jeudi 6 mars 2025

Marie Cheyenne - Enfermés dehors: Guitare voix, et quelle voix ! Textes et humour, à revendre!

 Marie Cheyenne, si elle s'appelle comme cela, c'est qu'elle est une guerrière, une guerrière avec une crinière, mais une guerrière qui chante. Vous l'avez peut-être déjà entendue, elle écume les scènes en Alsace (Strasbourg, Schirmeck, Oberhausbergen, Sélestat, Illkirch, Vendenheim, Illkirch, Wintzenheim,...) , même si ces derniers temps elle tourne plutôt dans le reste de la France. Alors, l'attraper à Drusenheim au Pôle Culturel, il faut le faire, il faut être un peu cow-boy et garder l'esprit joueur. Et l'esprit joueur elle l'a aussi. Mais pas seulement, parce qu'en plus de l'humour, elle a un sacré esprit critique. Mais surtout, elle est superbement servie par sa voix. 


Marie Cheyenne - Pôle Culturel Drusenheim - Photo: Robert Becker


Non seulement elle arrive à chanter en montant très haut dans les octaves, on pense des fois à Barbara, mais elle arrive aussi à faire des vocalises, à susurrer ou à chanter très vite, si vite qu'on n'a plus le temps de comprendre les paroles. Mais rassurez-vous, pour elle, les paroles sont importantes et, sauf pour ce numéro virtuose, elles sont toujours compréhensibles. Oui, les paroles sont importantes, parce que souvent les chansons sont bourrées d'humour, au premier ou au deuxième degré, quelquefois elles sont aussi engagées, mais pas chiantes pour autant, et elle sait même chanter des chansons à double sens, comme celle du tiramusi, (Plaisir coupable) une description suggestive de plaisirs solitaires. Et c'est un challenge réussi de sa part de la chanter juste après une chanson qu'elle a écrite avec une classe de CE1 de l'école Jacques Gachot de Drusenheim avec le formidable engagement de l'enseignante, Géraldine Wackenheim. Elles ont fait fort parce que pendant ces deux mois de travail avec les élèves, Marie Cheyenne a même réussi à en créer deux avec la classe. Deux chansons qu'ils ont donc aussi interprétées sur scène.


Marie Cheyenne - Pôle Culturel Drusenheim - Photo: Robert Becker


Même que les élèves sont revenus la chanson des Cowboys et des Indiens, une chanson pas facile mais qu'il ont chantée sans difficulté (certain(e)s l'ont même chantée intérieurement - ils ne devaient chanter que le refrain. La première chanson qu'ils ont écrite est très touchante, elle parle de leur désir d'avoir un jardin secret, la deuxième est plus rigolote et parle de leurs peurs d'enfant et leur permet de les mettre à distance. Les enfants sont vraiment formidables, et l'on imagine que certains ou certaines se sont trouvé une vocation à les voir sur scène chanter et bouger.

Marie Cheyenne, c'est sûr, elle, a cette vocation chevillée au corps et elle se bat pour la cultiver, se moquant des obstacles, comme lorsqu'elle a sorti son premier disque en pleine pandémie en 2020. Et l'on imagine que le deuxième disque Enfermés dehors sorti il y a un an et qui a donne son titre au spectacle est une sorte de révolte par rapport au confinement, une sorte d'appel à sortir en brisant les barrières que chacun(e)s pourrait trouver sur son chemin.


Marie Cheyenne - Pôle Culturel Drusenheim - Photo: Robert Becker


Pour ce qui est du reste du tour de chant, celui-ci est vraiment très varié en style, puisque cela commence par de la musique dansante qui parle du Bal perdu, et suivent d'autre rythmes de danse, que ce soit la valse ou le tango et une, mélange de swing et de rock-an-roll. Les chansons sont souvent bien rythmées et la mélodie, accrocheuse sert aussi le message, engagé, mais pas triste, quelquefois avec de l'autodérision, comme Une Chanson formidable (agréable, irréprochable, interminable,...) ou cette chanson (Quand on vous aime comme ça) sur le prince charmant et la vie qui va avec, qui raconte sous couvert de conte de fée, une histoire malheureusement beaucoup plus déceptive, si ce n'est franchement tragique. L'histoire est racontée, avec verve, humour pince-sans-rire et entrain. Une chanson tout à fait de circonstance la veille du 8 mars, mais qui est d'actualité tous les jours de l'année. Elle fait aussi un hommage aux Beatles avec Demain où elle prouve qu'elle peut autant chanter en anglais que la nostalgie et la joie. Après avoir fait revenir sur scène les enfants pour C'est quand qu'on mange, elle tente d'embaucher les adultes avec une chanson d'Aristide Bruant Les Canuts, une chanson de combat. Elle est tout autant à l'aise avec sa flûte en interprétant un air de Brassens, un de ses inspirateur, que pour construire des boucles avec percus des doigts, guitare, voix pour mieux impliquer le public et faire les présentations de son équipe grâce à laquelle elle réussit à nous enchanter - et réfléchir - avec son spectacle. 


