Marta Gornicka est belliqueuse. Avec son choeur de femmes réfugiées d'Ukraine, elle va en guerre contre la guerre, avec l'arme du chant et de la parole. Elle suit la vision politique de Bertold Brecht "qui expliquait qu'il n'existe pas d'Histoire en dehors de la guerre" elle fait la démonstration que les femmes aussi peuvent se battre à leur manière.
Et elle le fait en s'appuyant sur les chants traditionnels et en leur injectant une nouvelle énergie et des paroles d'une lucidité transperçante. Et elle le fait avec toute la force de ces vingt-cinq mères qui ont en elle la souffrance et l'exil. La révolte et la fragilité. Dans ce spectacle Mothers, a Song for Wartime que l'on a pu voir lors de trois soirées au Maillon à Strasbourg.
Mothers, A Song for Wartime - Marta Gornicka - Photo: Bartek Warzecha |
C'est une petite fille de huit ans qui, devant toutes ces mères attendent debout au fond de la scène, ouvre la cérémonie et récite avec entrain un poème que l'on passe de maison en maison au Nouvel An pour souhaiter le bonheur aux familles. Une cérémonie entre la harangue, la messe engagée, le témoignage des violences et l'insurrection. Le choeur a capella va nous chanter des airs traditionnels. Cela commence par une chanson traditionnelle et rituelle qui souhaite la vie, la renaissance, puis d'autres célèbrent la nature ou l'amour. Mais il y a aussi des chants engagés, qui parlent de la situation actuelle, des violences, de la guerre, qui la dénoncent et parlent de révolte. Les paroles sont revendicatives, combatives, et les femmes sont de vraies combattantes.
Mothers, A Song for Wartime - Marta Gornicka - Photo: Bartek Warzecha |
Elles n'en demeurent pas moins des femmes sensibles et elles évoquent aussi leurs joies, leurs souvenirs et leurs plaisirs et leur situation d'exil, avec les proches, parents, frères et soeurs, enfants quelquefois dont elles sont séparées. Et leur émotion se transmet à travers leurs paroles et leur attitude. On passe ainsi d'une émotion à l'autre, entre empathie dans le malheur et volonté de s'en sortir et de se battre. Et la scénographie et la chorégraphie des corps y participent grandement. Ainsi les voix qui émergent de la masse pour dire les destins individuels ou les mouvements variés qui ressemblent à des manoeuvres presque militaires, avec frappe de tambour, mais aussi quand elles se mettent dans un cercle ouvert et confraternel - sororal même - par lequel passent à la fois la tendresse et la bienveillance.
Mothers, A Song for Wartime - Marta Gornicka - Photo: Bartek Warzecha |
Le spectacle ne tait rien et dénonce, et le nombre de morts de cette guerre, et les méthodes ignobles (violence des viols commis en public comme arme de guerre). Il nous force à nous interroger sur notre attitude vis-à-vis de ces faits et de ces images, que souvent nous évitons pour nous consoler d'images tendres de chats ou de fleurs. Le travail de Marta Gornicka avec ce choeur de femme n'est pas uniquement un choeur de consolation pour permettre la résilience, mais c'est, tout en cherchant à unir, soigner, guérir et chanter la vie, un instrument d'opposition contre l'oppression, une voix contre la répression. Et cette voix a été entendue et a ému.
La Fleur du Dimanche
Pour soutenir l'Ukraine dans cette guerre, d'autres actions sont menées, entre autres à Strasbourg par l'asssociation PromoUkaïna qui annonce un spectacle le 5 (?) ou le 21 octobre. Une autre action, Guernica - Ukraine également prévue à Strasbourg et dont je vais vous parler prochainement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire