ne leur échappait un son jusqu'au matin. Et même à l'univers avec ses étoiles flottantes le silence avait (phénomène rare) clos les lèvres. Et ma mère retira sa voix qui est, même à présent que j'ai vieilli, une musique douce et continue : "Dors, mon enfant". Et "La vision de la fleur" du grand philosophe bouddhiste Daisetz Teitaro Suzuki qui cherche à rendre compte de la vision non duelle au-delà du sujet et de l'objet dans la perception d'une fleur
"Je dois en dire davantage concernant cette connaissance intuitive ou cette vision directe…l’intuition dont parle le Zen est une vision-identification. C’est-à-dire que lorsque je vois la fleur et que la fleur me voit, cette sorte d’intuition ou de mutuelle identification n’est pas une vision individuelle ; ce n’est pas une intuition individuelle. « Je vois la fleur et la fleur me voit » signifie que la fleur cesse d’être une fleur. Je cesse d’être moi-même. A la place il y a une unification. La fleur disparaît dans quelque chose de plus haut que la fleur et je disparais dans quelque chose de plus haut que tout objet individuel."
"Maintenant quand cette élévation se produit, quand cet être est absorbé dans quelque chose de plus haut que toute chose relative, cela ne signifie pas qu’on est absorbé ; il y a une intuition, un éveil ; il y a quelque chose qui se reconnait, ce n’est pas une annihilation ou une pure absorption dans le vide. Cette « annihilation » est accompagnée par une intuition et c’est le point le plus important. Quand cela se produit il y a alors la vraie vision de la fleur. Alors nous pouvons dire que cela –moi voyant la fleur et la fleur me voyant – se situe sur un plan supérieur à celui où la fleur est vue en tant que fleur individuelle et où je vois la fleur en tant qu’être individuel."
Fleurs non VIP - Photo: lfdd
BREXIT Pour revenir à l'actualité, un peu d'humour sur le résultat du référendum en Angleterre - qui va peut-être se retrouver coupée de l'Irlande et de l'Ecosse - et qui est considéré comme un "choc" voire une "catastrophe", voyons cela avec un peu d'humour et de recul.... Tout d'abord une chanson de Mathieu Boogaerts qui s'essaie à chanter "I Love you" en Anglais:
I LOVE YOU It is a long time a long time I don't know if you know I am sitting yes I am Looking for to know If you do like me too If you really feel the same Do you like me to like you Comme moi je vous aime I love you Do you love me too Do you know I don't know Do you know how much I care Care of you I do so Je ne sais pas si je suis clair You know what don't you see Don't you feel it in the air It is me les amis And I am ready to declare I love you Do you love me too
Un autre couple franco-anglais a aussi dit "Je t'aime, moi non plus":
Et ayons une pensée émue pour Sa Majesté du haut des ses 90 printemps, avec Jacques Higelin qui lui dit son amour: Ce qui n'est pas le cas des Sex Pistols qui disent à la fois "God save the Queen" et "Anarchy in the UK" (était-ce prémonitoire?)
Allez, un peu de zen et de philosophie ne peut pas faire de mal.. La Fleur du Dimanche vous offre une moment de détente et de réflexion... D'abord la fleur:
Fleur du 19 juin : Photo: lfdd
Puis la feuille:
Feuille du 19 juin : Photo: lfdd
Et, enfin, le fruit:
Fruit du 19 juin : Photo: lfdd
Et puis la réflexion (le TVA): En contemplant ces plantes et ces feuilles, je vous invite à prendre vous-même une feuille et à y poser vos pensées sur le sujet de réflexion que vous préférez parmi les suivants et à me renvoyez la réponse, ou, au minimum la question qui vous a le plus inspiré: A: - Travailler moins, est-ce vivre mieux ? - Faut-il démontrer pour savoir ? B: - Nos convictions morales sont-elles fondées sur l’expérience ? - Le désir est-il par nature illimité ? C: - Savons-nous toujours ce que nous désirons ? - Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’histoire ? D: - Pour être juste, suffit-il d’obéir aux lois ? - Pouvons-nous toujours justifier nos croyances ?
