mercredi 14 février 2024

Simple d’Ayelen Parolin et le chantier Trois nuits de Louise Vanneste à Pôle Sud : Le simplicisme et la simplicité

Commençons simplement par la fin de la soirée à Pôle Sud qui offrait encore une soirée en deux partie, le travail en chantier de Louise Vanneste dans le Studio à 19h00 et le spectacle Simple chorégraphié par Ayelen Parolin à 20h30. Ce dernier spectacle est très attendu, précédé d’une belle réputation et d’un succès au Festival d’Avignon Off. 


Ayelen Parolin - Simple - Photo: François Declercq


Le public, très nombreux et que l’on devine très large est d’abord très discret, en attente, quand un grand énergumène blond, les yeux hagards, arrive sur scène l’air de se demander où il est. Son costume, un justaucorps à dominante rose tacheté de couleurs pastel se détache de la toile de fond recouverte de bandes inégales de couleurs plus franches qui coulent de haut en bas de manière irrégulière. Ses gestes, mélange de danse classique et de mouvements libres à la Merce Cunningham sont irréguliers, ponctués de pauses impromptues. Un deuxième danseur, plus petit et encore plus inquiet, les yeux noirs perçants et fixes, exécute des gestes désordonnés. On sent dans leur attitude qu’ils recherchent le rire. Mais il ne vient pas. 


Ayelen Parolin - Simple - Photo: François Declercq


Ce n'est que quand le troisième larron, habillé pareil que les deux autres déboule de derrière le rideau, mimant le pas du cheval que le public lâche ses premiers rires. Curieux mécanisme que celui du rire, celui qu’on cherche, qu’on force quelquefois. Comme le clown, ce que ne sont pas les danseurs, mais rôle qu’ont sent qu’ils recherchent ardemment, dans leur emphase, dans leur exagération, dans le fait de surjouer leur danse et leurs expressions. L’air presque toujours ahuris ou surpris. Le côté « m’as-tu-vu » de la monstration, comme dans ces « tableaux posés » qu'ils réitèrent en avant-scène en position d’offrande, bras écartés et qui appellent aux applaudissements et qu’ils réactivent régulièrement comme pour un comique de répétition. La répétition est souvent appelée, un peu trop, et l’on essaie de se retrouver dans le chemin de leur narration faite de gestes un peu décalés de la réalité, abstraits. 


Ayelen Parolin - Simple - Photo: François Declercq


Leur danse et leurs mouvements sont maitrisés, et les trois interprètes sont de qualité. Il y a du potentiel. Et les costumes, bien qu’un peu irréels font de beaux effets dans leurs variations en écho avec le fond coloré et que les lumières transforment. Quelquefois on se croirait dans un rêve avec des figures imaginaires qui se déplacent dans un monde parallèle, mais très rapidement on se retrouve dans un ressassement alors que l’on aimerait aller plus loin ou ailleurs. Des pistes sont ouvertes, quelques-unes bienvenues et  qui apportent un peu de mystère comme ces parties où le chant essaie de sortir sans vraiment y arriver. Et là l’effet est intéressant, dans cette pièce sans musique, ou encore les moments où le rythme arrive avec le puis les bâtons frappés au sol, mais là encore, au lieu de rester dans un humour ou une narration simple, cela dérape vers un exutoire un peu fou qui, dans une violence gratuite et destructrice, agitation gratuite et défouloir enfantin qui nous laisse aussi ahuri que les interprètes. 


Ayelen Parolin - Simple - Photo: François Declercq


Le public quant à lui applaudit et semble satisfait, au moins en partie, de ce qu’on lui a proposé qui semble correspondre à ce qui était annoncé. Comme quoi, il ne faut jamais avoir trop d'espoir. D’autant plus que le parcours de la chorégraphe Ayelen Parolin, passée entre autres chez Mathilde Monier et ayant travaillé avec Louise Vanneste pouvait laisser espérer autre chose. On verra une autre pièce pour vérifier son travail.

Celui de Louis Vanneste, vu juste avant, lui, semble prometteur. Sur le plateau nu du studio, elle nous présente une étape du chantier de Trois nuits suivi d’un échange autour de son chantier. Son travail et son univers sont très intéressants. Basé au départ sur l’idée de géologie, de tectonique, sur un texte poétique soutenu par une musique envoutante et marqué par des battements sourds installent une atmosphère enveloppante. Elle-même toute de noir vêtue, recouvre le visage également de sa longue chevelure noire et part dans des mouvements intériorisés semblables à une danse chamanique. Les mains remuent, balancent en répétition tandis que le corps plie un peu. Les bras, un moment battent à l’horizontale, puis semblent vouloir s'envoler. Mais ce sont essentiellement ses mains qui dans de superbes variations de soulèvement, de brassage, de frottements, de caresses, nous plongent dans la matérialité de cet univers. Elle danse toute en diagonales en avant en arrière, toujours le visage caché dans sa chevelure, ce qui crée une impression d’étrangeté irréelle d’être sans tête. Le rythme s’accélère, le texte et la musique aussi, le feu crépite et les mains continuent leurs mouvements mécaniques et organiques. On perçoit en écho les paroles « des cendres se posent sur ta peau électrique ». Une pause se fait, et, changement de situation, elle s’accroupit et se retrouve extatique en attente, comme pour une annonciation. Sous le crépitement d’un feu de bois le texte se fait plus présent, parlant de mains, de glace, de braises... Après la montagne et la maternité, où cela va-t-il aller ? Rendez-vous au spectacle à venir…


La Fleur du Dimanche

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