Troisième étape dans Paysage, au Maillon à Strasbourg. Après le duo avec Axel Guérin, Through the grapevine où il explorait leurs deux morphologies comparées et la Carte Blanche, sorte de laboratoire de travaux en cours, voici avec VanThorout Alexander Vantournout dans un solo où il interroge les images de puissance, de violence, de virilité avant de basculer dans une figure plus féminine et pacifique qui prend le dessus. C'est à la fois une interrogation des mythes et traditions et du dispositif même de la démocratie dont il explore les limites, dans cette agora où les spectateurs se retrouvent autour de la piste et réactivent le cirque antique.
Alexander Vantournout - VanThorhout - Photo: Bart Grietens |
Le cirque, c'est bien de là que vient notre performeur, et quand il est debout au début de spectacle, au centre de la scène circulaire, nous voyons bien sa musculature qui devrait nous rassurer sur le bon déroulement du spectacle que nous somme venus voir. Il est capable d'exploits physiques et également d'acrobaties et de pirouettes ou de sauts périlleux, de même qu'il doit être versé dans le jonglage et l'équilibrisme. Bon, cela commence doucement, si l'on peut dire, quand, torse nu dans sa jupe culote au genou il commence à tourner en des cercles hélicoïdaux en bougeant ses mains en tire bouchon du dessus de sa tête vers son buste et redescendant, enroulant et déroulant ses bras. Le rythme se perturbe en gestes plus amples des bras, pliés, dépliés, rentrés, jetés, puis en mouvement de vis sans fin de derviche tourneur puis en toupie et culbuto. L'exercice est intense, et on s'imagine le vertige qui nous prendrait à essayer de l'imiter ne serait-ce que quinze secondes et une dizaine de tours.
Alexander Vantournout - VanThorhout - Photo: Bart Grietens |
Il s'arrête et passe en revue chaque spectateur dans un tour d'horizon attentionné puis repart dans un nouveau cycle de rotations pour arriver auprès du marteau "Mjöllnir" tant attendu. D'abord il le traîne comme un boulet, une masse ou un châtiment aux quatre coins de cette scène circulaire puis le fait tourner, entraînant son corps emporté par la force d'inertie qui le happe. Puis l'arrête brusquement. Il va ainsi jouer avec ce marteau au très long manche en le faisant tournoyer autour de lui, le faisant monter et descendre, jouant également avec nos nerfs, que cependant il ne va pas tirer à bout.
Alexander Vantournout - VanThorhout - Photo: Bart Grietens |
De façon tout à fait surprenante, cette arme de combat mythique, vigoureuse et raide, va tout à coup se révéler malléable, presque molle quand il la transforme en une antithèse du numéro d'assiette chinoise où la masse est immobile et le bâton flexible. Et ainsi ce marteau massif se fait apprivoiser en devenant un objet docile et ductile. Ayant fait le tour du marteau, il l'abandonne dans un coin du cercle pour récupérer en face une barre blanche qui se révèle être un drapeau blanc, objet à l'exact opposé du marteau guerrier, ce drapeau blanc, symbole de paix, se fera aérien et léger, enveloppant. Il le fera voler, tournoyer et survoler nos têtes. Il claquera au vent, symbole d'élévation et d'apesanteur alors que le lourd marteau râclait le sol de tout son poid s. Le drapeau, même roulé bruissant encore d'un souffle rassurant sinon divin. Alexander Vantournout retrouvant ses racines circassiennes lui fera faire des pirouettes et toute une série de figures magiques, d'autant plus magiques qu'il va se déployer et se refermer en un clin d'oeil sans raison. Tour comme par des mouvements agiles il va le faire voltiger dans tous les sens simplement avec le dessus de son poignet puis lui faire faire des figures magiques. merveilles de l'équilibre et du centre de gravité. Et, cadeau suprême, il va littéralement le déployer au dessus de nos têtes de spectateurs comme un ciel protecteur en ayant imperceptiblement déployé le manche de son mat en une ultime bénédiction divine. Nous avons changé de Dieu ! Et finalement le drapeau recouvre le marteau qu'il ramène étrangement au centre de la scène.
La Fleur du Dimanche
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