vendredi 30 juin 2023

Au Festival Montpellier Danse: Kader Attou reprend Symfonia Piesni Zalosnych - une oeuvre pathétique sur la douleur d'une mère

 Pour Kader Attou, la Symfonia Piesni Zalosnych est une histoire d'amour en quelque sorte, un choc émotionnel qu'il a ressenti quand il l'a découverte en 1993 et on le comprend. Cette symphonie du chant des douleurs, hommage à la mère, à la femme qui perd son fils à la guerre est une oeuvre puissante et émouvante. Une oeuvre hautement humaniste, un combat de la lumière contre l'ombre. C'est ce combat contre le mal  que Kader Attou monte en 2010, il y a treize ans avec toute son énergie de danseur et de chorégraphe hip-hop. Aujourd'hui, il se confronte à nouveau à cette pièce, à ce qu'elle lui dit et qui est toujours, et peut-être plus encore d'actualité et nécessaire. Et c'est ce que le chorégraphe met en lumière en la remontant avec sa Compagnie Accrorap


Symfonia Piesni Zalosnych - Kader Attou - Photo: Damien Bourletsis


Elle trouve une force et une puissance dans cette énergie, d'abord contenue, qui émerge, monte et s'accumule, tout comme la musique de Gorecki qui, lentement monte en puissance avant de laisser surgir ce chant de douleur magnifique, cette voix sublime qui surgit après l'intervention du piano. Cette complainte qui s'inspire d'une lamentation des Chants de Lysagora du monastère de la Sainte Croix, du 15ème siècle nous bouleverse encore aujourd'hui au plus profond de nous-mêmes. Sur scène, les danseurs, habillés sobrement en des teintes discrètes, presque sombres (les costumes de Nadia Genez) chemisettes et pantalons pour les hommes, robes légères pour les femmes, s'élancent et tournoient en nuées en accumulation dans la discrète montée en lumière de Françoise Michel. La danse est énergique, la dizaine de danseurs occupent le plateau dans des mouvements d'ensembles énergiques, alternant avec des duos soutenus par le groupe. Quatre danseurs qui ont créé le spectacle il y a treize ans sont encore de la partie, dont la danseuse kathak  Vaishali Trivedi qui incarne le rôle de la mère. 


Symfonia Piesni Zalosnych - Kader Attou - Photo: Damien Bourletsis


La chorégraphie amène une belle énergie, entre des citations plus classiques ou une gestuelle hip-hop pas trop marquée et sur le deuxième mouvement nous avons une belle alternance entre l'individu et la foule et toujours de beaux mouvements d'ensemble ainsi qu'une autre prière, d'une fille à sa mère.


Symfonia Piesni Zalosnych - Kader Attou - Photo: Jean-Charles Couty


Le troisième mouvement, qui voit arriver une touche de rouge - les revers de grandes capes - qui rappelle à la fois le sang et la révolte, sera le combat définitif de  la lumière contre l'obscurité et la mort. Toujours avec cette alternance entre des envolées bourrées d'énergie - avec capes - et de beaux dialogues de couples. Et la lumière peu à peu prend le dessus dans un apaisement final.


La Fleur du Dimanche 


A Montpellier dans le cadre du Festival Montpellier Danse: du 28 au 30 juin 2023

A Aix-en-Provence dans le cadre de Un Air de Danse: le 27 juillet 2023

Au Festival Montpellier Danse: Anne Martin - Umwandlung - La danse comme paysage intérieur

 Au début de la pièce Umwandlug - Dialogue avec l'Absent, Anne Martin déploie lentement sur scène, en bordure vers le public, un paysage imaginaire et presqu'abstrait dessiné par Gilles Nicolas. S'y déploient des montagnes, des forêts, des arbres qui prennent toute la largeur de la scène du Studio Bagouet. 


Umwandlung - Anne Martin - Photo: JeremyTran


Tandis qu'un paysage similaire s'illumine dans toute sa hauteur sur le fond de scène, paysage qui va, lui, défiler lentement, très lentement, de droite à gauche, des croassements de grenouilles et autres bruits étranges nous emmènent dans un univers nocturne et étrange. La danseuse, en longue robe arrive en portant un seau (avec dedans l'eau de l'étang - l'étant ?) et le pose décentré à droite sur la scène. Elle entame des mouvements hésitants, en avant et en arrière puis de lents gestes tournoyants, comme des prières, en pointant un bras en l'air. Une ambiance s'installe, dans une pénombre et la lenteur des gestes, très intériorisés, rappelant la gestuelle de Pina Bausch, avec laquelle Anne Martin a beaucoup dansé - elle a même repris un de ses rôles dans Café Muller. 


