Le titre du concert de l'Ensemble Linea dans le cadre du Festival Arsmondo A l'air Libre fait référence à la pièce homonyme composée par Frédéric Durieux en résistance à l'enfermement de la musicienne biélorusse Maria Kalenikava actuellement emprisonnée pour s'être opposée au régime en place. Elle a été condamnée à onze ans de prison après avoir déchiré son passeport pour empêcher un exil forcé. On lui a décerné le prix des droits de l'homme Václav-Havel et elle a reçu de nombreux soutiens. Pour Frédéric Durieux, le soutien prend la forme d'une pièce dont la deuxième séquence est crée à l'occasion de ce concert par l'ensemble Linea qui apporte ainsi aussi son soutien.
Arsmondo Slave - Linea - Photo: lfdd |
Le programme parcourt autant les pays que les siècles avec par exemple des pièces du compositeur polonais Adam Jarzebski mort en 1649 à Varsovie. Trois de ses pièces: Canzon prima, a quattro voci, Canzon quarta, a quattro voci et Canzon quinta, a quattro voci ponctuent le concert au début, au milieu et à la fin, dans des arrangements de Pawel Malinowski. Le style est plutôt baroque et les trois pièces sont jouées sur des instruments anciens, par exemple le hautbois d'amour (Heidi Braesch) ou la sacqueboute (Thierry Spiesser) ou encore le théorbe (Caroline Delume). La première pièce fait plutôt balade médiévale en deux mouvements , le second plus dansant. La deuxième Canzon prend des airs de musique de jardin et la dernière a une atmosphère plus sylvestre.
La deuxième pièce, Dusk (crépuscule) d'Elena Rikova, une compositrice russe en exil dont c'est la création voit Thomas Quinquenel au contrebasson et au basson dialoguer avec Thierry Spiesser au trombone via des sons lents et grave, trainants et étouffés qui donnent une curieuse ambiance sombre et mystérieuse.
Arsmondo Slave - Aleksandra Dzenisenia - Photo: lfdd |
Viktor Voïtsik, le compositeur biélorusse, avec Aquarelle pour cymbalum propose une pièce plus mélodique où Aleksandra Dzenisenia montre toute sa maîtrise de la frappe et du pincement des cordes de cet instrument typique de la musique slave. Elle va avoir la possibilité de prouver qu'avec un cymbalum on peut jouer autant une Rhapsodie - la composition d'un autre musicien biélorusse Andrey Tsalko - où l'on se rend compte que sur ce petit instrument sur trois pieds qui sonne comme un grand, Aleksandra Dzenisenia arrive à remplir l'espace. Ou encore avec Variations sur une chanson populaire, de Valery Zhivalevsky nous avons une délicate suite de variations musicales d'un gracieux air populaire bélarusse. qui finit tout en douceur.
Arsmondo Slave - A l'air Libre - Keiko Murakami - Photo: lfdd |
La pièce A l'air Libre de Frédéric Durieux, va elle permettre d'apprécier un autre talent, celui de Keiko Murakami à la flûte basse pour la première séquence puis à la flûte pour la deuxième. L'oeuvre est impressionnante, prenante. Toute en tension, elle mérite l'attention, jouant sur le souffle, les sons ténus et tenus, les sons discrets. Keiko Murakami nous livre ici une superbe interprétation toute en finesse et en variations de mode de jeu - souffle battement, sons tenus, sifflements,... Dans la deuxième séquence, plus énergique, elle pousse les aigus vers le haut, l'accompagnant d'un élan de tout son corps. Mais on sent une lassitude prendre le dessus, entrecoupée d'éclats stridents. La résistance ne doit pas faiblir...
Arsmondo Slave - Frédéric Durieux - Keiko Murakami - Photo: lfdd |
Et c'est ce que Frédéric Durieux nous confirme à la fin de cette composition dont on espère avec lui qu'elle ne durera pas trop longtemps et que la libération de la jeune musicienne de 41 ans y mettra fin bientôt.
Arsmondo Slave - Linea - Photo: lfdd |
L'Adagio sostenato du jeune compositeur polonais Pawel Malinoski voit à nouveau les six musiciens jouer tous ensemble sous la direction de Jean-Phiippe Wurtz. La pièce se déroule tout en douceur, les sons s'étirent, le théorbe voit ses cordes pincées et frottées par l'archet, des frottements, des bruissements apparaissent, disparaissent, comme un paysage qui défile en toute quiétude.
Arsmondo Slave - Linea - Photo: lfdd |
Autre paysage, Po Jjezeru (par le lac) de la slovène Nina Senk qui arrive à nous installer un climat mystérieux avec quelques chuchotis à la flûte, une corde frottée au théorbe et quelques sons qui arrivent du trombone. Une série de sons minimalistes qui tout à coup soudain semblent vouloir prendre corps et se densifier mais qui d'évaporent.
La soirée à permis de découvrir des musique de pays que l'on a pas trop l'habitude d'entendre et qui pourtant gagneraient à être plus jouées, surtout avec la qualité d'interprétation que l'on a pu apprécier ce soir autant chez les solistes que pour les pièces d'ensemble où chaque chaque interprète a trouvé sa juste place, autant avec les instruments anciens que contemporains.
La Fleur du Dimanche
Les Artistes
Flûtes Renaissance et modernes : Keiko Murakami
Hautbois moderne, baryton et hautbois d’amour : Heidi Braesch
Contrebasson, basson : Thomas Quinquenel
Trombone : Thierry Spiesser
Théorbe et guitare : Caroline Delume
Cymbalum, cimbalom : Aleksandra Dzenisenia
Direction : Jean-Philippe Wurtz
Adam Jarzębski – Canzon prima, a quattro voci (arr. Paweł Malinowski)
Elena Rykova – Dusk, création 2022
Viktor Voïtsik – Aquarelle
Adam Jarzębski – Canzon quarta, a quattro voci (arr. Paweł Malinowski)
Frédéric Durieux – À l’air libre
Paweł Malinowksi – Adagio sostenuto
Andrey Tsalko – Rhapsodie
Nina Šenk – Po jezeru
Valery Zhivalevsky – Variations sur une chanson populaire
Adam Jarzębski – Canzon quinta, a quattro voci (arr. Paweł Malinowski)
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