Cent ans pour voir en France une oeuvre majeure en son temps en Allemagne, c'est le temps qu'il a fallu pour qu'enfin, Les Oiseaux de Walter Braunfels soit présentée à l'Opéra National du Rhin à Strasbourg dans une mise en scène de Ted Huffman. La pièce, dont la composition avait commencé avant 1914 et qui s'est continuée pendant la guerre pour s'achever en 1919 fut créée sous la baguette de Bruno Walter à Munich. Elle eut un grand succès, ailleurs en Allemagne aussi (sauf à Berlin). Mais l'opposition de Braunfels au régime nazi (il a refusé d'écrire un hymne pour le parti) alors qu'il était directeur du conservatoire de Cologne, et comme son fichage comme "demi-juif" (sa mère était catholique et il s'est converti après la guerre) lui ont valu une destitution de ses fonctions et l'ont amené à un "exil intérieur" sur les bords du lac de Constance jusqu'après la guerre. Cette période-là ne lui a pas été plus favorable, puisque même renommé directeur du conservatoire de Cologne par Adenauer, ses oeuvres n'ont plus vraiment été jouées avant que le label Decca n'enregistre en 1996 Les Oiseaux dans une collection intitulée "Entartete Kunst" (Art dégénéré) avec des oeuvres qui avaient été mises au ban par les Nazis.
Les Oiseaux - Walther Braunfels - Ted Huffman - Opéra Nationa du Rhin - Photo: Clara Beck |
La pièce Les Oiseaux, une "comédie lyrique et fantastique" est adaptée, au moins pour la première partie sur la comédie d'Aristophane (-444 avant JC) et conte l'histoire à la fois nostalgique et fantastique de deux compères (Bonespoir et Fidèlami) qui décident de quitter la ville pour rencontrer les oiseaux. L'un, Bonespoir, rêve d'une histoire d'amour et l'autre, Fidélami est déçu de l'évolution des mentalités des gens de la ville ("Je ne pouvais plus supporter de voir l'art, l'art noble être dénaturé sur cette terre."). Il vont, par l'intermédiaure de La Huppe, un humain qui a également rejoint les oiseaux auparavant, rencontrer le Rossignol pour proposer aux oiseaux de redevenir les maîtres de la Terre en construisant une ville, un mur séparant les humains des dieux et ainsi, leur enlever aux deux le pouvoir. Fidélami réussit à devenir le maître des oiseaux tandis que Bonespoir tente de vivre un amour avec le Rossignol. Malgré la mise en garde de Prométhée, ils vont subir les foudres de Zeuss et tout va revenir à l'ordre précédent. L'un retournant à la routine quotidienne, tandis que l'autre, Bonespoir continuera à nourir son rêve et son espoir romantique.
Les Oiseaux - Walther Braunfels - Ted Huffman - Opéra Nationa du Rhin - Photo: Clara Beck |
La pièce, et la musique sont effectivement d'influence romatique, Wagner et Berlioz ne sont pas loin dans l'inspiration, et l'on peut se demander si elle ne porte pas un petit parfum de prophétie dans son idéal de nation forte et nostalgique d'une puissance ancienne restaurée - bien que remise à terre et soumise aux ordres millénaires des Dieux. La composition est très riche et intéressante et l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg, sous la direction du jeune chef Aziz Shokakimov qui vient d'arriver à sa tête drécemment, en offre une très belle interprétation. Les rôles féminins - Marie-Eve Munger pour le Rossignol, Julie Goussot pour le Roitelet, Simonetta Cavalli pour une Grive - et masculins - Tuoma Katajala pour Bonéspoir, Cody Quatttlebaum pour Fidélami, Josef Wagner pour Prométhé et Christoph Pohl pour la Huppe, sont bien équilibrés et les voix sont d'une grande qualité.
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Les Oiseaux - Walther Braunfels - Ted Huffman - Opéra Nationa du Rhin - Photo: Clara Beck |
Le parti-pris scénographique de Ted Huffmann avec les décors gris-souris des bureaux d'Andrew Lieberman et les costumes volontiers pastels de Doey Luthi qui prennent un peu de couleurs pour le deuxième acte nous plongent dans un monde une peu froid de fin des temps démoralisant. La surprise de mise en scène de la fin est bienvenue même si l'humour est un peu "jaune" et acide. Mais globalement la pièce est une belle réussite et une belle entente entre l'orchestre, les voix et la chorégraphie qui apporte un brin de fantaisie dans le monde un peu fantastique, nous incite à rêver.
La Fleur du Dimanche
du 19 au 30 janvier à Strabourg
Le 20 et 22 févirer à Mulhouse
Aziz Shokhakimov
Sora Elisabeth Lee
Ted Huffman
Andrew Lieberman
Doey Lüthi
Bernd Purkrabek
Pim Veulings
Alessandro Zuppardo
Le Rossignol: Marie-Eve Munger
Bonespoir: Tuomas Katajala
Fidèlami: Cody Quattlebaum
Prométhée: Josef Wagner
La Huppe: Christoph Pohl
Le Roitelet: Julie Goussot
L’Aigle: Antoin Herrera-López Kessel
Zeus: Young-Min Suk
Le Corbeau: Daniel Dropulja
Le Flamant rose: Namdeuk Lee
Les grives: Simonetta Cavalli, Nathalie Gaudefroy
Les hirondelles: Dilan Ayata, Aline Gozlan, Tatiana Zolotikova
Danseurs: Vladimir Hugot, Toon Lobach, Caroline Roques, Jocelyn Tardieu, Gautier Trischler
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