Umwandlung - Anne Martin - Photo: JeremyTran


Nous vivons comme dans un songe, une nuit née bulleuse qui se transforme, avec la bande son en bruits sous-marins puis en grondements, clapotis, et grincements, tandis que la danseuse se frotte le corps, les bras, les mains, semble vérifier la matérialité de son être, sa tête, ses cheveux, ses jambes et même la toile sur laquelle défile imperceptiblement ce paysage qui quelquefois fait penser à un frottage de Max Ernst. Elle réitère plusieurs fois ces séquences d'hommage (à elle, à  l'autre, à dieu ?) dansées avec grâce et émotion. Puis au passage des cloches qui sonnent douze coups, le propos change. Tandis que des chants religieux s'élèvent, le contenu du seau est versé à terre et Anne Martin entame en une série de cercles une danse hantée et violente qui pourrait faire penser par moments à Mary Wigman et sa Danse de la Sorcière, avec ses gestes brusques de bras jetés en avant et sur le côté. L'énergie monte pendant que des éclats de pétards se font de plus en plus forts dans une apogée de bruit de feu d'artifice et que la violence, contenue, est visible dans la puissance des gestes et la force des poings fermés. Des forces semblent sourdre du fond de ce corps qui a emmagasiné une multitude d'expériences qui débordent. 


La Fleur du Dimanche


Au Festival Montpellier Danse les 29 et 3 juin 2023

A Neuchâtel (CH) au Festival Intergénération ADN, le 30 novembre 2023

A Châlon-sur-Saône au Conservatoire Régional le 11 avril 2024

mardi 27 juin 2023

Spectres d'Europe par le Ballet de l'ONR: la traversée des sentiments... et ça continue...

 Bruno Bouché, directeur artistique du Ballet de l'Orchestre National du Rhin nous propose depuis 2018 avec Spectres d'Europe sa thématique qui interroge la danse en France, en Europe et dans le monde, autant en terme de création que de répertoire et d'inscription dans l'histoire du XXIème siècle. Et cela confronté à la réalité de la représentation et de l'interprétation, c'est-à-dire avec les danseuses et les danseurs de ce Ballet de l'Opéra National du Rhin, mais également toute l'équipe qui compose cette entité, dont, en particulier, la maîtresse de ballet Claude Agrafeil et le maître de ballet Adrien Boissonnet. Ces deux "passeurs" ont permis la reconstitution des trois pièces au programme en étroite relation avec les archives (les pièces sont maintenant au répertoire du Ballet) et les chorégraphes qui ont créé ces pièces. Il faut noter que la question du "répertoire" est un sujet qui devient aussi d'actualité, autant pour des questions de "mémoire" et de conservation, de diffusion, que des questions budgétaires (coût de la création et de la diffusion de nouveaux spectacles). Il faut noter que le travail de Bruno Bouché et son équipe est bien reconnu par son public en région mais aussi en tournée et que le Ballet vient d'être honoré par le Syndicat professionnel de la critique théâtre, musique et danse en remettant au CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin le Prix de la meilleure compagnie pour 2023. Et ce prix, amplement mérité est un soutien à tout ce travail engagé.

L'occasion de s'en convaincre est encore donnée jusqu'au 30 juin avec ce programme Spectres d'Europe qui met à l'affiche des grands noms de la danse contemporaine, de Lucinda Childs à William Forsythe en passant par David Dawson dans une soirée qui, bien que faisant le grand écart est d'une très belle qualité.

Songs for Before

La soirée commence avec la pièce de Lucinda Childs Songs for Before où sur scène, trois écrans constitués de longue bandes de miroirs espacés de la même largeur que les bandes, et décalés sur trois niveaux de la profondeur de la scène, se déplacent lentement pour se décaler à droite ou à gauche ou se positionner pour remplir la largeur de la scène. Des coulisses surgissent les danseuses et les danseurs, traversant la scène de gauche à droite ou de droite à gauche, d'un même rythme, syncopé, avec des pas quelquefois plongeants. Un texte en anglais, difficilement compréhensible est dit par Robert Wyatt. Ce sont des extraits d'Haruki Murakami choisis par Lucinda Childs. Je vous en propose un extrait (traduit) pour marquer l'ambiance:

"Je me dis que peut-être, quelque part, dans un lieu lointain, tout est déjà perdu d'avance depuis longtemps. Ou du moins que toutes les choses de nos vies possèdent un lieu de silence où elles se perdent, superposées les unes aux autres jusqu'à former une seule masse. En vivant, nous ne faisons rien de plus que les découvrir, les attirant à nous une à une comme on déroule un fil. Je ferme les yeux, essaie de me souvenir d'au moins une de ces belles formes, tentant de la retenir entre mes mains. Même si je sais son existence éphémère."


