vendredi 23 novembre 2018

Réparer les vivants au TNS: Incarner le roman, avec du coeur

Le roman de Maylis de Kerandal "Réparer les vivants", gros succès littéraire, critique et public, a fait l'objet d'une adaptation au cinéma par Katell Quillévéré, mais aussi au théâtre, entre autres par Sylvain Maurice en 2016, et qui sera visible en reprise au TNS à Strasbourg jusqu'au 1er décembre.

Réparer les vivants  - Sylvain Maurice - Vincent Dissez - Photo: Elisabeth Carecchio


Sylvain Maurice, metteur en scène autant du répertoire que de textes contemporains, mais également de textes littéraires a, lorsqu'il a lu, littéralement "dévoré en deux jours" le roman, a tout de suite décidé "qu'il fallait en faire un spectacle: c'était une nécessité impérieuse." De même le choix  du comédien Vincent Dissez et du musicien Joachim Latarjet pour interpréter sur scène ce duo qui donne le rythme du texte qu'il a adapté était aussi une évidence.
Ainsi, la pièce suit le fil conducteur du coeur, à la fois celui, physique de Simon Limbre, cherchant la sensation, le surpassement et l'émotion ultime, puis mis en danger et abandonné par son cerveau, en état de mort clinique, suite à l'accident, le coma, les complications, pour se retrouver dans un périple digne d'un voyage d'Ulysse, une Odyssée qui démarre dans un hôpital au Havre pour aboutir à Paris, à la Pitié Salpêtrière, dans la poitrine de Claire, voisine de l'Hôpital, en remplacement de son vieux coeur usé et à bout.
Mais aussi le coeur symbolique de la générosité, du don, de soi pour Simon, de son père et de sa mère, confrontés au drame et au dilemme, mais également des humains qui, dans l'exercice de leur métier donnent aussi d'eux même, en temps, en bonté et en professionnalisme. Le récit ainsi reconstruit devient une épopée moderne, avec ses rebondissements et son suspense, ses réflexions éthiques et philosophiques incluses dans une course contre la montre, avec force de moyens de communication et de passages techniques, presque scientifiques pour ce qui est des moments en salle d'opération. Et la force de la scénographie a été de trouver le bon dispositif qui permet de tenir en haleine et de garder le spectateur dans la course, immergé dans l'ambiance.
D'abord cette rampe de lumière qui nous plaque dans notre fauteuil "d'opération", puis ce dispositif, autant pont transbordeur que mécanisme qui semble manipuler le comédien, avec le musicien le dominant et semblant tirer les ficelles d'une marionnette, fils sonores aussi, car Joachim Latarjet ne fait pas que de la musique, il fait vivre, par le son à la fois le récit et battre le coeur qui traverse la pièce tout en nous incluant dans le rythme et l'ambiance, comme sous hypnose ou sous anesthésie.

TNS - Réparer les vivants  - Sylvain Maurice - Vincent Dissez - Joachim Latarjet - Photo: Elisabeth Carecchio


Et le tapis roulant, menant le rythme au fil de la narration, tantôt ralentissant, tantôt bousculant le comédien narrateur, tantôt le déstabilisant, et nous avec, aidé en cela par l'éclairage, quelquefois stroboscopique, ou encore pinceau de lumière aveuglante qui en fait un esprit dont l'image fantôme bouge avec notre regard.
Il faut saluer la performance magistrale de Vincent Dissez qui, tout au long de ce récit, garde une neutralité de narrateur, sans emphase ou lourdeur dans les passages d'humour qui permettent de déstresser les moments de tension, et qui également arrive à "incorporer" les différents personnages lorsqu'ils s'expriment au cours de ce récit savamment équilibré. 


La Fleur Du Dimanche 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire