Le compositeur et réalisateur de films a le sens du rythme et de la musique et son travail Counter Phase, une collaboration avec la chorégraphe, a été en 2003 une approche nouvelle et inventive dans le domaine de la danse - et de la Vidéo-Danse.
On connait le rapport des chorégraphes à la musique, que ce soit un travail à partir de celle-ci ou totalement indépendant pour jouer sur la rupture entre ce que le spectateur voit et ce qu'il entend.
Pour cette création, le challenge a été de proposer à dix compositeurs, dix films d'environ cinq, six minutes et qui tous étaient "terminés" c'est-à-dire filmés et montés à partir d'une chorégraphie écrite par Anne Teresa de Kersmaeker et interprétée par ses danseurs et danseuses. Et cela filmé non sur scène, mais dans des décors naturels de jardins, en extérieur.
Musica 2018 - Counter Phrase - Thierry de Mey - Anne Teresa de Keermaeker - TM+ - Ballaké Sissoko- Photo: lfdd |
Le résultat est un triptyque sur trois écrans où la danse prend son élan d'un écran à l'autre et où les danseurs, quelquefois envahissent l'espace. Les magnifiques costumes de Dries Van Noten, en totale symbiose avec les jardins et les fleurs sont une joie pour l'oeil. Il est vrai que la palette des jardins, entre le jardin à la française, à l'italienne, les allées aux haies géantes, le jardins de rhododendrons, les étangs aux réminiscences de Monnet, les jardins-forêts construites ou sauvages ou même un jardin sur terrasse totalement minéral sont des décors que le réalisateur découpe de diverses manière et que les danseurs habitent seuls, à deux ou plus nombreux selon la chorégraphie.
Le premier film par exemple "Orphic Descent" est une vertigineuse - et cascadeuse - descente d'escalier entre un homme et une femme qui dialoguent ainsi sur des marches infinies (pire que Potemkine) dans un parc de château. Tout cela est filmé mieux qu'à la télévision, car dans les champs-contrechamps, les caméras ne sont pas visibles. Parce que tout simplement Thierry de Mey filme cela comme un film de cinéma - même si quelquefois il balaie et élargit l'espace avec trois caméras ou le réduit en compression. Et sa magie du montage transcende le mouvement et l'élan des interprètes. Le résultat est bluffant dans la conservation du mouvement. La chorégraphie et l'énergie de la danse sont sublimées. La scène de travelling champ-contrechamp avec les danseurs en mouvement est à cet égard un petit bijou de finition.
Mais la musique dans tout cela, allez-vous me dire.
Eh bien, la musique a été écrite par une dizaine de compositeurs contemporains en 2001: Robin de Raaff - Orphic Descent / Jonathan Harvey - Moving Trees / Luca Francesconi - Controcanto / Thierry De Mey - Water / Floral Fairy - Heysel / Steve Reich - Dance Patterns / Fausto Romitelli - Green, Yellow and Blue / et d'autres... Et un film passera dans le silence, avec uniquement la respiration et le bruit des danseurs et du vent dans les feuilles des arbres. Ces différentes création musicales amènent pour chaque film une touche et une lecture différente.
Le challenge de cette nouvelle représentation au Point d'Eau à Ostwald dans le cadre du festival Musica, est la création sur quatre de ces films d'une musique de Ballaké Sissokodo. Elle est interprétée en direct par Ballaké Sissoko à la kora et de ses deux musiciens (guitare et balafon) et apporte une lecture originale et sensible, entre musique traditionnelle et invitations à la danse intérieure dans une enveloppante intimité.
Le résultat est surprenant mais convaincant. C'est intéressant de revoir deux fois la même chorégraphie - c'est le cas pour Contracanto et Dance Pattern - avec les deux "regards" sonores, au point que le spectateur ne remarque pas tout de suite que ce sont les mêmes danseurs et la même danse. Il est vrai qu'au niveau rythmique, de la mélodie et de la ponctuation les deux versions des films diffèrent dans leur lecture.
Sur scène, sous les magnifiques images de danse, outre Ballaké Sissoko, Fassery Diabaté et Oumar Niang pour la partie "création", ce sont quinze musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Mulhouse et six musiciens de l'ensemble TM+ et sous la direction de Laurent Cugnot qui interprètent avec toute l'énergie et le doigté nécessaire les six pièces contemporaines. La lumière est sur les danseurs, mais les musiciens posent le tapis sonore nécessaire pour la bonne énergie de la danse. Et cette énergie passe très bien, qu'elle soit écrite et traduite par l'ensemble des musiciens classiques et électriques,e ou joué par le trio des musiciens acoustiques.
La bonne énergie passe de l'écran et des deux côtés de la scène vers le public et cela fait du bien.
La Fleur du Dimanche
Le Point d'Eau accueille également deux autres spectacles du Festival Musica 2018:
Mercredi 26 septembre: Cosmos 1969 de Thierry Balasse, dont nous avons pu apprécier dans le passé le travail qu'il a fait avec et en hommage à Pierre Henry et la re-création du disque The Dark Side of the Moon de Pink Floyd.
Samedi 6 ocobre: The Bootleg Beatles, un hommage aux Beatles et leur double album "The Beatles" connu comme "The White Album" - l'Album Blanc - un spectacle co-réalisé avec le Festival Musica.
Counter Phrases (2003 / 2016)
TM+
Orchestre symphonique de Mulhouse
Ballaké Sissoko et ses musiciens
Direction musicale, Laurent Cuniot
Films, Thierry De Mey
Chorégraphies, Anne Teresa De Keersmaeker
Musiques, Robin de Raaff, Jonathan Harvey, Luca Francesconi,
Thierry De Mey, Steve Reich, Fausto Romitelli, Ballaké Sissoko
Musiciens TM+
Violon, Dorothée Nodé-Langlois
Violoncelle, Florian Lauridon
Piano, Mara Dobresco, Julien Le Pape
Harpe, Anne Ricquebourg
Percussions, Florent Jodelet,
Gianny Pizzolato
Guitare électrique, acoustique, basse
électrique, Kobe Van Cauwenberghe
Musiciens Orchestre symphonique de Mulhouse
Contrebasse, Pénélope Poincheval
Flûte, Lucile Salzmann-Broggia
Hautbois, François Fouquet
Clarinettes, Manuel Poultier,
Maxime Penard
Basson, Mehdi El Hammami
Cor, Pierre Ritzenthaler
Trompette, Xavier Ménard
Trombone, Guillaume Millière
Percussions, André Adjiba,
Nahom Kuya
Violon, Michel Demagny
Alto, Pascal Bride
Ballaké Sissoko et ses musiciens
Kora, Ballaké Sissoko
Balafon, Fassery Diabaté
Guitare n’goni, Oumar Niang
Danseurs des films: Beniamin Boar, Marta Coronado, Alix Eynaudi, Jordi Galí, Fumiyo Ikeda, Cynthia Loemij, Ursula Robb, Taka Shamoto, Igor Shyshko, Clinton Stringer, Julia Sugranyes, Rosalba Torres Guerrero, Jakub Truszkowski.
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