Songs from Before - Lucinda Child - Photo: Agathe Poupeney


La musique de Hans Richter, douce et mélancolique, presque répétitive, jouée par les cordes, s'élève et nous immerge dans une ambiance contemplative où quelquefois, les danseurs, rompant dans leurs traversées, nous gratifient de quelques duos tournoyants avant de reprendre la longue marche. Les costumes, des hauts blanc et des jupes noires pour les danseuses, des pantalons noirs flottants pour les danseurs, nous font baigner dans une ambiance étrange où la seule couleur chaude sera le jaune des éclairages soulignant de temps en temps les corps marchants et dansants. Ce long défilé, marqué par des variations dans la musique qui pourtant garde son atmosphère postromantique avec cordes et quelquefois quelques passages au piano, est millimétrée, comme on le connait bien de cette chorégraphe minimaliste. Elle n'en transmet pas moins de sentiments et d'émotions et la gestuelle, les mouvements de bras jetés en l'air ou les jambes pointées en haut, sont impeccables. Les duos se multiplient en variations magnifiques de simplicité. Le dispositif scénique de Bruno de Lavenère, par les réflexions dans les miroirs et les trouées multiplie les corps devant et derrière et nous peuple la scène de fantômes multiples et mouvants. Le dispositif nous plonge dans un cocktail hypnotique où les corps se superposent avant de retrouver une simplicité d'image que l'on croirait sortir d'un tableau de Magritte avec une répétitions de silhouettes sur différents plans. Au moment où l'on se dit que les mouvements ne semblent jamais vouloir s'arrêter, brusquement tout ce beau monde se fige et se retrouve immobile et, après une pause, une respiration salutaire,  tout se remet en marche lentement pour, peu à peu, disparaître dans les coulisses tandis que la musique elle aussi s'éloigne.


On the Nature of Daylight -David Dawson - Photo: Agathe Poupeney


Nous assistons ensuite à un précipité*, suivi de la très courte (7 minutes) pièce de David Dawson On the Nature of Daylight. Sur une musique de Max Richter (encore), encore plus romantique, nous assistons à un pas de deux entre Di He, qui porte une très courte robe volante et Ruben Julliard pour une danse de séduction renversante (elle a souvent les pieds en l'air). La pièce est néoclassique à souhait et les danseurs sont magnifiques, le public apprécie. La pièce montre tout le cycle de l'amour, de la rencontre à la passion et la séparation, racontée dans ce temps restreint, et cela ne s'arrête pas, la vie continue, tout comme le soleil qui se lève chaque jour.


Enemy in the Figure - Wiliam Forsythe - Photo: Agathe Poupeney


Enemy in the Figure

Avec la pièce de William Forsythe Enemy in the Figure qui clôt la soirée après l'entracte, nous assistons à un changement radical de style et de musique. Thom Willems et ses montages de bruitages et de percussions et battements, qui créent un univers sonore étrange tout à fait adapté à l'univers visuel et chorégraphique du maître du Ballet de Francfort où avait été créé la pièce en 1989. L'espace, avec un éclairage mouvant - une énorme projecteur, de temps en temps déplacé et orienté par un danseur - se transforme au gré de la lumière pour révéler des univers variés. Cela débute par un "coin" salle de sport où deux danseuses l'une en justaucorps blanc, l'autre en noir jouent à des manipulations et étirements conjoints de leurs corps très acrobatiques. Il est vrai que la gestuelle du chorégraphe joue beaucoup sur les limites et les risque des mouvements corporels et cette pièce, tout au long cultive cette habileté - que les danseuses et danseurs du Ballet de l'Opéra National du Rhin assument avec aisance. Les corps sont tout en tension distorsion et virevoltent dans l'espace s'ils ne se cognent pas ou essaient de traverser les murs et les obstacles, dont un très beau et très grand paravent, énorme vague ondulante en bois qui permet aux danseuses et aux danseurs en disparaissant derrière de se changer et de réapparaitre dans d'originaux accoutrements (dont des genre d'hommes sauvages du meilleur effet). Les costumes, tout comme la lumière et le décors sont également une création du chorégraphe. Le rythme ne faibli pas et les tableaux changeants se succèdent à un rythme effréné dans un montage cut tout comme la musique. Au moment où tout semble se calmer et que l'on se dit  que cela va s'arrêter, la musique doucement baisse, s'éloigne et se radoucit, on imagine, une pause, un arrêt, mais non, cela ne s'arrête pas, cela continue de plus belle et l'on imagine que cela continue même le rideau baissé.


La Fleur du Dimanche


* Précipité (selon le site de l'Opéra National de Lorraine:

Lorsque les scènes changent durant le spectacle, entre les actes, le rideau tombe et les musiciens arrêtent de jouer. Derrière le rideau les machinistes, accessoiristes et habilleuses s'activent ! Dans la salle, les spectateurs ne peuvent néanmoins pas sortir car ces pauses ne durent que quelques minutes, à la différence d’un entracte.

dimanche 18 juin 2023

Molière 401 : De Scapin au Jardin (des potes) au Misanthrope à la Cour (faire la): le plein d'énergie à la (vallée de la) Faveur

 Il est des parenthèses, à la fois nature et aussi culture, qui sont de délicieux pèlerinages. Le rendez-vous estival dans la Vallée de la Faveur - Guensthal - pour la présentation d'été - en plein air (de préférence, si le temps le permet - et il le permet) nous offre cette année* la surprise d'une découverte - ou redécouverte - de Molière. Un Molière loin des manuels scolaires, où l'énergie jaillit à chaque instant et où, "en même temps", nous observons la nature humaine et ses entortillements qui nous font rire et pleurer, et nous nous interrogeons sur comment nous sommes capable de nous (mal) comporter avec autrui. 


Molière 401 - Les Impromptus - Sophie Thomann - Guensthal - Photo: lfdd

Molière 401 - Les Impromptus - Sophie Thomann - Guensthal - Photo: lfdd


Cela commence comme une leçon détournée, avec Sophie Thomann en officiante, de l'apprentissage d'une tirade par le public ravi de se prêter au jeu, joyeux, de pouvoir la chanter et gai de la danser, pour se rendre compte en définitive que deux strophes, c'est dur à apprendre. Et la danse - tango et java - est menée par Yann Siptrott à la guitare et Charles Leckler à l'accordéon. Alors, "comment font-ils les comédiens pour apprendre une pièce entière - et même deux?"


Molière 401 - Scapin - Geoffrey Goudeau - Patrice Verdeil - Photo: lfdd


Parce que cette année il y a deux pièces au programme - et même beaucoup plus avec le florilège des "impromptus" qui fait office d'accueil des spectateurs dans le beau domaine forestier des Siptrott au frais au fin fond des  Vosges du Nord et de ponctuation lors de la pause (restaurante, avec la soupe "Molière" du voisin Anthon), et nous offre un florilège de situations qu'affectionne Molière, à savoir la relation entre les femmes et les hommes, sujet toujours d'actualité.


Molière 401 - Scapin - Patrice Verdeil - Magalie Ehlinger - Geoffrey Goudeau - Yann Siptrott - Photo: lfdd

Molière 401 - Scapin - Patrice Verdeil - Magalie Ehlinger - Geoffrey Goudeau - Yann Siptrott - Photo: lfdd


C'est un orchestre faussement napolitain avec une "cheffe" d'orchestre (Isabelle Ruiz), un accordéon (toujours Leckler), des percussions et des bruitages (inventifs) qui nous accueille côté jardin (potager) pour une scène à l'italienne - avec plateau (dangereusement incliné) pour une des plus radicale et référencée pièce de  Molière - Les Fourberies de Scapin Cette pièce ultra-connue - une des dernières de l'auteur - retourne à l'origine du comique, de la "Commedia dell'Arte" (qui ne se souvient de "la scène du sac"?). Mais elle est également très virtuose et bourrée de rebondissements. La mise en scène de Serge Lipszyc est inventive et les lectures sont multiples. A la fois très comiques - même au deuxième et au troisième degré avec une lecture  "structuraliste" (les mots sont reliés à des concepts et des sons - par exemple le "port" de Naples grogne, le "pis" meugle  le "pis encore" penche, et ainsi de suite) dans un très heureuse série de comique de répétition. 


Molière 401 - Scapin - Daniel Leckler - Bruno Journée - Photo: lfdd

Molière 401 - Scapin - Geoffrey Goudeau - Daniel Leckler - Yann Siptrott - Photo: lfdd


Les personnages vont chercher du côté de la mafia et des films d'Hollywood et les Turcs du côté des "hachichins" kidnappeurs. Le burlesque et la comédie musicale ainsi que le film noir ne sont jamais loin et l'on sent de la part de toute l'équipe une belle énergie et une joie évidente à enchaîner les répliques, empiler les sketches et ménager les surprises et les coups de théâtres.  Yann Siptrott en Scapin se fait un plaisir heureux de manigancer et de tromper, excelle dans les farces et grimaces, Patrice Verdeil en Sylvestre joue à merveille le paresseux et naïf valet (corse?). Le couple des pères trahis et trompés, Serge Lipszyc en Argante et Bruno Journée en Géronte font de beaux "parrains" mafieux hauts en couleur (noir et brun) mais grugés. 


Molière 401 - Scapin - Bruno Journée - Yann Siptrott - Photo: lfdd

Molière 401 - Scapin - Bruno Journée - Yann Siptrott - Photo: lfdd

Molière 401 - Scapin - Emma Massaux - Bruno Journée - Photo: lfdd


Les fils, Geoffrey Goudeau en Octave fils d'Argante, un convaincant faux "dur" devenant un pitoyable "blessé" (il en perd ses dents) et Charles Leckler Léandre fils de Géronte font la belle paire de faux naïfs, frimeurs amoureux mais volontaires. Et pour les filles, dont la destinée et ses revirements est la cause et le moteur de la pièce, d'une part la diaphane et pure, mais qui cache bien son jeu, Magalie Ehlinger et de l'autre, Emma Massaux l'énergique supposée Egyptienne et fille d'Argante (elle est également la soliste "es onomatopées et cris d'animaux" qui lui valent quelques applaudissements mérités). Elles tirent leur épingle du jeu, tout comme Isabelle Ruiz qui, en plus de diriger  l'orchestre, joue aussi la nourrice d'Hyacynthe et le fourbe.


