Le concert d'ouverture de la saison de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg est spectaculaire cette année. Pas moins de cent musiciens et cent choristes, et quatre solistes dans la salle Erasme du Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg pour un Requiem de Verdi sous la direction d'Aziz Shokhakimov, le directeur artistique et musical de l'orchestre. Le hasard du calendrier fait de ce concert un implicite hommage à Elisabeth II, la reine d'Angleterre qui est morte la veille. La politique est partout...
OPS - Verdi - Requiem - Photo: Nicolas Rosès |
D'ailleurs, ce Requiem n'a-t-il pas été écrit - finalisé - pour rendre hommage au grand poète et écrivain italien Alessandro Manzoni, qui était également un acteur, comme Verdi, de la force politique qui allait faire émerger la nation italienne, le Risorgimento. Verdi l'a écrit et joué le 22 mai 1874, un an après sa mort à la Scala de Milan. Il avait déjà composé le célèbre Libera Me pour un autre Requiem qu'il voulait en hommage à Rossini en 1868 avec d'autres compositeurs. Ce Requiem, venant de la part de ce maître de l'Opéra italien (il en a écrit plus de 30, la plupart très célèbres) donne à l'écriture de cette pièce une tonalité très spéciale. Il était de plus athée, et nous nous retrouvons avec une composition très variée, très dramatisée, avec ces quatre solistes, deux femmes, deux hommes qui vont se partager des morceaux de bravoure ou des duos, trios et quatuors, ou encore des dialogues avec l'orchestre ou les choeurs. Le tout avec des changements de rythme ou de puissance et de mode orchestral qui dynamisent la narration.
OPS - Verdi - Requiem - Photo: Nicolas Rosès |
Ce Requiem n'est pas une pièce liturgique et dès le début nous nous retrouvons dans une ambiance surprenante avec, tout en retenue, les voix, comme venant d'outre-tombe "Requiem aeternam dona eis, Domine et lux perpetua lucea eis." - "Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternalle brille sur eux" soutenues par un filet de cordes avant un puissant "Te decet Hymnus Deus", "A toi Dieu, il convient de chanter un hymne" renforcé par les presque cent choristes des Choeurs de l'Opéra National du Rhin, associés au Choeur Philharmonique de Brno, avant d'alterner retenue et puissance.
OPS - Verdi - Requiem - Photo: Nicolas Rosès
Suit le long Dies Irae, démarrant avec force et rapidité, avec les 8 trompettes, puissantes, qui se trouvent dans la salle. Les neuf versets de cette partie permettent d'apprécier la richesse de la composition et les talents de l'orchestre, autant les vents, les clarinettes, les hautbois, les bassons - et même un ophicléïde - que les timbales et les percussions, bien sollicitées, ou les cordes. Et surtout les interprétations des solistes, la basse d'Ain Anger pour le sombre Tuba mirum et le Confutatis ou les voix féminines, la soprano Serena Farnocchia (remplaçant au dernier moment Krassimira Stoyanova) avec une voix claire et forte et de la mezzo-soprano Jamie Barton, en particulier dans le Rex tremendo qui nous offre un beau moment vocal de partage avec les choeurs (les Salva me - sauve-moi) ou l'Ingemisco avec le ténor Benjamin Berneim dont on apprécie la voix forte et claire et la magnifique diction.
OPS - Verdi - Requiem - Photo: Nicolas Rosès |
L'Offertorio se présente presque comme un poème symphonique porté par un orchestre tout en finesse et de très beaux passages vocaux doux et calmes. Le Sanctus arrive avec puissance et sonneries de trompettes puis se fait léger, presque dansant - d'ailleurs le chef Aziz Shokhakimov donne l'impression de danser en dirigeant - puis finit en apothéose. L'Agnus Dei, démarant par un duo des voix féminines reprises par le choeur se construit ensuite en alternance dans ce mouvement doux et grave. Le Lux eternae voit le trio vocal (mezzo, basse, ténor) dialoguer accompagné des cordes.
OPS - Verdi - Requiem - Photo: Nicolas Rosès |
Et pour finir, le Libera me démare avec la récitation de la prière "Libera me, Domine, de morte eaternam " "Libérez-moi Seigneur de le mort éternelle" suivi de la puissance conjuguée des choeurs et de l'orchestre. La tension monte en alternant des moments plus retenus et des poussées de puissance, entre la soliste (ici la magnifique Serena Farnocchia), les choeur et l'orchestre et ce "Libera me" - "Délivre-moi" qui revient, avant le grand silence final en point d'orgue.
Un silence impressionnant, suivi, comme il se doit par les applaudissements redoublés du public qui a vécu intensément ce moment qui a duré plus d'une heure et demie, un Requiem très singulier.
OPS - Aziz Shokhakimov - Requiem - Verdi - Saluts - Photo: lfdd |
La Fleur du Dimanche