Nous connaissions déjà l'attachement de Lisbeth Gruwez à la musique. Elle qui dansait sur un disque de Bob Dylan en 2015 et qui, après Jan Fabre, avec qui elle avait créé la fabuleuse performance "Quando l'uomo principale è una donna" en 2004 (vu au Théâtre de la Ville bien avant le blog), a fondé sa troupe Voetvolk avec le musicien Maarten Van Cauwenberghe en 2006. C'est d'ailleurs avec lui qu'elle a créée sa pièce "It's going to get worse and worse and worse, my friend" en 2012 et puis We're pretty fuckin' far from okay en 2016.
Lisbeth Gruwez -Maarten Van Cauwenberghe - Into the open - Photo: Danny Willems |
La nouvelle pièce qu'elle nous propose à Pôle Sud, Into the open est toujours une collaboration avec Maarten Van Cauwenberghe, et même plus, puisque c'est sur les morceaux de musique qu'il a composé avec le groupe Dendermonde et qu'elle a créé la chorégraphie avec ses danseuses et ses danseurs. Le Covid est passé par là et l'on sent une rage et une énergie qui cherche à s'échapper, au dehors, au grand jour, dans une totale liberté, là où tout le monde était restreint, enfermé, avec des contacts interdits. Ici c'est tout l'opposé, on sent une énergie et une volonté de se toucher, de se retrouver les corps liés, entremêlés, les danseuses et les danseurs se cherchent - et se trouvent - d'un bord à l'autre du plateau, et forment des "ensembles", comme des tableaux vivants et changeants, mouvants.
Lisbeth Gruwez -Maarten Van Cauwenberghe - Into the open - Photo: Danny Willems |
En entrant dans la salle nous sommes déjà dans l'ambiance, comme avant un concert, la musique nous accueille à pleins tubes, les bouchons d'oreille étant dans la poche. Sur scène une estrade au fond avec tout l'attirail du batteur et de chaque côté deux podiums avec un micro au bout. Entre en scène nonchalamment, cigarette au bec, Misha Demoustier en blouson de cuir puis Artémis Stavridi en short de jean et long manteau rouge. Le batteur Frederik Heuvinck s'installe sur son podium et les autres danseuses, Celine Verkhoven dans un ensemble collant gris-noir pailleté d'étoiles et les long cheveux roux et Francesca Chiodi Lattini longs cheveux noirs apparaissent sur scène en rangeant leurs affaires. Le batteur envoie le rythme et les musiciens, le bassiste Maarten Van Cauwenberghe et le guitariste Elko Blijweert en short bermuda envoient la sauce. Le danseur et les danseuses scrutent le public et le fixent des yeux. Le courant passe et la musique pulse.
Lisbeth Gruwez -Maarten Van Cauwenberghe - Into the open - Photo: Danny Willems |
Le danseur et les danseuses, tout en mouvements saccadés, d'une incroyable souplesse et en énergie centrifuge, les bras, les jambes, les cheveux même, jaillissant puis se rassemblant à nouveau au corps, ou dans des ondulations de serpent caoutchouteux, puis dans des sauts et des rebondissements incroyables, tournoient sur scène, passent d'un bout à l'autre, d'un podium au tapis, chevauchant la grosse caisse ou le partenaire, s'enroulant autour de lui puis le lâchant pour un autre dans une ronde endiablée. Un énergie du diable qui diffuse dans la salle.
Lisbeth Gruwez -Maarten Van Cauwenberghe - Into the open - Photo: Danny Willems |
De temps en temps, au gré de la musique qui change, une accalmie se fait, des ondulations plus lentes, des mouvements ralentis, comme des tableau presque figés apportent un instant de répit, mais de courte durée. Le pièces de vêtement volent et libèrent les corps, l'énergie de la rencontre, le contact physique cherché et trouvé célèbre les retrouvailles de l'incarnation. Et dans un superbe élan général, même les spectateurs dansant à corps perdus se retrouvent sur la scène pour célébrer les corps libérés. Une cérémonie presqu'orgiaque à la gloire de la musique brute et de la liberté des mouvements.
La Fleur du Dimanche
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