Marie Cheyenne - Pôle Culturel Drusenheim - Photo: Robert Becker


La soirée s'achève par un bis où, seule avec un tambourin, elle interprète a cappella et avec coeur une très belle et poignante version du Déserteur de Boris Vian pour couronner cette soirée pleine d'émotions de toute sortes.


La Fleur du Dimanche


Pour connaître ses tournées, c'est ici:

https://marie-cheyenne.com/#dates

Un peu partout en France, le 17 mai à Ernoslheim-sur-Bruche et le 25 mai aux Ateliers Ouverts, quelque part dans le Port du Rhin à Strasbourg

P.S. Marie Cheyenne propose aussi des concerts "Bal Perdu", le prochain se passe dans le Nord de l'Alsace à Beinheim le 22 mars puis à Reims le 18 mai dans le cadre du Festival Jazzus

samedi 1 mars 2025

La Forteresse au TNS: Se mettre à l'abri d'un monde de brutes, tout un art

 L'entrée du spectacle du groupe 48 du TNS La forteresse se fait par petits groupes successifs. Et la raison est que dans un premier temps l'on se retrouve dans un espace, un genre de salle d'exposition où l'on trouve, accrochés au mur ce qui pourraient être entre autres des oeuvres d'Art Brut, également des dessins-cheminements semblables aux "lignes d'erre" comme celles tracées par Fernand Deligny, et d'autres objets ou sculptures et également une grande marionnette en carton. 


La Forteresse - TNS - Groupe 48 - Photo: Robert Becker


La Forteresse - TNS - Groupe 48 - Photo: Robert Becker

Dans un coin, une vidéo témoignage de la découverte de ces "trésors" du "patrimoine culturel et artistique des hôpitaux et cliniques psychiatriques françaises". Il y a aussi des casques pour écouter l'histoire de Sylvain. Un plan de cette salle est distribué aux "visiteurs", qui, passant une petite porte vont se transformer en "spectateurs" à qui l'on présente quelques "tableaux" mimés. 


La Forteresse - TNS - Groupe 48 - Photo: Robert Becker

La Forteresse - TNS - Dessin Angèle - Photo: Robert Becker



Et puis un texte est dit dans le noir, parlant d'un souvenir d'enfance, le souvenir d'un manège, délimitant dans la perception deux espaces, cet espace de bonheur, coupé de tout et le monde réel qui ne l'est pas tant que cela. 


La Forteresse - TNS - Elsa Revcolevschi - Photo: Jean-Louis Fernandez

Un peu à l'image ce que nous vivons ou allons vivre ici même comme spectateur: Une histoire qui semble bien réelle, mais dont nous nous doutons de la réalité, de la vérité, mais qui, dans son déroulé va nous confronter à des choses, des évènements, des relations, une organisation qui nous permettront de mieux comprendre et éventuellement approuver et soutenir ce qui se passe sous nos yeux. En l'occurrence une histoire issue d'une écriture collective de la metteuse en scène Elsa Revcolevschi avec les six acteurs qui vont magnifiquement incarner leurs personnages bien sentis. Sa mise en scène, soutenue par la dramaturgie de Vincent Arot et la scénographie de Mathilde Foch nous emmène dans une univers assez étrange et changeant auquel contribuent grandement les éclairages de Clément Balcon.


La Forteresse - TNS - Elsa Revcolevschi - Photo: Jean-Louis Fernandez

Pour commencer, comme une fête, un défilé, un manège de carnaval, ces comédiens déguisées en cheval, cigogne et autres personnages mystérieux dans de très beaux costumes (superbes costumes de Salomé Vandendrieschen) vont faire la parade avant le début des hostilités, en l'occurrence la réunion matinale d'organisation de la vie de ce que l'on devinera être une institution psychiatrique d'accueil un peu à part, laissant la bride au cou des patients et les impliquant totalement dans cette vie et ses activités, que ce soit ménagère (nettoyage, mise en place des repas,...) et d'animation, dont la rédaction d'un journal où chacun peut proposer son papier ou exposer dans une interview ses créations. Cette réunion va nous permettre d'observer ces êtres un peu singulier et essayer de déceler leur "normalité" ou leur "singularité".  


La Forteresse - TNS - Elsa Revcolevschi - Photo: Jean-Louis Fernandez

Petit jeu que l'on va pouvoir poursuivre tout au long de la pièce, découvrant aussi que la frontière est fragile et que certain(e)s cachent des failles ou des pas toujours évidentes. Les  six actrices et acteurs sont tous et toutes impeccables dans leur jeu, bluffant de justesse jusque dans le moindre détail. Il y a là et sans classement aucun, le personnage de Sylvain, que Judy Diallo arrive à faire bouger dans une instabilité sidérante, accompagnant les gestes d'hésitations et de tremblement plus vrais que vrai. Son vocabulaire poétique et surprenant caractérisant aussi cet être qui a son univers propre. 