Molière 401 - Scapin - Serge Lipszyc - Isabelle Ruiz - Bruno Journée - Photo: lfdd

Scapin - Serge Lipszyc - Geoffrey Goudeau - Magalie Ehlinger - Bruno Journée - Patricce Verdeil - Photo: lfdd


La pièce est menée à un train d'enfer et les gags et jeux de mots fusent à tout va, tout comme les digressions et gags visuels et l'on suit avec une tension attentive le déroulement de toutes ces péripéties qui nous submergent et nous laissent pantois mais contents de toutes  ces surprises qui nous titillent les méninges. 


Molière 401 - Les Fourberies de Scapin - Photo: lfdd

Molière 401 - Les Fourberies de Scapin - Photo: lfdd



L'entracte et la soupe d'Anthon servie dans l'espace d'entrée de ce magnifique lieu nous permet de reprendre un peu d'énergie - et d'assister à d'autres impromptus judicieusement croisés et nous voilà repartis vers la scène près de l'atelier où les hiératiques et impressionnantes sculptures de France et Hugues Siptrott en décor surveillent à la fois les comédiens et les spectateurs assis autour de la scène installée dans la cour devant l'atelier des artistes. 


Molière 401 - Le Misanthrope - Serge Lipszyc - Yann Siptrott - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - Fred Cacheux - Serge Lipszyc - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - Serge Lipszyc - Muriel Ines Amat - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - Serge Lipszyc - Muriel Ines Amat - Photo: lfdd


Les comédiens, dont les costumes et même les visages sont brossés de traces de peinture - on repense aux visages de l'affiche de Jean-Paul Chambas pour le Misanthrope de Jean-Pierre Vincent au TNS en 1985 - mais ici la peinture n'est que blanche et verte. Le dispositif scénique est judicieux et la vue des spectateurs en face, dont le bonheur d'assister à la représentation se lit dans les yeux et sur leur visage nous confirme que nous ne sommes pas seuls à apprécier la représentation. Le sujet du Misanthrope est bien sûr plus sérieux que Scapin et nous avons donc ici, brossé en cinq actes, le portrait de cet atrabilaire asocial qui s'évertue à se faire rejeter par tous, ceux qu'il aime et les autres, non seulement par sa franchise et sa critique mais aussi par son atavisme masochiste. Et nous pouvons donc apprécier, grâce au jeu clair et limpide, sans exagération - hormis quelques saillies et gags qui permettre de faire baisser la tension contenue dans ces relations complexes et tordues - un tableau brossé des relations de Cour de l'époque - qui peuvent encore se retrouver transposées dans des personnages d'aujourd'hui: l'équilibre instable d'amitié entre Alceste - dont Serge Lipszyc présente un portrait relativement modéré - nonobstant sa propension à littéralement crier "NON" très souvent, et son ami Philinte (Yann Siptrott) lui aussi très modéré et sage dans cette pièce. Le tableau de "famille" des marquis, précieux et ridicules et des femmes plus ou moins savantes brillant dans des jeux de critiques, où celui qui joue à la chaise musicale en dressant un portrait à charge de son ami-adversaire est sûr de perdre son rang par la suite. De même, nous avons les manoeuvres, intrigues et manigances où chacune - de préférence les femmes effectivement - est plus fourbe et hypocrite que l'autre dans ce jeu d'attrape-coeur de cour. 

Molière 401 - Le Misanthrope - Muriel Ines Amat - Serge Lipszyc - Aude Koegler - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - David Martins - Bruno Journée - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - Muriel Ines Amat - Blanche Giraud-Beauregardt - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - Blanche Giraud-Beauregardt - Photo: lfdd


La pièce est ainsi parsemée de pensées édifiantes ou de réflexions qui pourraient être sages et que personne ne suit tout en le faisant croire, ou alors de constats d'une noirceur exquise. Les comédiens servent avec une ferveur crédible ce texte merveilleux de Molière, autant les femmes, la très souveraine Muriel Inès Amat (Célimène) qui règne en maîtresse-femme sur la pièce, Blanche Giraud-Beauregardt (Arsinoe) qui travestit à merveille la vérité et perfide à souhait, Aude Koegler (Eliante) toute en discrétion, qui sera la seule à récolter le fruit de sa patience, et pour les hommes, les deux marquis (David Martins et Bruno Journée), beau duo de pacotille, Fred Cacheux (Oronte) ridicule dans son outrance et sa fatuité et le sachant être discret Du Bois (Patrice Verdeil), valet d'Alceste. La mise en scène de Serge Lipszyc par son côté déclamatif porte ces réflexions à notre attention et notre réflexion, laissant quelques traces de sentiments glisser çà et là, mais pas trop et se permettant quelques petite folies de jeu qui agrémentent ce propos qui avait plombé la réception de la pièce à sa création. Et dans ce jeu de massacre et d'autodestruction, l'amour triomphe quand même mais par ricochet. 


