samedi 11 février 2023

Zugzwang au Maillon: Il n'y a que la nécessité de bien dégringoler

Avec Zugzwang par le Galactik Ensemble au Maillon, nous assistons à un film en train de se fabriquer en direct. Il pourrait s'intituler Entracte ou Une journée au cirque ou encore La Ruée vers l'Or parce que cela se passe au théâtre, qu'il y a un tigre au sol et que la cabane du chercheur d'or recèle de nombreux mystères et révèle de belles surprises. Après une "mise en place du décor" qui avait subi une "mise à plat", la table magique se couvre puis se retrouve entourée de personnages apparaissant soudain, tous plus étranges les uns que les autres - l'un par exemple coiffé d'une tête de renne. Des crises de tremblement se propagent par contagion entre eux, disparaissent pour renaître plus forts encore. Aboutissant à l'ébranlement et à la dislocation de la petite maison - en fait une pièce unique. Et, ainsi apparait sur une planche de bois le titre "Zugzwang" signifiant "coup forcé". Ce qui laisse à penser que le destin irrémédiable de ces cinq personnages sur scène va être de se battre contre les éléments hostiles du décor qui tremble, gronde et gémit. L'idée du film en train de se bricoler est renforcé par l'envers du décor sur lequel sont notés les noms des personnages et la liste des accessoires qui vont, hanter, peupler le film. De plus, le concept de hors-champ et de son off est expérimenté par l'un des personnage qui sort du "champ" et laisse une trace sonore comique de son déplacement. 


Zugzwang - Le Galactik Ensemble


Le déplacement étant un des principes du Zugzwang - Zug pouvant signifier le trait, le déplacement, le courant d'air, le défilé, le mouvement - les séquences du "film" vont jouer aussi sur des déplacement dans et hors de l'espace d'une pièce, combinés ou pas avec le déplacement de cette pièce même. Cela aboutit à des moments magiques du genre dessin animé ou bande dessinée animée où s'enchainent diverses vues de vie dans un espace privé: debout, assis, arrêtés ou en marche, seul ou à plusieurs ou avec des accessoires. Cela projette aussi des images flottantes de la réalité, ou des situations absurdes quand le décor pousse les protagonistes. Ou encore la démonstration de la théorie de la relativité d'Einstein en mouvement agrémentée de gags et de glissades dangereuses. 


Zugzwang - Le Galactik Ensemble - Photo: Martin Argyroglo


Cette relativité est également mise en oeuvre par un dispositif où le tigre fait bouger un plateau-radeau qui au départ était un tableau de Velasquez que Salvator Dali aurait intitulé "Portrait de crétins à la tête molle" et où les gobelets deviennent des fusées. Sa déconstruction le transforme en un espace d'expérimentation du déséquilibre et d'une chaine de solidarité. Un autre tableau, un paysage d'hiver de Brueghel, servira de prétexte à une chorégraphie de l'incertitude et amènera à creuser, au sens propre, le mur pour y disparaître comme une taupe. De ce trou noir de taupe va resurgir cette troupe en robe blanche de mariée, ou de première communiante. Blanche comme la neige qui tombe en slow/snow dans une version nipponne de chanson d'amour sirupeuse. Et le soyeux sortilège de ce blanc cortège tombant du tobogan pour chanter le refrain des pleurs en impassible manège qui se relaye en choeur au micro en synchro.

Si vous n'avez pas compris, je vous mets la version originale:


Et le rideau tombe annonçant la "Fin de Partie" en générique de fin, comme un dernier coup du sort jeté comme un dé sur le plateau. Il n'y a pas de hasard, il n'y a que la nécessité. Et par la force des choses tout dérape et dégringole, comme le voulait le mouvement inhérent de la pièce.


La Fleur du Dimanche

2 commentaires:

  1. Et puis on passe la nuit avec l'air en tête 🙂

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  2. C'est une superbe chanson d'hiver Manami ! J'ai préféré mettre la version "soft" avec le gag des bouquets de fleurs qui dure 2 minutes 30 plutôt que la version de bine meilleur qualité (de mémorisation) Yuki ga furu ユキが降る (Tombe la neige) https://youtu.be/p9xCJCVGYCw

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