La Forteresse - TNS - Elsa Revcolevschi - Photo: Jean-Louis Fernandez

Tout comme Thomas Lelo qui joue très bien l'absence fréquente de François, perdu dans ses pensées et des histoires naturelles très documentées, Gwendal Normand qui donne à Mathias une épaisseur indéfinie, laissant sourdre des inquiétudes tout en le montrant très organisé. Un personnage très riche et en quelque sorte un peu pivot dans la pièce. Il y a aussi les femmes, Blanche Plagnol qui joue Angèle qui prend en main son destin et la guitare, compagnonne de galère et chantant sur le radeau, Apolline Taillieu avec ce personnage de Suzie qui se crée sa carapace, ses rites, ses attitudes, campant une rigidité qui se libère quelquefois, frémissante des doigt et de la langue quelquefois et ne lâchant pas son petit sac. 


La Forteresse - TNS - Elsa Revcolevschi - Photo: Jean-Louis Fernandez

Elle nous sert une magnifique scène de repas avec Mathias qui arrive à s'immiscer dans ses protections et nous offre aussi en un très court résumé de son arrivée à la clinique une précipité de la philosophie et des usages de la clinique. Et il y a aussi Maria Sandoval en Freudelina, la reine des cuillères, qui pilote ce navire non sans inquiétudes et qui va, en toute modestie partager le cap de ce navire en perdition et dont l'équipage cherche un nouveau rivage.


La Forteresse - TNS - Elsa Revcolevschi - Photo: Jean-Louis Fernandez

La pièce, toute en humour et en observations judicieuses nous déconstruit d'une certaine manière nos habitudes de lecture de la folie ou de la différence et interroge le partage des responsabilités et l'inclusion réfléchie. Elle montre également la dérive actuelle de la prise en compte de ce travail, en quelque sorte une régression vis-à-vis des démarches antérieures d'ouverture et d'expérimentation, même de la suppression de ces méthodes progressistes de soin et d'intégration de ces personnes à la marge. C'est un témoignage fort de la fin de certaine pratiques et un essai de survivance de leur mémoire.


La Forteresse - TNS - Elsa Revcolevschi - Photo: Jean-Louis Fernandez

Un spectacle à la fois éclairant et vivifiant, salutaire en ces temps quelque peu restrictifs. En tout cas une très belle réussite.


La Fleur du Dimanche      

vendredi 28 février 2025

UMUKO de Dorothée Munyaneza au Maillon, l'esprit danse

 Les pièces de Dorothée Munyaneza sont des voyages, des découvertes. Elle nous avait, avec Mailles, présentée à Pôle Sud en 2021 dans le cadre du Focus Carte Noire du Maillon, présenté les paroles, chants et danses de six femmes d'Afrique et au TNS elle avait fait le portrait poétique de Kae Tempest dans le récit Intemporelles.

Pour Umuko, elle convoque sur scène cinq danseurs dont trois musiciens dans une cérémonie mystérieuse, presque mystique qui nous fait plonger dans une culture, celle de son pays d'origine, culture très vivante incarnée et vécue pendant plus d'une heure par les protagonistes sur scène.


Umoko - Dorothée Munyaneza - Photo: Patrick Berger


Tout commence par une pénombre dans laquelle des percussion à la main sur le bois de l'inanga, cet instrument traditionnel du Rwanda creusé dans un tronc d'arbre sur lequel une seule corde se divise en six émergent de l'obscurité. Les percussions se font plus suivies, plus rythmées et le musicien commence à pincer les cordes puis à en jouer tout en soufflant et chantant. Un deuxième musicien apparait à côté de lui tout au fond de la scène, jouant du kalimba, cet instrument, sorte de piano à doigts, également très répandu en Afrique.


Umoko - Dorothée Munyaneza - Photo: Patrick Berger


Surgit un troisième personnage avec des clochettes accrochées aux mollets et qui va nous faire une série de percussions bien variées, d'abord assis sur une chaise, puis dansant. Nous entrons très doucement dans une ambiance intériorisée, presque méditative, marquée par des pauses, ponctuée de percussions podales. Ces rythmes, presqu'ancestraux, combinés à des chants, de la danse et la musique vont nous mener dans un voyage au long cours dans une culture de l'attention augmentée et de l'intériorité. Au plus près du corps et des sensations,  presque dans un état mental arrangé. Les mouvements dansés, en lien avec le rythme et la musique, avec les gestes des mains enroulés et fascinants, nous englobent dans un univers surprenant et mystérieux, presqu'irréel. 


Umoko - Dorothée Munyaneza - Photo: Patrick Berger

Les danses se font naturelles, dans la dynamique et l'agilité des corps. Les pulsations et les percussions et l'atmosphère tamisée nous projettent sur scène avec les danseurs. Leurs costumes, magnifique créations de Stéphanie Coudert, d'un orange qui brille sous les rayons ciblés des projecteurs combiné quelquefois d'un noir qui en accroit le contraste éclatent et accrochent le regard. Et pour finir, l'ensemble de la troupe, face à nous saute comme pour atteindre le ciel, suspendus dans un dernier noir. Fin d'un voyage hypnotique dans une culture, non pas oubliée mais tout à fait vivante.


