Tout a commencé par une jonquille qui paraissait inoffensive mais cachait une "foule d'individualités" qu'un peintre à tendance paréidolique a un jour retourné à l'envoyeur - le photographe - qui aime aussi cette lecture de "figures" dans la nature. S'ensuivit quelques autres re-lectures visuelles pour aboutir en un dialogue plus poussé et encadré: Créer une douzaine d'oeuvres à quatre mains et deux paires d'yeux - et demander pour chaque oeuvre, à deux auteur.trice.s de toutes obédiences (poète, philosophe, écrivain, journaliste, psychanalyste, touriste,...) de produire deux lectures stéréoscopiques pour "ouvrir" le champ du visible à l'interprétation du spectateur.
Et voilà ce que devient par exemple notre "jonquille" sous le pinceau de Dominique Haettel:
Fleur Fabuleuse - Jonquille - Photo: Robert Becker - Peinture: Dominique Haettel |
"Mutine s’étire et s’étonne au petit matin. Toute imprégnée des émotions d’une nuit riche en rêves, elle prend son temps. Dépliant ses pétales, tout en clignant des yeux aux premiers rayons de soleil, elle accueille les personnages qui habitent ses songes."
Chaudron brûlant de l’évidence, par quels chemins détournés te promènes-tu, frêle jonquille ? Je peux te penser fleur de vignes et des champs du printemps,
Je peux te rêver collerette de fée, jambes gainées de collants verts, pailletée de pollen, malicieuse jonquille.
Les mondes immatériels se révèlent par touche, geste du peintre, oeil pointilliste ou cubiste.
Tu ne te laisses pas effeuiller, pleine corolle ouverte sur une autre réalité.
Estampille décidée à changer nos regards, ligne de faille, lector in fabula...
La parisienne
Perchée sur ses Stiletto,
du coeur de son trench façon jeune styliste,
pointe une dentelle pas très sage.
Dans son sillage flottent des effluves de
«24 Faubourg» d’Hermès.
La croiser fait naître une émotion olfactive
chaude et sensuelle,
une invitation au voyage, destination
soleil…
Où va-t-elle avec son air altier et
légèrement hautain,
coiffée d’un couvre-chef digne des courses
d’Ascot ?
Ses pas la mènent vers le Palais de Tokyo,
Showroom
de la Fashion Week.
Elle fera ensuite sur son site un compte
rendu
sur les nouvelles tendances de la saison
prochaine.
Une parisienne d’aujourd’hui…
Sylviane Lokay Joly
Le cyclope bleu
Connaissez-vous le cyclope bleu ? Ce n’est pas un géant brutal. Semblable au tissu de nos songes, sa peau est soyeuse, sensible au soleil et au vent. Son œil unique ne s’entrouvre que le soir. Les lucioles, dit-on, viennent souvent s’y poser : elles éclairent d’une lumière étrange ce trou laissé naguère par le pieu d’Ulysse. Trou de mémoire, dit-on : le cyclope bleu ne se souvient de rien et répète du fond de sa nuit : « je ne suis personne ! »
Jean-Michel
Maulpoix
Comme un p'tit
coquelicot mon âme
comme un p'tit coquelicot
j’aimais
entendre cette chanson et la voix chaude de Mouloudji
au timbre jaune
ce
coquelicot
un
souvenir surgit et s’impose sous forme de charade
trois fleurs
de chrysanthèmes ressuscitées
le doigt
la lumière rouge
une touchante
amitié et une intelligence étrange
together
un vélo
s’envole au-dessus de la forêt
home
come stay
la lumière
rouge est éblouissante
avant
de disparaitre
je serais
toujours là
E-T E-T E-T
E-T L’EXTRATERRESTRE
la musique
est de John Williams
Danièle Schiffmann
Echos d’écume et autres pensées.
Au fond de l’océan, les
courants d’émotions circulent au fil de l’eau. Ambivalentes et fragiles, elles
voyagent en banc. C’est plus sûr dans cette étendue bleue, écrasante et
hostile. A peine palpables, juste assez pour se laisser porter dans cette ultime
matrice, elles déploient leurs corolles dans une brassée de zébrures mates et
brillantes.
Au début – mais qui s’en
souvient aujourd’hui ? – des panaches de couleurs illuminaient le monde,
l’air vibrait dans un feu d’artifice permanent. La poésie se respirait à pleins
poumons. L’enthousiasme, l’optimisme et la passion agrandissaient le ciel, la
liberté allégeait le quotidien. Et l’amour. Oui, l’amour aussi. Mais qui s’en
souvient aujourd’hui ?
Darwinites et spinozoses
Il faut peu de choses pour accélérer l’évolution du règne végétal
vers le règne animal. On fait pousser des yeux, une bouche dentée, deux petites
pattes griffues et hop, ce qui était pétales touffus, chaos de corolles
crénelées et de feuilles ondulant au vent devient tête et ailes, regard et
désir, sens et âme.
Tout en polissant ses lentilles, le vieux philosophe se réjouissait
de ces transformations. Il levait le nez, contemplait avec satisfaction l’être
hybride qui peuplait la solitude de son atelier et s’adressait à lui avec
tendresse. Nature naturée tu étais, engoncée dans la passivité, résultat
magnifique d’opérations décidées à ton insu. Maintenant tu es acteur, nature
naturante, éclosion et déploiement, renouvellements incessants. Tu
t’appelles iris et, le sais-tu ?, iris est aussi le nom d’une partie de
l’œil pour lequel je règle les surfaces de mes verres. Toi aussi tu as
maintenant de grands yeux qui me fixent, tu sais que la lumière entre en nous.
Mais pourquoi cela n’a-t-il pas l’air de te rendre heureux ?
(....)
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