jeudi 6 février 2025

Voice Noise de Jan Martens au Maillon: Le silence et les oiseaux, et la voix des femmes

 Nous avions laissé Jan Martens il y a deux ans à Nancy, interprétant lui-même en solo la chorégraphie qu'il avait créée sur la musique d'Elisabeth Chojnacka, une maîtresse femme, dans un spectacle fascinant, et précédemment dans le remuant et éclatant Any attempt will end in crushed bodies and shaterred bones présenté ici même au Maillon avec Pôle Sud en 2022. Avec Voice Noise, également présenté avec Pôle Sud, le registre est différent. 


Jans Martens - Voice Noise - Photo: Phile Deprez

Il est question de femmes et de voix de femmes, des sons qu'elles peuvent exprimer de différentes manières, également par le chant. Mais des chants pas ou peu connus, pas ou peu habituels. Les chansons où les sonorités étant singulières, la chorégraphie le sera aussi, plus inscrite dans les corps que dans les mouvements d'ensemble. Et comme ce sont aussi des voix ténues, intériorisées, la gestuelle sera également dans une certaine retenue, intériorisée.


Jans Martens - Voice Noise - Photo: Phile Deprez

Un léger brouillard nous accompagnera pour ce voyage qui commence par une rencontre frontale avec les six danseuses et danseurs immobiles, debout en ligne face à nous et qui vont faire émerger des sons surprenants et variés. D'abord de petits cris, souffles, grondements, claquements de langue, miaulements, ronronnements, cris d'animaux, respirations et onomatopées diverses, langage secret ou caché qui surgissent du silence. Et puis c'est parti pour une série de morceaux de musique, chantés, sifflés, respirés, de diverses origines et tendances, une sélection riche et éclectique. 


Jans Martens - Voice Noise - Photo: Phile Deprez

On y retrouve autant le blues que la chanson ethnique, un raga indien ou les chants de lutte (voir la version de Bella Ciao chantée à l'origine par les femmes ouvrières pauvres des rizières du Nord de l'Italie et qui est devenue une chanson de lutte contre les féminicides). Il y a aussi cette chanson inuite Surge (déferlement) célébrant le coït ou de très belles chansons anciennes comme Sol lucet dans une magnifique interprétation qui appelle au calme et au voyage intérieur. Il y a aussi les compositions plus expérimentales comme Varisevalehti de Cucina Povera qui donne l'occasion à Zora Westbroek de nous faire une très belle démonstration de mouvements saccadés et robotiques en étroite synchronicité avec la chanson. Pour le blues Sometimes i feel like a motherless child, nous avons droit à la version brute du 78 tour avec le son d'origine. Et d'autres fois, les interprètes reprennent eux-mêmes la bande son si ce n'est le silence même dans une presqu'immobilité . 


Jans Martens - Voice Noise - Photo: Phile Deprez

Il faut souligner, en plus de la qualité des chansons qui balayent une large palette d'expressions artistiques, du choix des interprètes, à la fois divers et singuliers. En plus de Zora déjà citée, d'Elisha Mercelina qui assume bien son corps et le fait bouger avec grâce, de Mamadou Wagué qui nous offre ses longs, longs bras et jambes et sa démarche chaloupée et instable - et sa magnifique avancée du fond de la scène. La performeuse Courtney May Robinson que nous avions déjà vue dans Any attempt emplit le plateau de sa présence fascinante, Sue-Yeon Youn tout en cassures et en déhanchements, et Pierre Adrien Touret tout en souplesse et en ondulation.  Cette diversité d'origines et de mouvements, Jan Martens la cultive en laissant à chaque interprète des parts de danse solo, auxquelles, quelquefois, les autres, avec leur vocabulaire propre, amènent leur lecture complémentaire. Et quelquefois, rarement d'ailleurs, ce seront des mouvements d'ensemble bien équilibrés. 


Jans Martens - Voice Noise - Photo: Phile Deprez

Les lumières de Jan Fedinger nous installent dans une atmosphère une peu cotonneuse, surtout quand, délassant les douches qui mettent en valeur les corps, il nous installe dans une contre-jour de paysage de mousson en faisant descendre doucement une rampe. 

Nous ressortons de ce spectacle entre découverte et apaisement, comme si nous avions fait un voyage insolite dans un continent méconnu, plein de sensations inédites et surprenantes, une autre expression, plurielle et dérangeante.


La Fleur du Dimanche 


Voice Noise


Au Maillon - avec Pôle Sud CDCN - du 5 au 7 février 2025

Chorégraphie : Jan Martens
Co-création et performance : Elisha Mercelina, Steven Michel, Courtney May Robertson, Mamadou Wagué, Loeka Willems, Sue-Yeon Youn et/ou Pierre Adrien Touret, Zora Westbroek
Musique : 13 pièces musicales créées/chantées par des femmes
liste complète disponible sur www.grip.house
Répetitrices : Zora Westbroek, Naomi Gibson
Création lumière : Jan Fedinger
Création costumes : Sofie Durnez
Scénographie : Joris van Oosterwijk
Régie son : Vincent Philippart, Valentijn Weyn, Jo Heijens
Coaching vocal : Ine Claes, Maxime Montjotin
Réalisation costumes et scénographie : Théâtre de Liège
Stage : Malick Cissé, Sien Wils
Conseils artistiques : Marc Vanrunxt, Rudi Meulemans et Femke Gyselinck
Trailer et teasers : Stanislav Dobák
Graphisme : Nick Mattan
Techniciens de tournée : Elke Verachtert, Valentijn Weyn, Vincent Philippart
Production : GRIP (Hanne Doms, Anneleen Hermans, Rudi Meulemans, Lize Meynaerts, Klaartje Oerlemans, Jennifer Piasecki, Sylvie Svanberg, Ruud Van Moorleghem, Nele Verreyken)
Diffusion internationale : A Propic – Line Rousseau, Marion Gauvent
Coproduction : La Comédie de Clermont-Ferrand, Maison de la Danse de Lyon – Pôle européen de production, DE SINGEL international arts center, Théâtre de Liège, Julidans Amsterdam, Le Manège - Scène Nationale de Reims, Romaeuropa festival, DDD – Festival Dias da Dança – Teatro Rivoli - Porto, Le Carreau, Scène Nationale de Forbach, Charleroi danse – centre chorégraphique de Wallonie – Bruxelles, Festspielhaus St-Pölten, Tanzhaus nrw Düsseldorf, Théâtre de la Ville – Paris, Festival d’Automne à Paris, Équinoxe - Scène Nationale de Châteauroux, Theater Rotterdam, Perpodium
Résidences : La Comédie de Clermont-Ferrand, DE SINGEL, Charleroi danse – Centre chorégraphique de Wallonie – Bruxelles
Soutien financier : Gouvernement Flamand, Tax Shelter du gouvernement fédérale Belge par BNPPFFF


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