mercredi 15 janvier 2025

On ne choisit pas ses fantômes au TAPS: Le squelette bouge toujours...

 Si vous avez échappé à Mathias Moritz jusqu'à présent, ne ratez pas sa dernière dernière pièce présentée actuellement au TAPS Scala à Neudorf: On ne choisit pas ses fantômes. Ce metteur en scène précoce, prodigue et prodige*, après les classiques - et quelques contemporains du théâtre - revus à sa manière, tel un metteur en scène en série s'attaque (comme un assassin ou un tueur) effectivement à ce nouveau format à la mode (qui un moment s'appelait feuilleton, passé de la presse à la littérature puis à la télévision) qu'est la "série".  C'est donc à partir de la série culte dans les années 70 (au siècle dernier, mais en couleurs - Mathias Moritz n'était pas né) d'Igmar Bergman Scènes de la Vie Conjugale qui a donné le film éponyme, puis la relecture, pendant le COVID en 2020 par le cinéaste israélien Hagai Levi sous le titre de Scenes from a marriage (Scènes de la vie conjugale) en inversant les rôles entre l'homme et la femme (c'est elle  qui s'en va alors que chez Bergman c'est l'homme Johan).


On ne choisit pas ses fantômes - Mathias Moritz - Photo: Vincent Muller


Mathias Moritz, lui, va encore renverser les rôles et les situations et c'est d'ailleurs par cela que débute la pièce qui ici s'appelle On ne choisit pas ses fantômes.    Et qui débute par une présentation du contexte à la fois de la création mais aussi de la vie (quelquefois inventée) des comédiens eux-mêmes. Car, nous nous en rendons compte, nous ne sommes pas dans la vraie vie - même si ce que vivent les personnages - mais bien dans une pièce de théâtre - et pas dans un film, ni une série. Ce que nous voyons se déroule cependant sous le regard de plusieurs caméras dont les images sont en général diffusées sur un téléviseur un peu rétro. 


On ne choisit pas ses fantômes - Mathias Moritz - Photo: Vincent Muller


On ne peut pas faire confiance dans les différents niveaux d'énonciation des comédiens, surtout si l'on nous dit que le pull qu'enfile Jonathan en coulisse est rose et qu'il vient avec un pull bleu. La pièce est ainsi parsemée de multiples pièges, tout comme la vie, le plateau lui-même est piégé et instable, mû par des esprits frappeurs (ces fantômes qui nous entourent et se vengent). 


On ne choisit pas ses fantômes - Mathias Moritz - Photo: Vincent Muller


Dans son texte, qu'il est allé chercher jusqu'à l'os, nous touchons au plus près les errement du couple, autant dans le rappel des moments heureux (bien que....), que dans tous les épisodes qui font de la vie de couple un parcours d'obstacles et d'embûches (bien qu'il y ait des bûches qui, brulant dans la cheminée pourraient faire croire à un bonheur). Mais, cynisme suprême, quand on croit que cela va, il y a toujours, soit un détail, soit un revirement qui bouscule tout, au sens propre comme au figuré. 


On ne choisit pas ses fantômes - Mathias Moritz - Photo: Vincent Muller


Ce texte est remarquablement interprété par le duo Deborah Cherrière et Lucas Partensky qui tiennent le plateau presqu'une heure et demie et c'est un exploit d'avoir réduit à cette concentration ces six heures d'images. On n'a pas le temps de s'ennuyer, on est surpris par tous les rebondissements, on croit à tous les moments tendres et on est déçu par les révélations qui sortent comme des coups de poing. Il y a ce qu'il faut d'humour et d'amour et l'on se laisse prendre et s'identifier à cette histoire, comme du temps de Bergman, ou de la série Dallas.

 

La Fleur du Dimanche


* Voir le parcours de Mathias Moritz dans mon billet sur son précèdent spectacle Hôtel Proust 


On ne choisit pas ses fantômes


d’après Scènes de la vie conjugale de Ingmar Bergman et de Hagai Levi

Adaptation et mise en scène Mathias Moritz

Groupe Tongue, Strasbourg

Avec Débora Cherrière, Lucas Partensky

Scénographie Arnaud Verley Création lumière Fanny Perreau Création sonore Nicolas Lutz Régie plateau Arnaud Verley en alternance avec Yann Argenté Administration, production Victor Hocquet, Laure Woelfli – La Poulie production

Production Dinoponera / Howl Factory Coproduction La Filature de Mulhouse Soutiens Région Grand Est, Ville de Strasbourg, TAPS – Théâtre Actuel et Public de Strasbourg, Le Manège de Maubeuge, Le Maillon de Strasbourg, Schaubühne Lindenfels de Leipzig, Art-o-pie de Meisenthal.

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