Et pour y répondre en chanson:
"Travailler moins, pour vivre mieux" chantée par Laure Ryane. Compositeur et musicien Fred Jiskra
Ou alors "Travailler moins pour vivre plus", come le chantent les Garagnas?
"Moi j'aime pas travailler, moi j'aime pas travailler, je préfère rester couché tous les jours pour moi c'est férié j'veux rien glander de la journée j'préfère chômer toute l'année. ne rien glander de la journée j'préfère chômer toute l'année;" Bon Dimanche
En cette période "bleue", je vous offre quand même encore un peu de rouge( avec la "coupe" - citation-extrait - voir dimanche dernier ):
Coquelicot dans coupe "Artichaud" de Catherine Gangloff - Photo: lfdd
Et pour passer du bleu au blanc et au bleu:
Allez les bleus et blancs - Photo: lfdd
Donc, pour le bleu, la chanson.... bleue que voici:
Chanson Bleue Chanson bleue des matins sur la mer Chanson jeu des grands feux de l'hiver Chante-la elle est pour toi Le bleu te va bien C'est le bleu de tes yeux des jours heureux Le bleu des nuits de juin Le bleu des nuits de juin Chanson bleue qui me tombe du ciel Quand il pleut fait comme un arc-en-ciel La couleur dépend de l'heure Elle dépend surtout de toi Selon que tu viens, selon que tu t'en vas L'amour est bleu ou pas Oui chante-la elle est pour toi Le bleu te va bien C'est le bleu de tes yeux des jours heureux Le bleu des nuits de juin Chanson bleue qui me tombe du ciel Chanson bleue est comme un arc-en-ciel La couleur dépend de l'heure Elle dépend surtout de toi Selon que tu viens, selon que tu t'en vas L'amour est bleu ou pas Chanson bleue, chanson bleue, chanson bleue
Allez les bleus et blancs - Photo: lfdd
Et pour être un peu "culturel", comme le réclament certains en cette période de Folie bleue, pour le TVA, la référence à la mer de Sacha nous renvoie à une autre mer, celle de Paul Valéry dont je vais vous offrir le "Cimetière marin", mais auparavant, et qui m'a mis sur la voie de la mer, c'est l'exposition qui se tient à la galerie Martine Aboucaya à Paris (jusqu'au 22 juin) "Quelques manuscrits trouvés dans une cervelle....", en hommage - et référence à Paul Valéry, et particulièrement à son texte maintes fois remanié et qui s'achève dans cette forme: "Je suis changeant dans l'ombre, dans un lit. Une idée venue sans commencement, se fait claire, mais fausse, mais pure, puis vide ou immense ou vieille: elle devient même nulle, pour s'élever à l'inattendu et elle amène tout mon esprit." Dans cette exposition, le poète Jacques Roubaud propose quelques "traductions" du poème de Paul Valéry. En voici trois débuts: 1. Traduction selon la Méthode Raymond Queneau: Réduction du poème à ses sections rimantes. Colombes Tombes Feux Recommencée Pensée Dieux ! Consume Ecume Concevoir ! Respose Cause Savoir. Minerve Réserve Toi Flamme L'âme, Toit ! . . N'est-ce pas sobre, économe, lumineux ? 3. Décasyllabes à césure lyrique (un peu d'émotion paulo que diable on croirait lire la Franciade de Ronsard c'est d'un ennui !) Un toit calme. Là marchent les colombes Il palpite parmi les pins, les tombes Midi juste compose de ses feux La mer une, toujours recommencée Récompense suivant une pensée Qu'une veille sur le repos des dieux .... 4. Traduction en taratantara Sur ce toit peinard marchent des colombes Palpite les pins, palpitent les tombes Le juste midi compose de ses feux La mer, oui, la mer toujours commencée C'est la récompenses après la pensée Que ce long regard sur les calmes dieux ..... Le rythme, ah, le rythme ! Si cette entrée en bouche vous a mis l'appétit, je vous offre le "plat de résistance": le poème original: Le Cimetière marin
Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes ; Midi le juste y compose de feux La mer, la mer, toujours recommencée Ô récompense après une pensée Qu’un long regard sur le calme des dieux ! Quel pur travail de fins éclairs consume Maint diamant d’imperceptible écume, Et quelle paix semble se concevoir ! Quand sur l’abîme un soleil se repose, Ouvrages purs d’une éternelle cause, Le Temps scintille et le Songe est savoir. Stable trésor, temple simple à Minerve, Masse de calme, et visible réserve, Eau sourcilleuse, Œil qui gardes en toi Tant de sommeil sous un voile de flamme, Ô mon silence !… Édifice dans l’âme, Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit ! Temple du Temps, qu’un seul soupir résume, À ce point pur je monte et m’accoutume, Tout entouré de mon regard marin ; Et comme aux dieux mon offrande suprême, La scintillation sereine sème Sur l’altitude un dédain souverain. Comme le fruit se fond en jouissance, Comme en délice il change son absence Dans une bouche où sa forme se meurt, Je hume ici ma future fumée, Et le ciel chante à l’âme consumée Le changement des rives en rumeur. Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change ! Après tant d’orgueil, après tant d’étrange Oisiveté, mais pleine de pouvoir, Je m’abandonne à ce brillant espace, Sur les maisons des morts mon ombre passe Qui m’apprivoise à son frêle mouvoir. L’âme exposée aux torches du solstice, Je te soutiens, admirable justice De la lumière aux armes sans pitié ! Je te rends pure à ta place première, Regarde-toi !… Mais rendre la lumière Suppose d’ombre une morne moitié. Ô pour moi seul, à moi seul, en moi-même, Auprès d’un cœur, aux sources du poème, Entre le vide et l’événement pur, J’attends l’écho de ma grandeur interne, Amère, sombre, et sonore citerne, Sonnant dans l’âme un creux toujours futur ! Sais-tu, fausse captive des feuillages, Golfe mangeur de ces maigres grillages, Sur mes yeux clos, secrets éblouissants, Quel corps me traîne à sa fin paresseuse, Quel front m’attire à cette terre osseuse ? Une étincelle y pense à mes absents. Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière, Fragment terrestre offert à la lumière, Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux, Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres, Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres ; La mer fidèle y dort sur mes tombeaux ! Chienne splendide, écarte l’idolâtre ! Quand solitaire au sourire de pâtre, Je pais longtemps, moutons mystérieux, Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes, Éloignes-en les prudentes colombes, Les songes vains, les anges curieux ! Ici venu, l’avenir est paresse. L’insecte net gratte la sécheresse ; Tout est brûlé, défait, reçu dans l’air À je ne sais quelle sévère essence… La vie est vaste, étant ivre d’absence, Et l’amertume est douce, et l’esprit clair. Les morts cachés sont bien dans cette terre Qui les réchauffe et sèche leur mystère. Midi là-haut, Midi sans mouvement En soi se pense et convient à soi-même… Tête complète et parfait diadème, Je suis en toi le secret changement. Tu n’as que moi pour contenir tes craintes ! Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes Sont le défaut de ton grand diamant… Mais dans leur nuit toute lourde de marbres, Un peuple vague aux racines des arbres A pris déjà ton parti lentement. Ils ont fondu dans une absence épaisse, L’argile rouge a bu la blanche espèce, Le don de vivre a passé dans les fleurs ! Où sont des morts les phrases familières, L’art personnel, les âmes singulières ? La larve file où se formaient les pleurs. Les cris aigus des filles chatouillées, Les yeux, les dents, les paupières mouillées, Le sein charmant qui joue avec le feu, Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent, Les derniers dons, les doigts qui les défendent, Tout va sous terre et rentre dans le jeu ! Et vous, grande âme, espérez-vous un songe Qui n’aura plus ces couleurs de mensonge Qu’aux yeux de chair l’onde et l’or font ici ? Chanterez-vous quand serez vaporeuse ? Allez ! Tout fuit ! Ma présence est poreuse, La sainte impatience meurt aussi ! Maigre immortalité noire et dorée, Consolatrice affreusement laurée, Qui de la mort fais un sein maternel, Le beau mensonge et la pieuse ruse ! Qui ne connaît, et qui ne les refuse, Ce crâne vide et ce rire éternel ! Pères profonds, têtes inhabitées, Qui sous le poids de tant de pelletées, Êtes la terre et confondez nos pas, Le vrai rongeur, le ver irréfutable N’est point pour vous qui dormez sous la table, Il vit de vie, il ne me quitte pas ! Amour, peut-être, ou de moi-même haine ? Sa dent secrète est de moi si prochaine Que tous les noms lui peuvent convenir ! Qu’importe ! Il voit, il veut, il songe, il touche ! Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche, À ce vivant je vis d’appartenir ! Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée ! M’as-tu percé de cette flèche ailée Qui vibre, vole, et qui ne vole pas ! Le son m’enfante et la flèche me tue ! Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue Pour l’âme, Achille immobile à grands pas ! Non, non !… Debout ! Dans l’ère successive ! Brisez, mon corps, cette forme pensive ! Buvez, mon sein, la naissance du vent ! Une fraîcheur, de la mer exhalée, Me rend mon âme… Ô puissance salée ! Courons à l’onde en rejaillir vivant. Oui ! Grande mer de délires douée, Peau de panthère et chlamyde trouée, De mille et mille idoles du soleil, Hydre absolue, ivre de ta chair bleue, Qui te remords l’étincelante queue Dans un tumulte au silence pareil, Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! L’air immense ouvre et referme mon livre, La vague en poudre ose jaillir des rocs ! Envolez-vous, pages tout éblouies ! Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies Ce toit tranquille où picoraient des focs ! Paul Valéry — Charmes
Nous trouvons une analyse du poème par un fan (Francisco Javier Sánchez González) et une amie (Razika) qui l'a un peu aidé sur une site au nom d'étoile dont voici le début (de l'explication): "Nous observons une forme raffinée, une structure soignée, 24 strophes --24, comme les lettres grecques, comme les heures du jour.... Le strophe est une sextine de décasyllabes (hendécasyllabes in espagnol et italien), avec deux parties: une premier distique avec le même rime, suivi d'un quartet: la rime es donc: AABCCB, changeant en chaque strophe. Tout et préparé avec soin, avec délectation, avec travail, bien sur. Nous rappelons au lecteur non français --et aussi a beaucoup de français--, que la 'e' muette n'est pas muette, sauf quand elle fait liaison avec la voyelle que suive: donc la métrique (hen)decassilabe est: - le reste est ici : http://www.aldebaransoft.es/Teatro-Escritos/cimetiere%20marin.htm Bonne lecture et ... Bon Dimanche La Fleur du Dimanche
La pièce "Jan Karski (Mon nom est une fiction)", jouée actuellement au TNS (jusqu’au 11 juin) se base sur le livre (roman) de Yannick Haenel « Jan Karski » paru aux édition Gallimard en 2019. Arthur Nauzyciel l’a créé au festial d’Avignon le 6 juillet 2011. Le livre de Yannick Haenel; tout comme la pièce ont été sujets à polémique. C’est la première raison d’aller voir cette pièce: faites-vous votre propre opinion. Parce que cela en vaut la peine, et également parce que cette histoire (celle de Jan Karski) mérite qu’elle soit connue et entendue. Le premier mérite de l’auteur et du metteur en scène, c’est de présenter cette histoire sous une triple « vision ». Mais revenons aux faits : « Le roman Jan Karski s’inspire de la vie du résistant polonais qui, en 1942, a réussi à s’introduire dans le ghetto de Varsovie puis dans un camp de concentration. Bouleversé par ce qu’il a vu, il a tenté de sensibiliser (commentaire de lfdd) : plus que cela !) les Alliés au sort des Juifs. Dans son adaptation théâtrale, Arthur Nauzyciel a respecté la construction en trois parties du roman. La première évoque l’entretien accordé par Jan Karski à Claude Lanzmann pour son film Shoah ; la deuxième repose sur son livre « Mon témoignage devant le monde − Histoire d’un État secret », paru en 1944 ; dans la troisième, Laurent Poitrenaux, qui