Nous avions déjà pu apprécier le talent de Grégoire Gadebois - encore dernièrement dans le film d'Alix Delaporte - A voir absolument ! cf. le billet de ce lundi: Deux films engagés: "Le Dernier coup de marteau" et "L'Ennemi de la Classe".
Et quand Grégoire Gadebois est porté par un magnifique texte de Daniel Keyes, le bonheur vous transporte du début à la fin du spectacle. En l’occurrence, ne ratez pas - si vous trouvez encore une place, la représentation de la pièce "Des Fleurs pour Algernon" qui passe encore au TNS à Strasbourg jusqu'au 21 mars.
La pièce, créée par Grégoire Gadebois au Théâtre des Champs Elysées en 2012 et reprise régulièrement, a obtenu le prix de la meilleure pièce privée au Palmarès Théâtre de 2013, et Grégoire Gadebois le prix du meilleur comédien la même année et le Molière du Meilleur Comédien dans un spectacle seul en scène en 2014.
Il faut dire que son jeu, mis en scène par Anne Kessler de la Comédie Française (dont Grégoire Gadebois était pensionnaire de 2006 à fin 2011), est magnifique du début à la fin, tout en finesse et en variation dans ce rôle de "simple" qui va devenir très intelligent. La transformation est carrément "bluffante" et nullement caricaturale.
Sa présence, seul en scène avec une souris imaginaire est telle que nous "voyons" les autres protagonistes avec qui il partage cette "expérience".
Il faut dire que le texte de Daniel Keyes, d'abord paru sous forme de nouvelle et qui a remporté le prix Hugo de la meilleure nouvelle courte en 1960 a été développée en roman en 1966 - qui remporte le prix Nebula du meilleur roman cette année-là. C'est ce texte riche qui est mis en scène et c'est une vraie performance pour ce magnifique comédien seul en scène.
L'origine du texte est le mariage de deux réflexions:
La première:
"Qu'arriverait-il si l'on pouvait améliorer artificiellement l'intelligence humaine?"
Celle-ci a croisé la demande d'un jeune élève un peu particulier qui un jour lui a dit: "Je veux devenir intelligent ".
Daniel Keyes note: "Ses paroles "Je veux devenir intelligent", me hantent depuis ce jour-là. Je n'avais jamais songé qu'une personne présentant un retard mental - à l'époque on disait un attardé - puisse être consciente de ses limites et veuille devenir plus intelligente.
J'ai commencé à écrire sur lui."
Et le résultat est simple et magnifique à la fois. Nous assistons à un glissement imperceptible du discours d'un "attardé" à des exposés scientifiques sur les mathématiques modernes (les courbes de Gauss - un moment-clé dans la pièce) ou des textes ressemblant à des pages de roman..
Mais la pièce, qui aurait pu être un exercice de style ou un roman d'anticipation, va plus loin et pose la question du devenir de l'homme, de la différence, du vieillissement, et dans ce jeu-là, Grégoire Gadebois nous surprend à notre insu.
Le dispositif scénique sobre soutient ce jeu qui ressemble à un film-portrait de cinéma avec des "cuts" qui font passer le personnage d'un état ou d'une attitude à une autre par un jeu simple de lumières et de position.
Un vrai bonheur.
A vous de l'expérimenter.
Pour vous allécher, voici un extrait (qui ne donne pas toute la force de la présence physique du comédien):
Bon spectacle.
La Fleur du Dimanche
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