Arrivant de la salle, habillés de leurs seuls slips, les danseurs se regroupent sur la plateau, indécis, en attente, explorant l'espace du regard. On les imagine à une visite médicale ou pour la conscription. Mais non, nous sommes dans une salle de spectacle, et après avoir toisé les spectateurs et les spectatrices, les huit danseurs se retrouvent en bord de scène, à gauche, autour d'une table en pleine discussion jusqu'à ce qu'éclate le rock des années 50 Money Honey sur lequel, toujours en slip va s'éclater cette joyeuse troupe de gars bien agiles.
Olivia Granville - Debandade - Photo: Marc Domage |
Dans son spectacle Débandade qui s'inscrit dans le Festival L'Année commence avec Elles à Pôle Sud, Olivia Grandville nous attire avec son titre féministe et nous offre plutôt une image de désordre et de panique dans le groupe ou le spectacle d'une joyeuse troupe plutôt festive. Non qu'elle n'interroge pas le genre et les codes, les règles, l'éducation, et la position de ces hommes par rapport à la femme, la féminité et la danse - vaste question. Mais elle, et sa petite troupe bien turbulente et agitée, ont une folle envie de danser. Et c'est ce qui nous est proposé pendant une bonne heure et demie. La danse se transmet, prolifère, essaime, envahit le plateau. Que ce soit, comme pour ce rock vintage ou pour pas mal d'autres morceaux de musique allant d'airs d'Ennio Morricone à de la musique classique comme le Sacre du Printemps en passant par un morceau punk ou avec Gainsbourg, I'm the boy - "Le garçon qui a le don d'invisibilité" en passant par de techno ou des chansons douces, certaines où Jordan Deschamps montre aussi son talent de chanteur.
Olivia Granville - Debandade - Photo: Marc Domage |
Le spectacle joue sur l'alternance, la dualité, homme-femme, bien sûr mais aussi entre la danse et d'autres représentations comme des gestes sportifs transformés. 2galement d'autres moments où un danseur s'embarque dans un solo, quelquefois doublé, rejoint par un autre dans un duo complémentaire qui renforce le propos. Celui-ci peut aussi se propager au reste de la troupe avec quatre, cinq ou six autres qui s'y joignent avec leur diversité. Car de la diversité il y en a, autant dans les nationalités que dans les corps. Dans les histoires et les expériences. Parce que ce spectacle est aussi l'occasion, le prétexte, d'interroger à la fois les parcours individuels de ces danseurs, la genèse de leur rapport à la danse et leurs expériences ainsi que leurs réflexions sur le féminisme, la place des femmes et l'évolution de la société. Tout cela dans un dispositif très original, où la parole se prend bien sûr au plateau, avec ou sans micro, mais aussi dans des moments de pause du corps, quand lorsqu'un danseur passe derrière un rideau de fond de scène, une image vidéo en est projetée sur le fond de scène à gauche. Dans une sorte de cabine, la caméra de César Vayssié s'approche plus particulièrement de l'un en scrutant son corps ou son visage, pendant que nous entendons quelque chose entre le micro-trottoir, la confession ou la pensée en mouvement.
Olivia Granville - Debandade - Photo: Marc Domage |
Devant le rideau de fond de scène, une estrade leur sert de temps en temps de podium ou même de siège, mais surtout sera le lieu d'un magnifique défilé de mode inventif et décadent où leurs vêtements (ils se sont bien sûr revêtus, essentiellement avec des shorts et des maillots) deviennent des créations très originales dont ils arrivent à transformer la forme première dans une multitude de pièces dignes de grands couturiers version voguing.
Olivia Granville - Debandade - Photo: Marc Domage |
Il ne faut pas oublier les quelques magnifiques solos mis en scène en one man show où l'on reconnait les trajectoires artistiques de chacun - dont quelques unes passant par une danse classique de très haut niveau, mais aussi des influences africaines, nord-africaines et brésilienne. Outre la danse des pectoraux, peu partagée, il y a eu de très belles variations autour du "tableau vivant" et magnifiques danses d'interprétation animales - chevaux, oiseaux, canard pataud, singes et autres gorilles ou animaux à quatre pattes qui ont permis à chaque danseur de démontrer et son talent et ses capacités. Une performance tout du long qui s'est terminée dans la joie dans un grand et joyeux désordre festif.
La Fleur du Dimanche
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