La Fleur du Dimanche


 A Strasbourg au Maillon du 26 au 28 février 2025  

A Douai à Tandem Scène nationale le 6 et 7 mars 2025

Lyon à la Maison de la danse le 18 et 19 mars 2025

jeudi 27 février 2025

William Forsythe au Ballet du Rhin: Un souffle vivifiant sur la scène

 Ce n'est pas la première fois que le Ballet de l'Opéra National du Rhin propose une pièce de William Forsythe, j'ai d'ailleurs été surpris de (re)découvrir que déjà la première année du blog de La Fleur du Dimanche (qui vient de fêter ses quatorze ans), je parlais de la présentation de sa pièce Workwithinwork en novembre 2011 ! Et Quintett a été présenté en 2017 lors d'une soirée consacrée aux grands chorégraphes du XXIème siècle par Bruno Bouché qui venait d'arriver à la tête du Ballet. A noter également que dans la distribution, trois des interprètes sont encore présent(e)s huit ans après (Ana Enriquez, Susie Buisson et Marwik Schmitt). De même, Enemy in the Figure s'est aussi retrouvé dans le programme Spectres d'Europe en 2023. Rien  d'étonnant puisque William Forsythe, ce danseur et chorégraphe américain qui s'est d'abord installé à Stuttgart, engagé comme danseur par John Cranko en 1973 dans le Stuttgarter Ballett, sous la direction de Marcia Haydée, puis à Francfort en 1984 où il dirige le Ballet de la ville qui prendra son nom jusqu'à ce qu'il crée sa propre compagnie en 2004. William Forsythe a développé un style très personnel et particulier, dynamitant la danse classique et néoclassique, mêlant le vocabulaire de la danse classique avec un imaginaire et une inventivité très actuelle, croisant les arts et s'ouvrant à d'autres expressions, comme les installations et utilisant avec délice et très tôt les nouvelles technologie et l'interactivité. Ses installations par exemple perturbent la perception de l'espace et avec White Bouncy Castle, le spectateur n'est pas regardeur mais acteur. Pour William Forsythe "Le vocabulaire n'est pas, ne sera jamais vieux. C'est l'écriture qui peut dater. La grande différence entre hier et aujourd'hui réside dans la façon de bouger et de concevoir l'espace où l'on se meut." Et c'est sur cela qu'il travaille: déconstruire le mouvement, le tordre, le retourner et lui donner des contraintes ou des obstacles, faire intervenir des éléments extérieurs, calculer ou non d'autres choses et des interactions, partir sur des pistes, les creuser et voir où elles vont. 

Avec le programme "William Forsythe" de ce soir nous avons de manière intéressante trois directions sur lesquelles il va créer. Et ce qui est intéressant aussi c'est que ces trois chorégraphies sont déjà anciennes, datant d'autour des années 90, dont la plus ancienne, Enemy in the Figure est la plus désarçonnante.


William Forsythe - Quintet - Ballet National de l'Opéra du Rhin - Photo: Agathe Poupeney


Quintett qui débute la soirée, créé en 1993 par le Ballet de Francfort et entré au répertoire du Ballet de l'Opéra National du Rhin en 2017, nous parle de fragilité et d'instabilité.  Suivant la bande son de la pièce minimaliste envoûtante de Gavin Bryars Jesus' Blood Never Failed Me Yet qui émerge doucement du silence avec cette voix qui répète en boucle "Le sang de Jésus ne m’a jamais abandonné, c’est une chose que je sais, tout comme je sais qu’il m’aime.", dans une montée en puissance et l'orchestration qui la magnifie au fur et à mesure, les danseuses et les danseurs, entre animalité et brisure, inlassablement se lèvent, avancent puis reculent, font des gestes amples et s'effondrent. Ils sortent et reviennent, se retrouvent puis se cassent et se séparent, portés par un élan brisé, sautent et retombent dans un cycle qui pourrait ne pas finir, d'ailleurs cela s'achève sans se terminer, même si on en devine l'issue. 


William Forsythe - Quintet - Ballet National de l'Opéra du Rhin - Photo: Agathe Poupeney

Les deux danseuses et les trois danseurs interprètent, incarnent littéralement la musique et le mouvement, adaptés à des corps divers pas forcément dans les canons du "classique" mais l'ensemble est à la fois riche et magnifique.


William Forsythe - Trio - Ballet National de l'Opéra du Rhin - Photo: Agathe Poupeney


Avec Trio, une pièce créée par le Ballet de Francfort en 1996 qui entre au répertoire du Ballet de l'Opéra National du Rhin, nous changeons de style. Cela démarre par une "exposition" du propos, à savoir des mises en valeur de "parcelles" des corps de la danseuse et des deux danseurs (coude, épaule, genoux, flanc, fesse, main,...) dans des poses démonstratives avant de mettre toutes ces parties du corps en mouvement et des les lier par des chorégraphies où à la fois le corps et l'espace du plateau, de manière métonymique se retrouvent exposés et explorés. 


William Forsythe - Trio - Ballet National de l'Opéra du Rhin - Photo: Agathe Poupeney

Cela donne un ballet plaisant et surprenant, coloré et plein d'humour. A l'image aussi de cet Allegro du 15ème Quatuor à corde de Beethoven, qui démarre et s'arrête et reprend sans cesse. Un autre manière de voir le mouvement et le corps, avec des costumes très colorés de Stephen Galloway.