Molière 401 - Le Misanthrope -  Serge Lipszyc - Aude Koegler - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - Muriel Ines Amat -  Serge Lipszyc - Fred Cacheux - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - David Martins - Bruno Journée - Muriel Ines Amat - Serge Lipszyc - Photo: lfdd

Molière 401 - Le Misanthrope - Serge Lipszyc - Muriel Ines Amat - Photo: lfdd


Et, en définitive, nous sommes heureux d'avoir eu le plaisir de retrouver ces deux textes complémentaires d'un auteur qui aurait eu 401 ans s'il avait vécu jusqu'à ce jour et dont Louis XIV disait (entendu dans un des impromptus sur sa naissance): "Molière est immortel". En nous en remercions la fine équipe qui illumine les soirs de juin et de juillet  (jusqu'au 2 - mais les deux dates de juillet sont -déjà -  complètes) dans cette belle vallée de la Faveur.


La Fleur du Dimanche

* voir les billets sur les spectacles précédents:

York en 2021

Platonov en 2022


Molière 401 : Les Impromptus - Les Fourberies de Scapin - Le Misanthrope

Au Guensthal - Vallée de la Faveur les 3,4,10,11, 17,18, 24,25 juin 2023 - 1 et 2 juillet (complet en juillet) 


Les Fourberies de Scapin


Distribution :
Magalie Elhinger – Hyacinthe, reconnue fille de Géronte et amante d’Octave
Bruno Journée – Géronte, père de Léandre et Hyacinthe
Geoffrey Goudeau – Octave, fils d’Argante et amant de Hyacinthe
Charles Leckler – Léandre, fils de Géronte et amant de Zerbinette
Serge Lipszyc – Argante, père d’Octave et de Zerbinette
Emma Massaux – Zerbinette, supposée Égyptienne et reconnue fille d’Argante et
amante de Léandre
Isabelle Ruiz – Nérine, nourrice de Hyacinthe, Carle – fourbe
Yann Siptrott – Scapin, valet de Léandre et fourbe
Patrice Verdeil – Sylvestre, valet d’Octave

Programmation :
du 3 juin au 2 juillet 2023 @ Théâtre forestier du Guensthal
15-20 janvier 2024 @ Le Point d’Eau, Ostwald



Distribution :
Yann Siptrott – Philinte, ami d’Alceste
Serge Lipszyc – Alceste, amant de Célimène
Fred Cacheux  – Oronte, amant de Célimène / Un garde de la Maréchaussée 
Muriel Amat – Célimène, amante d’Alceste
David Martins – Acaste, marquis
Bruno Journée– Clitandre, marquis
Aude Koegler – Eliante, cousine de Célimène
Blanche Giraud-Beauregard – Arsinoe, amie de Célimène
Patrice Verdeil – Du Bois, valet d’Alceste / Basque, valet de Célimène
Programmation :
du 3 juin au 2 juillet 2023 @ Théâtre forestier du Guensthal
13-19 novembre 2023 @ Le Point d’Eau, Ostwald
21-23 novembre 2023 @ La Nef, Wissembourg
28 nov 2023 @ Relais Culturel, Haguenau
12 mars 2024 @ Espace Rohan, Saverne


mercredi 14 juin 2023

Blues Bar Belushi au Festival de Caves: Et mourir de rire...

 Belushi n'est pas italien, il est Albanais. Aux Etats-Unis, on demande "C'est un pays l'Albanie ?" quand Belushi le dit pour amuser la galerie. Car Belushi déjà tout petit faisait le clown. Allez savoir pourquoi. 


Blues Bar Belushi - Paul Schirck - René Turquois - Festival de Caves - Photo: lfdd


Peut-être ne le savait-il pas lui-même ou cherchait-il à le comprendre en le faisant et qu'il essayait éperdument à se trouver "bien" quand il était sur scène parce que dans la vraie vie, il ne l'était pas, "bien", allez savoir pourquoi. C'est d'ailleurs ce que Paul Schirck, qui a écrit le texte de cette pièce Blues Bar Belushi, pour et avec le comédien René Turquois va, veut, essayer de comprendre en résumant sa (courte) vie en une heure et nous en donne quelques pistes. Une piste aux étoiles dans une cave, lieu improbable mais tout à fait de circonstance pour la situation décrite. 


Blues Bar Belushi - Paul Schirck - René Turquois - Festival de Caves - Photo: lfdd


Le rideau rouge en fond de scène ne trompe pas, il permet juste de nous mettre dans l'ambiance festive de la "représentation". De la "prestation", parce que prestation il y a. Derrière - et devant - sa batterie, dont il use avec énergie, René Turquois nous interprète le destin tragique de cette étoile d'Hollywood, dont le film The Blues Brothers fait des millions d'entrées. Et, à la fois il nous en conte le destin, en interprète quelques épisodes, nous remonte des sketches fabuleux à sa sauce - l'abeille qui veut son pollen ou le samouraï qui fait hara-kiri -  et surtout, et c'est tout le talent de René Turquois, nous interprète seul en scène de sa voix tout à fait convaincante et de circonstance de magnifiques blues du répertoire de John Belushi, en s'accompagnant de son harmonica qui pleure à souhait.


