Au début de la pièce Umwandlug - Dialogue avec l'Absent, Anne Martin déploie lentement sur scène, en bordure vers le public, un paysage imaginaire et presqu'abstrait dessiné par Gilles Nicolas. S'y déploient des montagnes, des forêts, des arbres qui prennent toute la largeur de la scène du Studio Bagouet.
Umwandlung - Anne Martin - Photo: JeremyTran |
Tandis qu'un paysage similaire s'illumine dans toute sa hauteur sur le fond de scène, paysage qui va, lui, défiler lentement, très lentement, de droite à gauche, des croassements de grenouilles et autres bruits étranges nous emmènent dans un univers nocturne et étrange. La danseuse, en longue robe arrive en portant un seau (avec dedans l'eau de l'étang - l'étant ?) et le pose décentré à droite sur la scène. Elle entame des mouvements hésitants, en avant et en arrière puis de lents gestes tournoyants, comme des prières, en pointant un bras en l'air. Une ambiance s'installe, dans une pénombre et la lenteur des gestes, très intériorisés, rappelant la gestuelle de Pina Bausch, avec laquelle Anne Martin a beaucoup dansé - elle a même repris un de ses rôles dans Café Muller.
Umwandlung - Anne Martin - Photo: JeremyTran |
Nous vivons comme dans un songe, une nuit née bulleuse qui se transforme, avec la bande son en bruits sous-marins puis en grondements, clapotis, et grincements, tandis que la danseuse se frotte le corps, les bras, les mains, semble vérifier la matérialité de son être, sa tête, ses cheveux, ses jambes et même la toile sur laquelle défile imperceptiblement ce paysage qui quelquefois fait penser à un frottage de Max Ernst. Elle réitère plusieurs fois ces séquences d'hommage (à elle, à l'autre, à dieu ?) dansées avec grâce et émotion. Puis au passage des cloches qui sonnent douze coups, le propos change. Tandis que des chants religieux s'élèvent, le contenu du seau est versé à terre et Anne Martin entame en une série de cercles une danse hantée et violente qui pourrait faire penser par moments à Mary Wigman et sa Danse de la Sorcière, avec ses gestes brusques de bras jetés en avant et sur le côté. L'énergie monte pendant que des éclats de pétards se font de plus en plus forts dans une apogée de bruit de feu d'artifice et que la violence, contenue, est visible dans la puissance des gestes et la force des poings fermés. Des forces semblent sourdre du fond de ce corps qui a emmagasiné une multitude d'expériences qui débordent.
La Fleur du Dimanche
Au Festival Montpellier Danse les 29 et 3 juin 2023
A Neuchâtel (CH) au Festival Intergénération ADN, le 30 novembre 2023
A Châlon-sur-Saône au Conservatoire Régional le 11 avril 2024
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