Et donc, Enemy in the Figure, après l'entracte, nous présente la pièce la plus ancienne de ce répertoire. C'est sur une composition électronique du musicien Thom Willems qui a travaillé avec William Forsythe sur plus de 60 ballets depuis qu'il était à Francfort que se déroule un étrange manège. 


William Forsythe - Enemy in the Figure - Ballet National de l'Opéra du Rhin - Photo: Agathe Poupeney

La musique en tensions, battements, nappes sonores, transformations, fait exister un espace habité mais aussi caché, traversé par onze danseurs dans tous les sens, devant ou derrière un panneau en bois faisant un paravent comme une grande vague verticale en travers du plateau. La vie est même dans les ondulations d'une drisse (on ne dit pas corde sur un plateau) dont les ondes traversent de temps en temps l'arrière de la scène ou le côté gauche, ou encore un très grand projecteur sur roulettes qui, déplacé par l'un ou l'autre danseur fait varier l'éclairage et l'espace de la scène, coupant ou révélant des parties du décor et des énergies qui s'y révèlent.


William Forsythe - Enemy in the Figure - Ballet National de l'Opéra du Rhin - Photo: Agathe Poupeney

Parce que de l'énergie, il y en a dans tous les coins, des danseurs et des danseuses n'arrêtent pas d'entrer et sortir de scène, de se trouver devant ou derrière ce mur ondulant, d'apparaître en courant, sautant, tournant et dansant seul, à deux ou plus dans une énergie débordante, avec des costumes originaux, dont des maillots blancs et des jupettes à volant noirs à pompons ou même tout un costume du même acabit. On a l'impression qu'ils se trouvent et se perdent dans des mondes parallèles, toujours en fractures et en torsions. Une expérience étrange, une performance pour la troupe du Ballet de l'Opéra National du Rhin dont ils se sortent haut la main, et le pied !


La Fleur du Dimanche


 William Forsythe


A Strasbourg - Opéra du Rhin - du 27 février au 2 mars 2025

A Mulhouse - La Filature -  le 14 et 16 mars 2025

Quintett
Pièce pour 5 danseurs
Reprise. Créée en 1993 par le Ballet de Francfort. Entrée au répertoire du Ballet de l’OnR en 2017.
Chorégraphie
William Forsythe
En collaboration avec
Dana Caspersen, Stephen Galloway, Jacopo Godani, Thomas McManus, Jones San Martin
Musique
Gavin Bryars
Costumes
Stephen Galloway
Décors et lumières
William Forsythe

Trio
Pièce pour 3 danseurs
Entrée au répertoire. Créée en 1996 par le Ballet de Francfort.
Chorégraphie et scénographie
William Forsythe
Musique
Ludwig van Beethoven
Lumières
Tanja Rühl
Costumes
Stephen Galloway

Enemy in the Figure
Pièce pour 11 danseurs
Reprise. Créée en 1989 par le Ballet de Francfort. Entrée au répertoire du Ballet de l’OnR en 2023.
Chorégraphie, scénographie, lumières et costumes
William Forsythe
Musique
Thom Willems




mercredi 26 février 2025

Alexandre Kantorow avec l'OPS: l'âme de la musique au bout des doigts

 Alexandre Kantorow est une musicien prodige, et célèbre, un musicien des sommets. Après avoir joué pour l'ouverture des Jeux Olympiques 2024 Jeux d'eau de Ravel sous la pluie, il "monte" à Verbier pour jouer dans ce célébrissime festival des cimes. Non seulement pianiste concertiste précoce - il a donné ses premiers concerts à 16 ans - il a aussi été le seul Français a remporter le Concours Tchaïkovski (à 22 ans) à Moscou en 2019. C'est dire que ce concert de l'OPS est attendu et que les deux soirées sont demandées (il était déjà venu en 2022 pour jouer Saint-Saëns et en 2023 pour Tchaïkovski).  


OPS - Alexandre Kantorow - Aziz Shokhakhimov - Photo Teona Goreci


Le programme, conçu par Aziz Shokakimov et qu'il dirige ce soir, prouve sa volonté d'ouverture et c'est avec une pièce très contemporaine de Nina Senk, Shadows of Stillness crée en 2021 et dont l'orchestre avait déjà joué des extraits dans le programme pour jeune public "Silences" en 2021. L'OPS avait aussi créé la pièce Eléments, pour grand orchestre en 2023 de la jeune compositrice slovène. Le public ne s'attendait peut-être pas à une entrée en matière autant en douceur, avec un délicat son de cor comme un murmure et une suite très délicate et en retenue, variations de vents discrets qui se répondent, surgissent et repartent. Les masses sonores quelquefois en dissonance émergent et meurent comme des fils qui se tressent et se nouent, laissant une grande place à la sérénité et au calme. La musique très intériorisée crée une tension et demande une grande concentration. La pièce est courte, dans les cinq minutes, et s'achève dans la même délicatesse avec laquelle elle a commencé, portée par les vents légèrement soutenus par les cordes.


