mardi 19 octobre 2021

Aberration d'Emmanuel Eggermont à Pôle Sud, une page blanche telle un chantier d'Hercule

 La pièce Aberration d'Emmanuel Eggermont présentée à Pôle Sud interroge le blanc, après sa pièce Pólis, où il interrogeait le noir (voir mon billet du 8 février 2018).

Nous y retrouvons son penchant vers l'architecture. Nous vous conseillons d'ailleurs de faire le voyage dans son univers en 3d avec le casque immersif au sous-sol de Pôle Sud, une promenade très intéressante à travers une série de tableaux recréés à partir de son spectacle, intégrés dans un univers virtuel, où vous vous promenez librement. Vous y retrouverez des indices qui se retrouveront dans la pièce.

Le spectacle lui-même est également construit architecturalement sur un espace délimité par deux rideaux: l'un, assez long et à moitié ouvert, à droite de la scène et un autre de biais à gauche, fermé. 

Pôle Sud - Aberration - Emmanuel Eggermont - Photo: lfdd

Quand la lumière, blanche, commence à sculpter cet espace vide mais variable selon les éclairages, un air de musique monte doucement. Par un jeu de jalousie qui s'ouvre, on aperçoit un corps blanc semblant suspendu en l'air derrière le rideau de gauche. Aberration visuelle que l'on aurait aimé cultiver, comme dans la vidéo où l'on perd pied de temps en temps, mais non, sur scène, nous assistons au "décrochage", en fait la descente de son "totem" fait de haut-parleurs lors de la deuxième ouverture. Le danseur se retrouve prosaïquement en shorts blancs, chemisette et chaussettes blanches sur le plancher des vaches. Quelques traversées, ou plutôt déambulation plus tard, après avoir déplacé un tapis, glissé lentement vers le centre, le danseur, Emmanuel Eggermont, se confronte à l'espace architectural en se mesurant à une bande blanche qu'il soulève et en fait un triangle de son corps aux limites arrières du plateau. Clin d'oeil à Léonard de Vinci?

Pôle Sud - Aberration - Emmanuel Eggermont - Photo: lfdd


Quelques mesures plus tard, la musique prend son élan en bips qui se multiplient et deviennent mélodie tandis que le danseur se retrouve à genoux et - enfin - commence à danser: une danse délicate et désarticulée, minimale et surprenante où, après avoir pointé la main au sol, il exécute des pliagesoriginaux des articulations de ses bras. S'approchant de l'avant-scène où l'attend un autre pliage, un cône - entre un avion-concorde en papier et une cornette - qu'il récupère pour finalement s'en coiffer en majesté. Il va ensuite interroger le blanc poudreux en se baptisant d'une douche de plâtre du plus bel effet. Puis, à l'opposé des Rolling Stones, il fait son "Paint it White" avant de ranger le chantier laissé sur scène.


Pôle Sud - Aberration - Emmanuel Eggermont - Photo: lfdd

Il va récupérer les derniers accessoires posés en avant-scène à gauche - en fait le cou du "coup de lapin" et sa protection ventrale pour incarner un chevalier à la triste figure en clown blanc ou Don Quichote qui  commence à s'affoler et accélère ses mouvements sur une musique d'orgue électronique version baroque à la Bach et nous montre sa virtuosité gestuelle.

Pôle Sud - Aberration - Emmanuel Eggermont - Photo: lfdd

Devenu homme sandwich désarticulé, il ôte ses vêtements - même son short - et devient religieuse affectée en remettant sa cornette, puis bel éphèbe, Atlas sans son Globe, sa sphère céleste, statue antique et dans de derniers sursauts désarticulé fond dans le noir.


La Fleur du Dimanche


Aberration

Pôle Sud 

19 et 20 octobre 2021

Conception, chorégraphie et interprétation : Emmanuel Eggermont
Collaboration artistique et photographie : Jihyé Jung
Musique originale : Julien Lepreux
Création lumière : Alice Dussart
Consultante artistique : Élise Vandewalle
Production et diffusion : Sylvia Courty / BOOM’STRUCTUR
Administration de production : Violaine Kalouaz

Production : L’Anthracite – www.lanthracite.com
Coproduction : CCNT direction Thomas Lebrun / ADC Genève / Le Gymnase CDCN Roubaix Hauts-de-France / La Maison CDCN Uzès Gard Occitanie / Le Tandem Scène Nationale / POLE-SUD CDCN, Strasbourg / Le Théâtre de Nîmes, scène conventionnée d’intérêt national – Art et Création – danse contemporaine
Avec l’aide du Ministère de la Culture – DRAC Hauts-de-France et la Région Hauts-de-France
Avec le soutien de la Spedidam


* Abberration - Nom féminin:
XVIIe siècle, au sens 1. Emprunté du latin aberratio, dérivé de aberratum, supin de aberrare, « errer loin de, s'écarter de ; se tromper ». Le fait de s'écarter de ce qui est considéré comme normal.

☆1. Égarement du jugement ou de l'imagination. Un moment d'aberration. Sombrer dans l'aberration. Par méton. Comportement aberrant ; idée aberrante. C'est une véritable aberration. Ce livre est un tissu d'aberrations.

☆2. OPT. Défaut d'un système optique se traduisant par une déformation ou un manque de netteté des images. Aberration de sphéricité, de courbure de champ. Aberration chromatique, qui fait que les images des objets ont leurs bords irisés.

☆3. ASTRON. Déplacement apparent d'un astre, résultant de la combinaison du mouvement de la Terre avec la vitesse finie de propagation de la lumière.

☆4. BIOL. Anomalie d'un individu, qui le différencie du type de son espèce. Aberration chromosomique, anomalie dans le nombre ou la disposition des chromosomes.


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