dimanche 2 juillet 2023

Prise et reprise: 30 ans après, Charmatz et Chamblas se prennent A Bras le Corps

Toujours dans le droit fil de la thématique de l'année pour le 43ème festival Montpellier Danse, Mémoire et reprises, c'est une création de 1993 de Boris Charmatz et Dimitri Chamblaz A Bras le Corps à laquelle nous assistons dans une petite salle, les spectateurs installés comme autour d'un ring. Ce qui est intéressant dans une reprise, c'est les caractéristiques de cette reprise (des rencontres* traitant du sujet ont été organisées par le festival) et comme nous avons pu le voir avec Pina Bausch ou Kader Attou, tout dépend de la manière dont cette reprise se fait. 


A Bras le Corps - Boris Charmatz - Dimitri Chamblaz - Photo: Raynaud De Lage


Ici en l'occurrence avec Boris Charmatz et Dimitri Chamblaz, ce sont les mêmes interprètes qui, trente ans après, dansent cette pièce qu'il ont créée alors qu'ils n'avaient pas encore 20 ans, lorsqu'il faisaient tous les deux leurs études au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Et nous voyons donc à la fois le corps et le temps au travail. Dès le départ ils voulait montrer ce combat jusqu'à la mort, "cruelle, sans cesse recommencée, provisoire. Chaleur et chutes mêlées, faire le mort comme on joue sur les mots: du bout des lèvres." Et trente ans après, on sent que ce qui était sur le bout des lèvres se rapproche, que le souffle est plus court, que le corps est moins souple, moins résistant, moins endurant, que la résistance faiblit. L'énergie est toujours là, la masse et la puissance sont sous nos yeux, presque sous nos mains, d'ailleurs les deux danseurs ne se gênent pas de déborder de leur espace, ce ring où nous voudrions les cantonner, ils se jouent avec espièglerie de notre présence, allant jusqu'à toucher (heurter légèrement) les spectateurs et leur chaparder à qui une chaussure, ou un sac.


A Bras le Corps - Boris Charmatz - Dimitri Chamblaz - Photo: Raynaud De Lage


Et comme le dit le titre, tout en "affrontant une difficulté", ou se menant ce "combat où le bras ou les deux bras sont passés autour du corps de quelqu’un", ils se coltinent l'un l'autre, se soulèvent et s'enroulent l'un sur l'autre ou même, dans une pirouette recommencée sautent sur l'autre qui va le plaquer sur sa poitrine. Et cela durant une bonne demi-heure pendant laquelle ils vont expérimenter leur résistance et leur énergie (à vrai dire il y en a un des deux chez qui l'on constate un entraînement plus suivi...). Mais l'objectif n'est-il pas de nous plonger au coeur de cet effort, de faire partager cette respiration et, quelquefois ce m manque d'air, de nous immerger dans cette transpiration, de nous offrir aussi, lors de quelques noirs qui ne sont pas silencieux car peuplés des sons du corps et ponctués par des Caprices de Paganini. Ces mêmes Caprices qui vont se délier dans la lumière pour un ultime tour de piste, défi où les deux danseurs vont chercher à faire un duo symétrique téméraire et audacieux.

Mais ce que nous retenons c'est bien ce message que même à l'orée des cinquante ans, le corps - et même le corps d'un danseur - peut se frotter à l'autre - et à la scène, sans crainte ni honte, quoi qu'on en dise.


La Fleur du Dimanche

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