Alexandre Kantorov - Photo: Sasha Gusov


Le programme continue avec le Concerto pour Piano et Orchestre N° 4 en sol majeur opus 58 de Ludwig van Beethoven et c'est les doigts agiles d'Alexandre Kantorow qui de son toucher enchanteur lance au piano et avec douceur, la mélodie de l'Allegro non troppo, reprise par l'orchestre avec joie et énergie. Puis, dans une partie plus allègre et lyrique qui fait revenir le piano et introduit une dialogue complice. Kantorow aligne ave délice des gammes montantes et descendantes dans une liaison incroyablement liées en glissades folles. Les passages sont charmeurs après une dernière phrase très inspirée au piano l'orchestre clôt le mouvement et le public, conquis ne peut qu'applaudir pour saluer la performance. Pour le deuxième mouvement, l'Andante con moto, l'orchestre impose une tension grave que la piano reprend, s'ensuit un dialogue entre l'orchestre, surtout les cordes majestueuses et le piano qui calme le jeu et ce sont de magnifiques alternances entre le piano qui prend sa liberté, et quelquefois se permet des pauses, pour mettre en lumière les accords, et les mélodies qui surgissent ainsi en pleine conscience, magnifiques. L'équilibre entre le pianiste que l'on sent très libre dans son élan et le chef Aziz Shokakimov qui mène avec précision les musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg au meilleur de sa forme se fait en toute complicité. 


OPS - Alexandre Kantorow - Aziz Shokhakhimov - Photo Teona Goreci


Après un dernier souffle qui s'éteint, s'enchaîne sans pause le Rondo vivace nerveux et virevoltant, plein d'énergie ou le dialogue entre piano et orchestre se fait plus serré, plus nerveux. Le jeu se fait plus rapide, une vraie course se met en place et l'atmosphère se fait plus altière, avec des ruptures et des syncopes, jusqu'à l'accord final. 


OPS - Alexandre Kantorow - Photo Teona Goreci


Le public jubile et bisse deux fois le jeune prodige qui joue d'abord une transcription pour piano d'une pièce de Richard Wagner puis une pièce une peu plus romantique, comme une rêverie. Et l'on s'étonne de la grande décontraction de ses longs bras quand il salue le public.


OPS - Aziz Shokhakimov 


Après l'entracte, place à la Symphonie N°4 en mi mineur op.98 de Johannes Brahms, cette dernière symphonie du maître, son chef-d'oeuvre en quelque sorte, va chercher du côté de Beethoven pour la forme et de Bach pour le dernier mouvement avec la repris d'un thème repris à de très nombreuses reprises. Elle démarre doucement en Allegro non troppo en une mélodie chantante que viennent bousculer vivement les vents. Dans le deuxième mouvement, Andante moderato, ce sont alternativement les cors, qui démarrent, puis les bassons et hautbois puis les flûtes qui nous emmènent dans la mélodie. Puis ce sont les cordes qui nous apaisent et qui teintent de nostalgie la narration. L'Allegro giocoso éclate en sonneries de corps et coups de timbales - et frappe du triangle, alternant ces mouvements puissants et des passages beaucoup plus doux, contrastant entre force et légèreté. Et terminant avec entrain et puissance.  Tout cela finit donc avec ce mouvement puissant et chantant de l'Allegro energico e passionato avec ce thème énoncé et repris en variations à de multiples reprises, alternant les ambiances et avec ce solo de flûte qui lui-même joue ces variations et effectivement pour finir, ces reprises avec les cymbales qui ponctuent la fin du mouvement et pour finir, cette coda finale  pathétique.

OPS - Aziz Shokhakimov - Alexandre Kantorow - Photo: Robert Becker 


Une magnifique soirée offerte par un chef et un orchestre au sommet, sans oublier la guest star du moment, Alexandre Kantorow.


La Fleur du Dimanche. 

mardi 25 février 2025

And Here I Am au TNS: se battre avec art

 L'on pourrait dire que And Here I Am s'inscrit dans la lignée des pièces "témoignage" programmées ces derniers temps au TNS (voir Cécile, Eric Feldman avec "On ne jouait pas à la pétanque", Laurène Marx et même Hatice Özer). D'une certaine manière oui, puisque ces différentes pièces racontent la vie de leur protagoniste plus ou moins mise en scène par un regard extérieur. Cependant avec cette pièce, le propos est plus politique, comme témoignage d'un combat qui fait d'un parcours individuel une revendication métaphoriquement étendue à une population en lutte et le dispositif même joue plus avec les artifices du théâtre.

 

And here I am - Ahmed Tobasi - (c) Freedom Theatre


Le texte, l'histoire de la vie d'Ahmed Tobasi qui va nous être présenté en une heure et quart a été écrit par l'irakien Hassan Abdulrazzak, auteur entre autre de Bagdad Weddind, et qui se base bien sûr sur la vie d'Ahmed Tobasi. Mais le récit met en scène le personnage dans de multiples situations où il est totalement impliqué et où, en plus il interagit avec des interlocuteurs dont il endosse également les rôles.

