Alexandre Kantorow est une musicien prodige, et célèbre, un musicien des sommets. Après avoir joué pour l'ouverture des Jeux Olympiques 2024 Jeux d'eau de Ravel sous la pluie, il "monte" à Verbier pour jouer dans ce célébrissime festival des cimes. Non seulement pianiste concertiste précoce - il a donné ses premiers concerts à 16 ans - il a aussi été le seul Français a remporter le Concours Tchaïkovski (à 22 ans) à Moscou en 2019. C'est dire que ce concert de l'OPS est attendu et que les deux soirées sont demandées (il était déjà venu en 2022 pour jouer Saint-Saëns et en 2023 pour Tchaïkovski).
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OPS - Alexandre Kantorow - Aziz Shokhakhimov - Photo Teona Goreci |
Le programme, conçu par Aziz Shokakimov et qu'il dirige ce soir, prouve sa volonté d'ouverture et c'est avec une pièce très contemporaine de Nina Senk, Shadows of Stillness crée en 2021 et dont l'orchestre avait déjà joué des extraits dans le programme pour jeune public "Silences" en 2021. L'OPS avait aussi créé la pièce Eléments, pour grand orchestre en 2023 de la jeune compositrice slovène. Le public ne s'attendait peut-être pas à une entrée en matière autant en douceur, avec un délicat son de cor comme un murmure et une suite très délicate et en retenue, variations de vents discrets qui se répondent, surgissent et repartent. Les masses sonores quelquefois en dissonance émergent et meurent comme des fils qui se tressent et se nouent, laissant une grande place à la sérénité et au calme. La musique très intériorisée crée une tension et demande une grande concentration. La pièce est courte, dans les cinq minutes, et s'achève dans la même délicatesse avec laquelle elle a commencé, portée par les vents légèrement soutenus par les cordes.
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Alexandre Kantorov - Photo: Sasha Gusov |
Le programme continue avec le Concerto pour Piano et Orchestre N° 4 en sol majeur opus 58 de Ludwig van Beethoven et c'est les doigts agiles d'Alexandre Kantorow qui de son toucher enchanteur lance au piano et avec douceur, la mélodie de l'Allegro non troppo, reprise par l'orchestre avec joie et énergie. Puis, dans une partie plus allègre et lyrique qui fait revenir le piano et introduit une dialogue complice. Kantorow aligne ave délice des gammes montantes et descendantes dans une liaison incroyablement liées en glissades folles. Les passages sont charmeurs après une dernière phrase très inspirée au piano l'orchestre clôt le mouvement et le public, conquis ne peut qu'applaudir pour saluer la performance. Pour le deuxième mouvement, l'Andante con moto, l'orchestre impose une tension grave que la piano reprend, s'ensuit un dialogue entre l'orchestre, surtout les cordes majestueuses et le piano qui calme le jeu et ce sont de magnifiques alternances entre le piano qui prend sa liberté, et quelquefois se permet des pauses, pour mettre en lumière les accords, et les mélodies qui surgissent ainsi en pleine conscience, magnifiques. L'équilibre entre le pianiste que l'on sent très libre dans son élan et le chef Aziz Shokakimov qui mène avec précision les musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg au meilleur de sa forme se fait en toute complicité.
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OPS - Alexandre Kantorow - Aziz Shokhakhimov - Photo Teona Goreci |
Après un dernier souffle qui s'éteint, s'enchaîne sans pause le Rondo vivace nerveux et virevoltant, plein d'énergie ou le dialogue entre piano et orchestre se fait plus serré, plus nerveux. Le jeu se fait plus rapide, une vraie course se met en place et l'atmosphère se fait plus altière, avec des ruptures et des syncopes, jusqu'à l'accord final.
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OPS - Alexandre Kantorow - Photo Teona Goreci |
Le public jubile et bisse deux fois le jeune prodige qui joue d'abord une transcription pour piano d'une pièce de Richard Wagner puis une pièce une peu plus romantique, comme une rêverie. Et l'on s'étonne de la grande décontraction de ses longs bras quand il salue le public.
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OPS - Aziz Shokhakimov |
Après l'entracte, place à la Symphonie N°4 en mi mineur op.98 de Johannes Brahms, cette dernière symphonie du maître, son chef-d'oeuvre en quelque sorte, va chercher du côté de Beethoven pour la forme et de Bach pour le dernier mouvement avec la repris d'un thème repris à de très nombreuses reprises. Elle démarre doucement en Allegro non troppo en une mélodie chantante que viennent bousculer vivement les vents. Dans le deuxième mouvement, Andante moderato, ce sont alternativement les cors, qui démarrent, puis les bassons et hautbois puis les flûtes qui nous emmènent dans la mélodie. Puis ce sont les cordes qui nous apaisent et qui teintent de nostalgie la narration. L'Allegro giocoso éclate en sonneries de corps et coups de timbales - et frappe du triangle, alternant ces mouvements puissants et des passages beaucoup plus doux, contrastant entre force et légèreté. Et terminant avec entrain et puissance. Tout cela finit donc avec ce mouvement puissant et chantant de l'Allegro energico e passionato avec ce thème énoncé et repris en variations à de multiples reprises, alternant les ambiances et avec ce solo de flûte qui lui-même joue ces variations et effectivement pour finir, ces reprises avec les cymbales qui ponctuent la fin du mouvement et pour finir, cette coda finale pathétique.
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OPS - Aziz Shokhakimov - Alexandre Kantorow - Photo: Robert Becker |
Une magnifique soirée offerte par un chef et un orchestre au sommet, sans oublier la guest star du moment, Alexandre Kantorow.
La Fleur du Dimanche.
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