jeudi 9 février 2023

Burning Bright d'Hugues Dufourt par les Percussions de Strasbourg: Des éclairs sonores dans la nuit sombre

 Cinquante ans après Erewhon, première collaboration d'Hugues Dufourt, alors jeune compositeur, avec les Percussions de Strasbourg, Burning Bright (2014) ouvre une nouveau chemin, un nouveau regard dans leur collaboration. La pièce, dont le disque, sorti en 2016 fut couronné de plusieurs prix (Diapason d'Or, disque classique de l'année 2017 aux Victoire de la musique, Clé d'Or, Académie Charles Cross), a déjà été jouée au moins deux fois à Strasbourg. Mais c'est à chaque fois une redécouverte. Et c'est donc un grand plaisir de la revoir à Hautepierre dans le fief des Percussions de Strasbourg, comme une étoile dans la queue de la comète des célébrations du soixantième anniversaire du groupe, et en petite avance du 80ème anniversaire du compositeur.


Percussions de Strasbourg - Burning Bright - Hugues Dufourt - Photo: Robert Becker


Sur scène, les six musiciens, pas tous les mêmes que sur l'enregistrement du disque, sont positionnés autour de la scène dans ce que l'on pourrait bien imaginer comme l'antre d'un magicien, un atelier mystérieux, amoncellement d'objets étranges. Hugues Dufourt, dans l'échange qui a suivi le concert a d'ailleurs expliqué qu'il avait jeté son dévolu, pour cette composition, sur tous les instruments de percussion considérés comme "accessoires", souvent relégués, exclus des partitions et qui, souvent, ont un rapport avec l'au-delà - et qui sont souvent utilisés dans les films d'épouvante. 


Percussions de Strasbourg - Burning Bright - Hugues Dufourt - Photo: Robert Becker


On y trouve par exemple le waterphone, instrument hybride inventé par Richard Waters dans les années 60, mais aussi toutes les cloches, clochettes, crotales, gongs, plaques, morceaux de bois, blocs de bois, cymbales. Tous ces instruments vont être joués pour faire émerger en nappes, éclats, vibrations tournantes, des ondes et vagues qui passent d'un musicien à l'autre. 


Percussions de Strasbourg - Burning Bright - Hugues Dufourt - Photo: Robert Becker


Des grondements enflent, des flashes sonores éclatent. Les sons rampent, s'étirent, montent en puissance, puis se calment à nouveau. De partout surgissent des sonorités inédites, qui se mélangent et se tordent, tournent. Les baguettes frappent nerveusement et en extension, sur les caisses, vibraphones, gongs, et se répondent d'un musicien à l'autre. Les cymbales vibrent et montent en tension, les gongs résonnent, les grosses caisses geignent et explosent.

 

Percussions de Strasbourg - Burning Bright - Hugues Dufourt - Photo: Robert Becker


Cela bruisse, fourmille, se superpose en de multiples couches, pulsations, tourbillons. L'énergie couve puis se distend, éclate en flashes sonores. Pour finir, les sons grondent dans le lointain, s'enfuient, et s'éteignent doucement. 


Percussions de Strasbourg - Burning Bright - Hugues Dufourt - Photo: Robert Becker


Le voyage initiatique et magique du Tigre de William Blake qui a inspiré la composition et le titre de la pièce s'achève. Un monde de ténèbres et d'éclats lumineux brefs et soudains repart dans la nuit. Le voyage intérieur, exploratoire de sensations insolites est terminé. A nous de le recommencer avec le disque. 


Percussions de Strasbourg - Burning Bright - Hugues Dufourt - Photo: Robert Becker


Et nous remercions chaleureusement Hugues Dufourt pour qui nous apporte une nouvelle promesse (de fleurs) - lucide ou visionnaire* - de futur. Et nous tenons à saluer la prestation magnifique de la musicienne Hsin-Hsuan Wu, des musiciens François Papirer, Enrico Pedicone, Alexandre Esperet, Thibaut Weber et Minh-Tâm Nguyen, également directeur artistique des Percussions de Strasbourg qui nous ont emmené dans ce magnifique voyage dans la jungle et les étoiles. 


Percussions de Strasbourg - Burning Bright - Hugues Dufourt - Photo: Robert Becker


Tyger, tyger


Tyger tyger, burning bright 
In the forests of the night, 
What immortal hand or eye 
Could frame thy fearful symmetry? 
In what distant deeps or skies 
Burnt the fire of thine eyes? 
On what wings dare he aspire? 
What the hand dare seize the fire? 

Tigre, Tigre! ton éclair luit
Dans les forêts de la nuit,
Quelle main, quel oeil immortels
Purent fabriquer ton effrayante symétrie
Dans quelles profondeurs, quels cieux lointains
Brûla le feu de tes yeux?
Aucune aile ne pourra les atteindre.
Aucune main ne pourrait forger ton regard. 


La Fleur du Dimanche


* En 2016, dans le livret du disque Burning Bright, Hugues Dufourt termine par ces mots:

"L'espace qu'on y découvre, un espace à la Kubrick, pourrait devenir, malgré les espoirs de notre époque, celui d'un éternel confinement"

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