Blues Bar Belushi - Paul Schirck - René Turquois - Festival de Caves - Photo: lfdd


Ainsi, après les réglages techniques - et des clin d'oeils - d'usage pour nous mettre dans le bain, nous plongeons dans le blues "Sweet Home Chicago" redevenu célèbre par le film, puis d'autres comme "Everybody needs somebody",  qui ponctuent les étapes de le montée en célébrité de John Belushi, de l'émission de télévision qui a décoiffé l'Amérique Saturnay Night Live avec, entre autres, Dan Aykroyd, puis les films, American College, 1941 de Steven Spielberg et donc le célébrissime Blues Brothers, tout cela ponctué par les messages laissés sur le répondeur, de plus en plus désespérés de sa femme Judith, alors qu'en parallèle nous le voyons s'enfoncer dans l'infernal tourbillon de la drogue, de plus en plus frénétiquement jusqu'à ce 5 mars 1982 où, à 33 ans, il tombe devant nous, mort, et que l'on assiste à la description de son autopsie aussi tragi-comique que sa vie et son joyeux enterrement. 


Blues Bar Belushi - Paul SchirCk - René Turquois - Festival de Caves - Photo: lfdd


Le deux compères Paul Schirck - à la mise en scène, au son et à la lumière - et René Turquois au jeu, à l'harmonica, à la batterie et aux habillages (les costumes, fort bien trouvés, sont de Louise Yrribaren) - sans compter le maquillage en direct, arrivent à nous embarquer dans un rythme sans faillir, tout en nous impliquant dans le jeu et les interrogations que soulèvent cette destinée, dans ce digest d'une vie qui, pour la version écrite de la biographie, ne fait pas moins de 500 pages et de nombreuses heures de film et de vidéo, à découvrir si vous ne les connaissez pas encore.

Et nous remercions encore le Festival de Caves qui irrigue encore un peu l'Alsace (trop peu - si vous disposez d'une cave pour accueillir cette petite et originale forme de théâtre - chez soi, n'hésitez pas à les contacter?) et pas mal la Franche Comté et quelques autres régions françaises (voir leur site) de nous offrir de belles découverte, à la fois de textes, de jeu et de comédiens. De petits bijoux que je vous conseille à votre curiosité.


La Fleur du Dimanche


  

vendredi 9 juin 2023

Kites et To Kingdom Come à La Villette: Jalet et Van Opstal soufflent le chaud et le froid avec la GOD

 Suite de la saison danse de La Villette* avec en compagnie invitée la GöteborgsOperans Danskompani. Cette compagnie suédoise accueille 38 danseurs de plus de 20 pays et propose pour cette soirée deux pièces de trois chorégraphes, Damien Jalet et la fratrie Imre et Marne Van Opstal. Pour la première pièce, c'est le chorégraphe franco-belge Damien Jalet** qui présente sa création Kites. Pour cette nouvelle création, il a travaillé avec la même équipe que pour Skid, à savoir la GöteborgsOperans Danskompani, Jim Hodges pour la scénographie, Jean-Paul Lespagnard pour les costumes et Mark Pritchard pour la musique. 


Kites - Damien Jalet - GöteborgsOperans Danskompani - Photo: DR


On entend tout d'abord une voix qui chuchote des mots en anglais tandis qu'apparait dans la pénombre et se dévoilant lentement un corps couché sur le plateau qui, lui aussi émerge de l'obscurité avec deux promontoires arrondis en forme d'éléments de terrain de skate ou des promontoires de glace. Le corps commence à bouger, rouler et se contorsionner. S'ensuit un long solo magnifique où la danseuse, avec ses long cheveux blonds bouclés (impressionnante Sabine Grenendijk) enchaine toute une série de roulements et de figures à terre puis, tout en étant couchée redresse le buste avec une souplesse, une flexibilité et une élasticité au niveau du bassin époustouflante et une agilité digne d'une circassienne combinée à une aisance divine. Elle prend possession ainsi l'espace avec une grâce magnifique dans une série de mouvements d'une fluidité fascinante. Après ce grand moment de bonheur, changement de régime. 


Kites - Damien Jalet - GöteborgsOperans Danskompani - Photo: DR


Arrivent sur le plateau d'autres danseuses et danseurs qui, partant des coulisses à droite ou à gauche en courant, réalisent des boucles plus ou moins élevées sur l'un ou l'autre des deux promontoires. Cela donne de magnifiques vagues ou sinusoïdes géométriques où, dans des compositions variables en formes et en nombres, nous assistons à un ballet de particules vibrionnantes hypnotique où l'on s'attend à la collision qui ne vient jamais. Cela crée un tension qui, avec la musique de Mark Pritchard, également toute en boucles, répétitions et variations ou battements graves nous emporte dans un voyage à la limite de la transe cataleptique. Nous aurions souhaité un peu plus d'engagement corporel et de prise de risque de la part des interprètes mais il faut cependant saluer leur performance et leur synchronisation et une très belle énergie. 