interprète Jan Karski, déploie une parole imaginée par Yannick Haenel. » C’est cette triple vision qui permet au spectateur de combiner les informations qu’il reçoit, de se les organiser et combiner en aiguisant son regard et en se construisant son histoire, sans oublier l’ »Histoire » avec un grand « H », à la fois, ne pas oublier le génocide, essayer de comprendre quels sont les enjeux des pays, nations, « alliés » dans cette « Grande Guerre » et faire quelques parallèles avec l’actualité (voir l’épisode de la « négociation » du gouvernement roumain de l’époque). S poser aussi la question de la « représentation », du « récit », du « témoignage », de l’ « engagement », de la mémoire et de l’oubli. A propos de la représentation, voir entre autre la photographie de la statue en première partie et le sens qui se « recadre » en fonction des mots qui seront dits pendant cet épisode avec des détails qui vont prendre le dessus. Ou les différents « sens » que va prendre le film de l’artiste polonais Mirolsav Balka dans la deuxième partie où Marthe Keller dit le texte du livre de Jan Karski. Ou encore ce décor d’opéra suranné de la troisième partie qui sera à la fois la « chambre mentale » de la mémoire et le décor idéal pour l’apparition d’un « revenant » avec ses insomnies et ses cauchemars. Et cette fin en un résumé stupéfaint d’une danse macabre des camps en déroulé – ré-enroulé, comme si le temps était réversible et que le Monde avait une conscience. Dans cette pièce, il n’est même pas question de se souvenir – encore et encore – mais bien d’entendre ce que l’on vous dit (et ce qu’a dit Jan Karski). Mais peut-être faut-il le répéter 3 fois (au moins) pour que cela ait des chances d’être entendu (de là à ce qu’on entend se transforme en acte…). Comme le dit Laurent Poitrenaux (magnifique interprète du « revenant » Karski dans la troisième partie : « Le livre s’ouvre sur cette question : « Qui témoigne pour le témoin ? » Comment être « messager », parler de quelque chose que l’on n’a pas directement vécu ? Jan Karski a été un messager non entendu, mais il a fait perdurer une parole. » Et c’est là l’intérêt de la première partie où le metteur en scène Arthur Nauzyciel lui-même va parler du film de Claude Lanzmann dans lequel la parole de Jan Karski va ressurgir dans toute sa force, même s’il commence par « Je ne veux as y retourner, je n’y retournerai pas ». Mais il y est forcé car comme le disait Paul Celan « Personne ne témoigne pour le témoin ». Et l’enjeu de la pièce est bien cela, comme le dit Arthur Nauzyciel: "Il faut absolument tenter d’inventer des formes pour rendre compte de cela, et continuer de faire entendre le récit de ce crime à l’échelle européenne qui n’a été possible que parce que le monde a fermé les yeux. Il y a eu un véritable abandon. Et cela continue…". Pour y arriver, l’équipe s’est immergée dans cet univers, a lu le livre de Haenel et de Karski , et bien d’autres (dont « Ecorces » de Georges Didi-Huberman), vu le film de Lanzmann, visité les camps et le ghetto de Varsovie pendant cinq heures avec une guide « impressionnante »… Et ils vous proposent de voir le résultat dans cette pièce parce que comme le dit Arthur Nauzyciel: "Le théâtre me semble être un des rares lieux possibles où évoquer la place du témoin, du messager, le lieu du silence et de l’écoute, où l’on peut raconter à la fois la parole et la défaite de cette parole." Alors allez-y ! et … écoutez !
Bon Spectacle La Fleur du Dimanche Jan Karski (Mon nom est une fiction) Au TNS à Strasbourg, jusqu’au samedi 11 juin 2016 à 20h00 Auteur : Yannick Haenel Adaptation et mise en scène : Arthur Nauzyciel Scénographie : Riccardo Hernandez Costumes : José Lévy Lumière : Scott Zielinski Musique : Christian Fennesz Regard et chorégraphie : Damien Jalet Vidéo : Miroslaw Balka Son Xavier Jacquot Avec : Manon Greiner, Arthur Nauzyciel, Laurent Poitrenaux et la voix de Marthe Keller