Olivier Chapelet* aime se frotter aux grands textes, entre Sénèque, Racine dont on se souvient de son "Bérénice" créé en 2014 au TAPS Scala de Strasbourg et ici, Jon Fosse.
Avec "Rêve d'Automne" le challenge est grand. Et Olivier Chapelet dans sa note d'intention le dit: "Le théâtre de Jon Fosse ne se lit pas, il se joue. La partition qu'il livre, avec ses didascalies souvent incontournables, prend corps définitivement sur la scène...
Au premier rang,... il y a les cinq comédiens, leur silhouette, leur voix, leur intelligence sensible et la grande maîtrise de leur art. C'est avant tout à travers eux que passera le théâtre..."
Il a raison, et a fait le bon choix, celui des comédiens qui vont "donner corps aux mots par leur simple présence, leus regards échangés, la force leur relation...."
Car cette pièce, très forte, tout en rupture de rythme et de temporalité, bien que baignée tout au long dans une ambiance très onirique, a besoin que les comédiens "soient" les personnages et les laisse vivre et respirer.
Nous ne pouvons que saluer la performance de chacun de ces cinq comédiens - Fred Cacheux pour l'homme, Aude Koegler pour la femme, Françoise Lervy pour la mère, Jean Lorrain pour le père et Blanche Giraud-Beauregard pour Gry, l'ex-femme - tous impeccables qui, sans que l'on s'en rende compte, c'est cela la force de leur jeu, portent la pièce tout en délicatesse et en finesse.
La discrète touche sonore et musicale d'Olivier Fuchs pose le tapis d'ambiance et les lumières de Stéphane Wolffer mettent la lummière sobre et nocturne dans la scénographie d'Emmanuelle Bischoff.
La pièce, dans son histoire et sa construction peut à priori sembler complexe avec les superpositions temporelles et les sautes d'époques qui procèdent autant d'un univers onorique ou de songe d'un soir d'automne que du langage du cinéma avec ses flashes-back ou sauts dans le futur. Mais en définitive, si on se laisse porter par la mise en scène et les enchaînements, nous premons un plaisir de démiurge à connaître et dérouler le fil de la vie de cet "homme" autour duquel se tissent des relations et des ruptures. Avec sa femme, une autre femme fantasmée puis litérallement consommmée, sa mère, caricature à souhait de la mère/belle-mère, et le père rassurant, niant et fuyant.
Tout ce beau monde se rencontrant dans des scènes tour à tour touchantes, caustiques, de passion ou d'amour, d'humour ou de tendresse, et de tristesse...
Cela se passe dans un cimetière, autour de cet "homme", assis là sur un banc. Il va rencontrer une ancienne connaissance dont il fantasmait l'amour.
"Tu sais
ce que je pense
Je pense que je suis peut-être venue ici
dans ce cimetière
je veux dire
pour te rencontrer
C’est peut-être ça".
C'est l'occasion d'une réflexion sur l'amour, le désir et la mort...
Puis vient sa mère - à l'occasion de l'enterrement de sa grand-mère, et son père un peu fantôme. Puis, dans une autre temporalité et en sandwich deux duos - belle-mère et compagne d'une part et père et fils d'autre part. L'arrivée de Gry, l'ex-femme va accélérer le tourbillon ou plutôt les va-et-viens temporels. Et nous emmener vers des interrogations sur le lien, la disparition et la mort.
Jon Fosse disait: "Ce qui fait que le théâtre puisse devenir de l'art, c'est tout simplement qu'on y entende une voix que l'on n'a jamas entendue auparavant."
Et avec "Rêve d'automne", on "entend des voix" et on y croit !
Bon Spectacle
La Fleur du dimanche
*Olivier Chapelet est directeur artistique de la compagnie OC&CO et Directeur des TAPS -Scènes strasbourgeoises
Représentations:
Dernière au Taps Scala le 20 novembre 2016 à 17h00
Les 24 et 25 novembre 2016 à la Comédie de l'Est à Colmar
Le 29 novembre 2016 à l'Espace Culturel de Vendenheim
Le 1er décembre 2016 à l'Espace Bernard-Marie Koltès à Metz
Le 17 janvier 2017 à l'Espace Athic à Obernai
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