Même si, comme le dit une comédienne dans le spectacle au TNS Nous entrerons dans la carrière "Le théâtre, ce n'est pas un endroit où l'on change les choses", la pièce de Blandine Savetier les fait bouger. Comme elle fait bouger le décor et les actrices et les acteurs.
TNS - Nous entrerons dans la carrière - Blandine Savetier - Photo: Jean-Louis Fernandez |
C'est du vrai théâtre auquel nous assistons: une histoire à multiples entrées, à multiples niveaux - des discours des révolutionnaires français et des lettres-témoignage de l'époque, une adaptation du roman d'Alejo Carpentier "Le Siècle des Lumières" qui éclaire ce pan de l'histoire au travers la vie en Guadeloupe des trois enfants dont le père vient de mourir, de leur destin et leurs amours, ainsi que quelques incursions au présent, via des séquences filmées qui révèlent les réflexions des comédiens à propos de leur situation, professionnelle, sociale ou personnelle.
TNS - Nous entrerons dans la carrière - Blandine Savetier - Photo: Jean-Louis Fernandez |
Nous sentons une grande intégrité dans le propos et le travail de Blandine Savetier qui met ici le pied à l'étrier à des jeunes comédiens dans toute leur diversité culturelle, raciale et politique. Le sujet: la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" prise au sens large, englobant le problème de l'abolition de l'esclavage (nous y apprenons que c'est le 6 février 1894 que l'escalavage a été aboli - pour être rétabli par Napoléon en 1802), de même que le Droit des Femmes - dont on faisait peu cas lors de la Révolution.
TNS - Nous entrerons dans la carrière - Blandine Savetier - Photo: Jean-Louis Fernandez |
Nous voyageons donc entre la Guadeloupe, Paris et la Guyanne en découvrant quelques personnages oubliés de l'histoire: Victor Hugues (joué avec une grande énergie par Claire Toubin), un boulanger devenu révolutionnaire, admirateur de Robespierre qui devient "Commissaire" à Cayenne sous Napoléon et dont le destin croise les personnages de fiction, Jean-Baptiste Belly, ancien esclave qui devient le premier député noir à la Convention et qui se retrouve aux arrêts à Belle-Ile sous Napoléon et qui y meurt...
TNS - Nous entrerons dans la carrière - Blandine Savetier - Photo: Jean-Louis Fernandez |
Le spectacle est dynamique, bondissant, poussé par la scénographie de Simon Restino, faite de blocs qui bougent et de plateaux sur roulettes, de bateau qui navigue à tout vent, de cubes volants et de puzzles de boites de cartons, également de quelques inventions mystérieuses comme ce phare noir, ou féériques comme le monde sous-marin de la sirène en boite de nuit. La musique et les chants (supervisés par Daniel Matar) apportent également une bouffée d'air et un souffle frais et décoiffant, par exemple pour la Marseillaise, dont le titre de la pièce s'inspire et qui est née à cette époque de la Révolution. Et l'on en suit les soubressauts et les retombées jusqu'à nos jours.
TNS - Nous entrerons dans la carrière - Blandine Savetier - Photo: Jean-Louis Fernandez |
Car la pièce est là aussi pour nous rappeler les fondamentaux de notre système politique - la démocratie - et d'en observer les métamorphoses et leur ancrage dans les réflexions des jeunes d'aujourd'hui. Tout comme elle essaie de mettre en perspective les morts de cette période troublée et ceux de la répression des armées napoléennes dans les Caraïbes.
La pièce de Blandine Savetier, avec la collaboration artistique, l'adaptation et la dramaturgie de Waddah Saab et toute l'inventivité de la jeune troupe démontre que ce sujet peut être d'actualité. Les parties vidéo sont bien intégrées, même si quelques captations en direct font plutôt double usage et perturbent la force du jeu. Il faut par ailleurs saluer la qualité et le dynamisme des actrices et des acteurs qui tiennent le plateau et les spectateurs en haleine pendant plus de trois heures.
La Fleur du Dimanche
Nous entrerons dans la carrière
TNS Strasbourg - du 29 septembre au 9 octobre 2021
A la Filature à Mulhouse le 14 octobre 2021
CRÉATION AU TNS
COPRODUCTION
Librement adapté de Le Siècle des Lumières d’Alejo Carpentier
Adaptation Waddah Saab, Blandine Savetier
Mise en scène Blandine Savetier
Avec
Saïd Ghanem − Carlos, Brissot, un sans-culottes, un révolutionnaire espagnol, Loeillet, Haugard l’aubergiste, un prêtre
Pauline Haudepin − Sofia, Claire Lacombe, un sansculottes, Levasseur, Anse, La sirène
Neil-Adam Mohammedi − Esteban, un prêtre
Mélody Pini − Ogé, Pauline Léon, un sans-culotte, Lacroix, Sofia
Souleymane Sylla − Jorge, Nonne, Robespierre, un sans-culotte, Dufay, Pélardy, L’Acadien
Claire Toubin − Victor Hughes
Sefa Yeboah − Luis, Don Cosme, Danton, un sans-culotte, Boudet, un prêtre
Et les élèves de la classe préparatoire de La Filature de Mulhouse William Burnod, Olivier Sangwa
Dramaturgie et collaboration artistique Waddah Saab
Scénographie et costumes Simon Restino
Lumière Daniel Lévy
Vidéo Germain Fourvel
Son et musique originale Pierre Boscheron
Régie générale de production Bruno Bléger
Pauline Haudepin et Blandine Savetier sont artistes associées au TNS.
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS.
Production Compagnie Longtemps je me suis couché de bonne heure, Théâtre National de Strasbourg
Coproduction La Filature, scène nationale de Mulhouse, Maison de la culture de Bourges, scène nationale
Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles du Grand Est
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national
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