Nous la regardions, mais pas vraiment; elle était là, pas lasse, ni salace, alanguie, oui, et complice. Consentante, mais qu'on s'entende bien, il y avait un beau brouhaha dans la salle, de ci, de là, les doigts courant sur les écrans de portables, ou les dernières péripéties vécues dans le tram racontées aux ami(e)s, au point que la venue sur scène d'une spectatrice, plutôt d'une visiteuse est passée inaperçue.
Elle a bien fait le tour de cette salle de musée, avec sur le mur du fond, cette "Vénus d'Urbino" des Offices de Florence, pas loin de Sienne, et, quand elle s'est assise, subitement, après avoir tourné une dizaine de minutes sur le plateau, soudain, le silence...
Il y a des choses comme cela, on ne les explique pas...
La pièce peut commencer vraiment !
SIENA - Marcos Morau - Phot: Jesús Robisco |
Marcos Morau et sa troupe de La Veronal nous proposent pendant plus d'une heure un subtil mélange de danse, de texte, de lumière, de musique et de mise en scène qui vont complètement nous décaler. et nous interroger sur notre position de spectateur et sur ce que nous voyions ou croyons voir.
C'est à la fois un théâtre de l'absurde et de l'étrange, surréaliste et irréel, tendre et sucré, fluide et désarticulé.
La lumière sculpte les décors et les corps, rythme les séquences ou très tendrement affine le regard, en particulier celui de la Vénus qui se fait amical.
SIENA - Marcos Morau - Phot: Jesús Robisco |
La danse monte en puissance au fur et à mesure avec une troupe de jeunes femmes escrimeuses - d'abord deux puis trois, pour arriver à sept, sans oublier les hommes, deux qui rejoignent ce groupe et un autre, le "gardien du musée" qui était venu dès le départ en Monsieur Loyal en costume noir, lui aussi décalé et démembré.
Les gestes alternent entre une version très esthétisante et réussie d'un mélange de break dance et d'acrobatie en souplesse, mais disloquée et de moments de danse gestuelle et de contact soit par duos ou en mouvements d'ensemble, très réussis. Les danseuses et les danseurs ont vraiment une qualité de mouvement extraordinaire et une capacité de démenbrement et de dislocation époustouflante.
La bande son, subtil et bien dosé mélange de musiques, de textes et de sons naturels contribue à soutenir une ambiance propice à ce décalage et les textes nous mettent en face de ce que nous ne voyons pas et sommes obligés d'imaginer.
SIENA - Marcos Morau - Phot: Jesús Robisco |
Parce qu'en fait, nous sommes à la fois regardeurs et regardés, regardant, point de vue et voyants. Et ce que nous ne voyons pas, nous nous l'inventons, comme le texte le fait aussi pour nous faire croire une réalité que nous ne vivons pas et nous permettre "d'attraper la partie cachée de l'essence humaine".
Et qu'en même temps que nous nous interrogeons sur comment regarder une oeuvre d'art (et nous avons le temps de la regarder - on nous la montre d'ailleurs du doigt), nous assistons à un magnifique spectacle qui nous subjugue.
La Fleur du Dimanche
SIENA
Au Maillon Strasbourg le mardi 27, mercredi 28 et jeudi 29 mars 2018 à 20h30
Présenté avec POLE-SUD et dans le cadre du Parcours Danse
Direction et chorégraphie : Marcos Morau
Assisté de : Tanya Beyeler
Chorégraphie : Marcos Morau en collaboration avec les danseurs
Texte et dramaturgie : Pablo Gisbert – El Conde de Torrefiel, Roberto Fratini
Danseurs : Cristina Facco, Laia Duran, Cristina Goñi Adot, Anna Hierro, Ariadna Montfort, Lorena Nogal, Lautaro Reyes, Manuel Rodríguez, Marina Rodríguez, Sau-Ching Wong
Enseignante : Cristina Facco
Design d’espace et lumière : La Veronal et Enric Planas
Photographie : Jesús Robisco, Edu Pérez et Quevieneelcoco
Costumes : Octavia Malette
Voix off : Victoria Macarte et Benjamin Nathan Serio
Directeur de production : Juan Manuel Gil Galindo
Coproduction : La Veronal / Mercat de les Flors / Hellerau European Center for the Arts
En collaboration avec : Modul-Dance / El Graner / La Caldera / Centro de Artes Performativas do Algarve Faro / Duncan Dance Center Athens / Dance Ireland Dublin
Avec le soutien de : INAEM – Ministerio de Educación / Cultura y Deporte de España and ICEC – Departament de Cultura de la Generalitat de Catalunya
Crée dans le cadre : du projet Européen modul-dance, avec le soutien du Programme culture de l’Union européenne
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