dimanche 1 septembre 2024

Les Gros patinent bien à Bussang: Un duo de choc fait un carton dans un voyage imagénaire

 Retour aux sources, ou aux Racine, ou plutôt au Shakespeare pour ce couple de théâtre qui a gagné son Molière avec la pièce Les Gros patinent bien qui a toute sa place dans la programmation du Théâtre du Peuple à Bussang. D'une part effectivement parce que Pierre Gillois a dirigé ce théâtre de 2005 à 2011 où il a déjà présenté une pièce avec Olivier Martin-Salvan,  Le Gros, la vache et le mainate, mais aussi parce qu'il y a un côté shakespearien dans cette épopée Les Gros patinent bien


Les gros patinent bien - Pierre Guillois - Olivier Martin-Salvan - Photo: Robert Becker


Bien qu'ils ne soient que deux comédiens, il y a une foule de personnages et d'animaux qui vont passer sur scène pendant cette heure et demie de pur délire sans limite. C'est un couple étonnant, l'un, un genre de gentleman anglais, ou écossais - ou peut-être même danois (il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark) - bien enveloppé et vêtu d'un costume brun rayé, que l'on va découvrir assis sur une chaise et qui, presque toute la durée de la pièce, va soliloquer dans un anglais proto-shakespearien pour nous décrire son odyssée, partant du fin fond d'un fjord des îles Féroé pour traverser les terre et les mers à la fois pour retrouver une sirène qui l'a prise à son hameçon alors qu'il l'a pêché dans les eaux froides septentrionales et pour échapper lui-même à la justice, accumulant, au fur et à mesure de son épopée des meurtres plus ou moins volontaires. L'autre, un genre de crevette maigre, dégingandé, vêtu d'un slip noir - si ce n'est moins - qui se démène comme un beau diable, court à cour et à jardin pour porter à bout de bras et accrocher dans le décor à la fois le décor, les accessoires et porter les costumes, accessoires et animaux dont il est question dans le récit du premier. Et tout cela en carton !

 

Les gros patinent bien - Pierre Guillois - Olivier Martin-Salvan - Photo: Fabienne Rapeneau


Car poussant à la limite du théâtre d'objet ou de l'art conceptuel, nous nous trouvons face à des objets (en carton) qui nous donnent le sens par le texte qui est écrit dessus:  un - gros - marteau, une canne à pêche, une chaussure, des patins à glace, un marmotte, une crotte. Sinon le support - un carton en carton qui au temps du cinéma muet expliquait la situation ou transcrivait les paroles - définit ici le lieu, l'état, l'objet ou le phénomène: un pays, la qualité d'un paysage, la météo, un orage, un coucher de soleil, la brume, la pluie, la forêt (dans un clin d'oeil au lieu - Bussang- pour la faire apparaître (la forêt) il faut "ouvrir les portes" (voir le billet précédent). Ainsi nous balançons entre Joseph Kosuth et Joël Ducorroy, mais également du côté du dessin animé (en mots animés), avec, par exemple les travelling des différents voyages à travers les paysages. A noter le regard caustique sur l'évolution moderne du paysage ici égratigné, et les autres aspects écologiques qui arrivent à trouver leur - juste et précise - place dans le déroulé du récit. Il y a d'autres clins d'oeils un peu plus "lourds" lorgnant du côté du doigt, ou plus - mais le public semble apprécier, en tout cas ceux qui se sont exprimés. Le public s'exprime aussi quelquefois dans le bon sens moral, bien sûr, soutenu par l'animateur, comme à la télé.


Les gros patinent bien - Pierre Guillois - Olivier Martin-Salvan - Photo: Robert Becker


De ce déroulé, défilé, périple, on se demande comment les comédiens - surtout Pierre Guillois - arrivent à en assumer le rythme fou, mais aussi l'ordre strict -(heureusement qu'il y a quatre petites mains supplémentaires en coulisse. Sans oublier les déguisements et la maîtrise - et l'animation - des accessoires. Tout cela nous emporte dans un tourbillon ébouriffant, à perdre haleine (et baleine et harpon et sirène). Si ce n'était que cela... 


Les gros patinent bien - Pierre Guillois - Olivier Martin-Salvan - Photo: Robert Becker



Il y a en plus, de la part de Pierre Guillois une gestuelle époustouflante, des attitudes magnifiques, une grâce divine dans les mouvements, une souplesse dans les articulations et, last but not least, une expressivité du visage et surtout des yeux, extraordinaire et d'un résultat quelquefois inquiétant ou franchement comique (le regard de la mouette est un must). Et laissons à Olivier Martin-Salvan cette qualité de rhéteur volubile prolixe, polyglotte et éloquent. Et remercions-le de nous avoir permis de comprendre aussi facilement un langue étrangère (un mélange de feroïen et de ferkelkechose) sans sous-titre, sans peine et en riant (pas comme la mouette).

En résumé: un spectacle inclassable joué par un duo inénarrable, un moment inoubliable pour une soirée impeccable.


La Fleur du Dimanche


Le spectacle tourne en Alsace: A Vendenheim - Le Diapason, mais également à Saverne - Espace Rohan - Relais culturel de la Ville de Saverne et à Saint Louis - Théâtre La Coupole.

Il y a le choix et aussi partout ailleurs en France - voir le site de Pierre Guillois:


https://www.pierreguillois.fr/spectacle/les-gros-patinent-bien/


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