 D'ailleurs, Ahmed Tobasi excelle dans ce jeu et dès le début, il transforme le plateau de théâtre qui pourrait sembler sans décor en un magnifique terrain de jeu, sautant à gauche et à droite, s'accaparant des objets qui semblaient trainer pour les intégrer dans son épopée: là des sacs poubelle, ici des bidons qui deviennent siège ou support d'une poutre d'équilibriste ou encore instrument de musique, ou encore un énorme tapis rouge qui prend toute la scène. 


And here I am - Ahmed Tobasi - Photo: Jeff Pachoud


Ou encore des chemises ou des coiffes qui apparaissent soudain et le transforment selon les périodes et les rôles qu'il nous rejoue avec une célérité et une agilité incroyable. Les accessoires sont là au bon moment, ils disparaissent sans crier gare et le plateau se transforme sans cesse pour que nous puissions suivre les épisodes successifs qu'il nous raconte. Il débute par sa rencontre avec Juliano Mer-Khamis, citoyen israélien militant pour les droits des Palestiniens, et créateur du Freedom Theatre. Il continue dans un flash-back à son enfance dans les années 90, et sa vie à Jenine, un camp palestinien et les déboires avec l'occupation israélienne, la démolition de sa maison et la vie avec les résistants dont il a fait partie (racontée quelquefois avec une distance humoristique). Des épisodes de son amour d'enfance qui a rythmé et qui continue de rythmer sa vie saupoudrent le fil dans un contrepoint lumineux face aux amitiés qui, elles, sont beaucoup plus sombres et tragiques et qui lui feront côtoyer la mort - et dont les photos vont tapisser le mur du fond.


And here I am - Ahmed Tobasi - (c) Freedom Theatre


 Il va également goûter si l'on ose dire de la prison entre ses 17 et ses 21 ans, expérience qui n'est pas bégnine et l'a amené dans une profonde dépression jusqu'à la rencontre salvatrice du théâtre. Théâtre qui va à la fois lui montrer la voie de sa vie, justifier et armer son combat et le libérer de sa condition de réfugié ayant fait de la prison en lui permettant de passer les frontières, de découvrir sa destinée, de lui donner un métier et de prendre le relais, et le flambeau de celui qui lui avait indiqué le chemin, Juliano Mer-Khamis, lorsque ce dernier est assassiné au pays alors qu'Ahmed Tobasi lui est installé en Norvège où il avait fait sa formation théâtrale et obtenu un passeport norvégien. 


And here I am - Ahmed Tobasi - (c) Jft Festival


Et ainsi il continue de porter son combat avec cette arme-là, le théâtre: "La seule chose qui fait que je suis encore vivant, c’est le théâtre. Alors je m’en sers pour offrir un autre destin aux Palestiniens." Et ce théâtre ne tue pas, mais rend attentif à ces destins et ces vies que l'on imagine difficilement. Mais grâce à ce texte, à la mise en scène de Zoe Lafferty et au magnifique jeu et gestes au millimètre d'Ahmed Tobasi (et à la chorégraphie de Larne Malaolu) ce qui ne pourrait être que complaintes et lamentations devient une épopée vivante, engageante et convaincante, une arme qui fait mouche tout en nous surprenant par sa sagesse et sa modération. Mais peut-être est-ce cela la seule issue possible.  


La Fleur du Dimanche


And Here I Am


A Strasbourg au TNS du 25 février au 7 mars 2025

[Texte] 
Hassan Abdulrazzak
[Inspiré de la vie et avec] 
Ahmed Tobasi
[Traduction en arabe] 
Eyas Younis 
[Traduction en français] 
Juman Al-Yasiri 
[Mise en scène] 
Zoe Lafferty
[Scénographie et costumes] Sarah Beaton [Son] Max Pappenheim [Lumière] Jess Bernberg, Andy Purve [Chorégraphie] Lanre Malaolu [Régie] Robyn Cross [Coach vocal] Amiee Leonard [Technicien Moody Kablawi[Production] Oliver King for Developing Artists 
Production déléguée Sens Interdits with Artists On The Frontline 
Avec le soutien de Qattan Foundation, AFAC, ONDA – Office National de Diffusion Artistique

lundi 24 février 2025

La Chasse des Anges au TNS: Le pouvoir de représentation avec ou sans légende

 Pendant une semaine, les élèves du groupe 48 du TNS qui sortent de l'école nous présentent deux spectacles différents, La Forteresse et La Chasse aux Anges, et ces  spectacles sont gratuits, sur inscription.

Et il reste des places, alors n'hésitez pas, allez au théâtre. Cela se passe à l'Espace Klaus Michael Grüber, dans la grande salle, après une déambulation pour le premier et au Studio Jean-Pierre Vincent pour le second.


