Fin de Partie au Théâtre de l'Atelier à Paris, ce n'est pas encore fini. Je m'entends, la pièce de Samuel Beckett, mise en scène par Jacques Osinski, forte de son succès, est prolongée (au moins) jusqu'au 16 avril 2023. Mais n'attendez pas la fin pour y aller.
Et surtout ne croyez pas lorsque Clov (Denis Lavant) vous dit au début de la pièce... après quelques moments de silence et d'immobilité, puis d'un étrange ballet désarticulé où, comme un pantin attaché à une ficelle il virevolte de gauche à droite avec (ou sans) son échelle pour ouvrir les rideaux des deux fenêtres - côté "mer" et côté "terre" - haut placées: "Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. ..." Parce qu'effectivement cela ne finit pas, cela ne fait que commencer, de finir... Et cela continue ainsi "..., Les grains s'ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c'est un tas, un petit tas, l'impossible tas."
Fin de Partie - Samuel Beckett - Denis Lavant - Frédéric Leidgens - Théâtre de L'Atelier |
Cette phrase résume dans sa substance même l'esprit de la pièce, cette accumulation de petites choses qui s'amoncellent, que l'on ressort sporadiquement, avec parcimonie. Tout comme les courtes phrases qui seront distillées, et quelquefois répétées tout au long de la pièce et qui nous présentent comme une fin du monde, une apocalypse, où il n'y a plus de salut, plus personne à part ces deux personnages à la relation étrange de maître et valet. Et où le maître, Hamm (Frédéric Leidgens) est totalement sous le joug du valet, ce possible fils adoptif (et vice-versa). Parce que les maigres informations que nous recevons, tout aussi maigres que les biscuits, rares qui sont données à ce fils - et aussi au père Nagg (Peter Bonke) cantonné dans sa grande poubelle à l'arrière de la scène - ces informations que Nagg nous révèle aussi de son côté: Quelques bribes de leur histoire qui ne servent qu'à installer une ambiance d'abandon et de fin du monde. Le décor et la scénographie d'Yann Chapotel, un intérieur glauque aux murs verts où ne filtre presque pas de lumière, et qui semble une tannière, un trou à rat derrière un grand rideau donnant sur une cuisine étique, repaire à rat. La lumière dispensée dans la rareté (Catherine Verheyde) pour de ce qui est des "fenêtres" n'est diffusée que par deux lampes, celle "au centre" qui "douche" Hamm et exacerbe le jeu très expressif, presque expressionniste et maniéré (d'acteur) de Frédéric Leidgens, et celle, plus froide sur les "poubelles" dans lesquelles sont cloîtrés les parents Nagg et Nell (Claudine Delvaux, toute diaphane et presque transparente).
Fin de Partie - Samuel Beckett - Denis Lavant - Frédéric Leidgens - Théâtre de L'Atelier |
Denis Lavant - Fin de Partie - Samuel Beckett |
Frédéric Leidgens dans son discours alambiqué et maniéré, souligné par ses gestes élégants de la main et des doigts et son port de tête altier, sous ses lunettes d'aveugle, est lui aussi très juste dans ce personnage en perdition. Et nous en sommes presque tristes de l'abandonner au bout de plus de deux heures, quand il se demande s'il l'a effectivement été, abandonné, à la fin de la "Partie". Tout aussi triste que nous qui nous posons la même question. Peut-être reviendrons-nous, si jamais ça recommence?
La Fleur du Dimanche
Si vous ne voulez pas que cela finisse comme cela, Jacques Osinski et ses comédiens vous convient à un bord plateau à l’issue du spectacle afin d’échanger avec le public autour de l’oeuvre classique de Samuel Beckett, Fin de Partie.
Vendredi 3 mars
Dimanche 12 mars
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