Kites - Damien Jalet - GöteborgsOperans Danskompani - Photo: DR


Encore un changement d'ambiance avec la lumière qui inscrit sur le décor des rayures de blizzard soufflant en sourdine, puis cela souffle de plus en plus fort et fait gonfler les vêtements, transformant les danseurs en parachutistes ou baudruches puis en flocons de neiges scintillants et brillants avant le dernier tableau qui voit le retour de la magnifique soliste du début.


Après un entracte, place à To Kingdom Come (littéralement "ad patres", dans l'autre monde). Là aussi, la pièce commence dans le noir, une voix répète en chuchotant des mots, la silhouette d'une danseuse en avant-scène émerge aussi tout doucement et nous parle en anglais et une musique discrète s'installe. Derrière elle, l'on découvre un cercle, comme une piste de cirque dans laquelle des corps à terre se soulèvent et rampent à quatre pattes dans le sable en le remuant. Ils bougent au ralenti, se lèvent et prennent la pose comme pour des photos de groupe. 


To Kingdom Come - Imre et Marne Van Opstal - GöteborgsOperans Danskompani - Photo: DR

Des couples se forment, dansent ensemble, un solo se transmet, arrive un magnifique et poignant duo d'amour plein de tension et de désir où l'on sent à la fois l'accord et l'harmonie des deux danseurs. Puis une danse plus chtonienne, des battements et trépidations où ressort l'influence de la danse Gaga de la Batsheva Dance Company par laquelle sont passé les deux chorégraphes, à la suite de leur séjour au Netherlands Dance Theater.  


To Kingdom Come - Imre et Marne Van Opstal - GöteborgsOperans Danskompani - Photo: DR


La musique d'Amos Ben Tal et de RY X (Ry Cuming) soutient judicieusement cette ambiance que les  effets de lumière toute en teintes chaudes et sombres de Tom Visser installe dans ce cercle presqu'infernal que les interprètes circonscrivent dans une ronde sans fin marquée de chutes incessantes, et entrecoupées de tableaux, immobiles comme de vieilles photos sépia ou de films au ralenti plongeant dans les souvenirs. Les costumes un peu hors du temps créés par les deux chorégraphes donnent aux interprètes une amplitude dans les mouvements et les passages d'ensembles de cette danse très physique, toute en battements chtoniens alternant avec des tableaux imaginaires dansés au ralenti avec une intériorité très expressive - ou une pièce de pantomime - installent une narration nostalgique. 


To Kingdom Come - Imre et Marne Van Opstal - GöteborgsOperans Danskompani - Photo: DR


Seul un éclat de lumière dans le ciel de fumée, une percée plus éblouissante troue, comme une montée au ciel radieuse, ce voyage dans les limbes mais qui n'a cependant rien de douloureux, il en est presque serein et agréable. C'est en tout cas une très belle prestation de cette troupe scandinave qui nous réjouit les sens et dont la qualité d'interprétation ravit le public qui les ovationne. Une magnifique performance.


La Fleur du Dimanche


* Pour mémoire, mon billet sur la pièce de Marcos Morau "La Belle au bois dormant" le 16 décembre 2022

** Damien Jalet présentait THR(O)UGH et VÏA à la Filature à Mulhouse le 16 mai 2023


Kites

Choreography
Damien Jalet
Associate choreographer
Aimilios Arapoglou
Composer
Mark Pritchard
Composer and sound design
Dorian Concept
Text
Théo Casciani
Stage design
Jim Hodges
Stage design
Carlos Marques da Cruz
Costume design
Jean-Paul Lespagnard
Lighting design
Fabiana Piccioli
Video design
Sander Loonen
Assistant video design
Jessy Laurent
Dancers:
Benjamin Behrends
Miguel Duarte
Sabine Groenendijk
Mai Lisa Guinoo
Janine Koertge
Valērija Kuzmiča
Micol Mantini
Einar Nikkerud
Riley O’Flynn
Anna Ozerskaia
Christoph von Riedemann
Frida Dam Seidel
Duncan C Schultz
Endre Schumicky
Joseba Yerro Izaguirre
Amanda Åkesson

To Kingdom Come

Choreography / Concept / Direction: Imre van Opstal & Marne van Opstal
Music: Amos Ben-Tal & Ry Cuming (RY X)
Dramaturgy & Assistant Choreography: Xanthe van Opstal
Set Design: Tom Visser, Imre van Opstal & Marne van Opstal
Costume Design: Imre van Opstal & Marne van Opstal
Light Design: Tom Visser

Performers: Arika Yamada, Rachel McNamee, Benjamin Behrends, Mei Chen, Nathan Chipps, Viola Esmeralda Grappiolo, Mai Lisa Guinoo, Logan Hernandez, Riley O’Flynn, Auguste Palayer,  Duncan C Schultz, Zenon Zubyk