La Chasse des Anges - Sarah Cohen - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


La chasse des anges, le spectacle de Sarah Cohen qu'elle a conçu avec des écrits de Susan Sontag, Robert Capa, Hervé Guibert, Julie Héraclès et basé sur des entretiens avec Henri Cartier-Bresson, Inge Morath et George Rodger interroge la photo, son statut et notre rapport à elle. Le titre s'inspire d'une phrase de Chris Marker, cinéaste et photographe pour qui "La photo, c'est la chasse, c'est l'instinct de chasse sans l'envie de tuer. C'est la chasse des anges... On traque, on vise, on tire, et clac ! Au lieu d'un mort, on fait un éternel." Mais ce n'est pas aussi simple que cela, et on le verra bien dans cette pièce où, suivant une réflexion sur cette image qui, comme le dit Barthes "Ce que la photo reproduit à l’infini n’a lieu qu’une fois." est quand même quelque chose de mystérieux et dont on va essayer de faire le tour, laissant la parole à celles et ceux qui la font, et aussi qui réfléchissent à sa fabrication, son sens, ses implications. On va tourner autour, fréquenter celles et ceux qui vivent de - et pour - cela, apprendre sur leurs vies et leurs manies et vices, essayer de comprendre comment ils et elles travaillent et comment ils pensent ce travail et cet "objet", pas forcément artistique comme le dit Henri Cartier-Bresson: "Je pense que les photographies sont faites pour être prises et reproduites pour les masses, pas pour les collectionneurs. Cette possibilité de reproduction fait partie de la force comme de la valeur de la science de la photographie."


La Chasse des Anges - Sarah Cohen - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


On y suit des réflexions sur le rapport de la photographie à la mort (pas forcément dans la veine de Chris Marker), du statut de la photo, qui se suffit à elle-même ou qui nécessite une "légende"  - comme la légende de cette lettre à Roland Barthes, annonciatrice de la mort de sa mère (?), moment suspendu dans le spectacle. A propos de légende aussi, voir comment Inge Morath a été embauchée par Robert Capa pour faire les légendes des photos de l'agence Magnum avant de gagner son statut de photographe.


La Chasse des Anges - Sarah Cohen - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Dans une mise en scène fluide et variée (Sarah Cohen assistée à la dramaturgie par Luison Ryser et une scénographie de Nina Bonin), nous passons d'un studio radio, où Susan Sontag (très empathique et convaincante Miléna Arvois) nous fait un intéressant parallèle entre le cancer du sein et la photographie (via le choc de la première fois),  au bureau de l'agence Magnum avec l'annonce de la mort de Robert Capa. Cette agence créée sous forme de coopérative par Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger, William Vandivert et David Seymour, nous allons fréquenter les bureaux et les membres à travers différents épisodes et découvrir des réalités ou des légendes de ces photographes. Par exemple le débarquement et la libération de Paris ou la (fausse) fin de la guerre de 1945, ou le célèbre (et controversé) cliché du "républicain espagnol" de Robert Capa. Nous découvrirons aussi son train de vie et sa vie de joueur. 


La Chasse des Anges - Sarah Cohen - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Nous apprendrons à connaître David Seymour dit Chim, plutôt taiseux, incarné par Bilal Slimani, la tout aussi discrète mais présente Inge Morath (Aurélie Debure). Un passage assez fantasmatique avec Ambre Shimizu derrière un écran et l'épisode de pluie qui se passe également à l'arrière scène sont des séquences qui prouvent l'inventivité scénographique. Les deux personnages de George Rodger (Ömer Alparslan et Henri Cartier-Bresson (Steve Mégé) étant les personnages les plus prolixes et les deux comédiens s'en sortent très bien, de même que Nemo Schiffman qui incarne avec brio Robert Capa.


La Chasse des Anges - Sarah Cohen - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Dans cette pièce qui tente de ne pas forcément montrer ce dont on parle et qui convoque d'une certaine manière des fantômes, à la fois ces photographes, mais aussi ceux qui ont été photographiés, nous voyageons dans un entre-deux dans limbes et alors que, comme le dit encore Roland Barthes, avec la "photographie le pouvoir d’authentification prime le pouvoir de représentation", ici, la représentation qui se joue de l'authentique nous emmène dans une histoire qui construit sa propre légende et qui devient récit de ceux qui ont disparu. Mais qui, pour un moment se sont retrouvés devant nous, comme des fantômes.


La Fleur du Dimanche 


La chasse des anges


au TNS à Strasbourg, du 24 février au 1er mars 2025


[Texte] Librement adapté des écrits de Susan Sontag, Robert Capa, Hervé Guibert, Julie Héraclès et des entretiens d'Henri Cartier-Bresson et George Rodger
[Mise en scène] Sarah Cohen
[Dramaturgie et collaboration artistique] Louison Ryser
[Scénographie] Nina Bonnin
[Costumes] Noa Gimenez
[Lumière] Marie-Lou Poulain
[Son] Macha Menu
[Régie générale, plateau et vidéo] Corentin Nagler
Avec 
Miléna Arvois - Susan Sontag
Aurélie Debuire - Inge Morath
Ömer Alparslan Koçak - George Rodger 
Steve Mégé - Henri Cartier-Bresson 
Nemo Schiffman - Robert Capa 
Ambre Shimizu - Eve Arnold et Une femme 
Bilal Slimani – David Seymour, dit «  Chim  » et Ernest Hemingway
Costumes et décors réalisés dans les ateliers du TnS.
Sarah Cohen et l'équipe tiennent à remercier Clarisse Bourgeois et l'Agence Magnum pour leur confiance, et Clara Bouveresse.