Ce n'est pas l'homme sur la Lune, mais presque, qui nous accueille et nous éblouit à l'ouverture du rideau au Maillon pour le spectacle de danse "Allee der Kosmonauten" de Sasha Waltz.
Allee der Kosmonauten - Sasha Waltz - Photo: Eva Raduenzel |
Assis sur une colonne (qui se révélera être une planche en bois), un danseur souffle dans un sachet en plastique - le geste peut aussi rappeler les sachets utilisés par les jeunes à un moment pour sniffer de la colle, et peut-être que la pièce n'est que la vision délirante de la vie de cette famille dans un grand ensemble de Berlin dans les années 90. Car la pièce est une succession de tableaux animés, dansés, de cette vie de famille où père, mère, grand frère et son amoureuse, et le petit frère et la petite soeur. Sur les écrans de télévision des années 90 empilés à gauche et à droite ou accrochés au-dessus de la scène, défilent des prises de vues de l'intérieur d'un appartement (lampes, papier peint, objets, perruches vertes dans leur cage) ou de l'extérieur (mobilier urbain, rangement à vélos, bancs, allées avec quelques rares habitants, alignements de constructions ou fenêtres qui dépeignent cette "ville nouvelle" un quartier d'habitat collectif aligné le long de la rue, cette "avenue des cosmonautes" ainsi nommée en hommage au héros de l'Allemagne de l'Est Sigmund Jähn, premier (Est-)Allemand à avoir fait un voyage dans l'espace avec le russe Waleri Bykowski en août 1978.
Allee der Kosmonauten - Sasha Waltz - Photo: Eva Raduenzel |
Le danseur s'agite, simule un jeu vidéo et les bruitages rappellent ces jeux des années 90. Au fur et à mesure, la scène est habitée par des personnages qui surgissent de nulle part ou plutôt en sortent comme des diables de leur boite et jouent les pantins magnifiquement désarticulés - en particulier le père (Juan Kruz) avec sa gestuelle de robot placide et humain, dont les superbes moments où il joue de l'accordéon font passer une réelle émotion dans le spectacle. Les duos souples et sensuels alternent avec des épisodes plus circassiens (jeu avec une planche, plus ou moins large, passage de relai) ou des tableaux animés pleins d'humour qui sont comme des intantanés de la vie en famille (nombreuse) avec les relations père-mère, parents-enfants, les jalousies (la petite fille de son grand frère) ou les moment de tendresse ou de collaboration familiale ("Auf die Arbeit" dit le père en transportant sa planche) et puis quelques mouvements d'ensemble bien emportés.
Allee der Kosmonauten - Sasha Waltz - Photo: Eva Raduenzel |
Cela se termine par une accélération - à l'image comme au son - de ces "tableaux familiaux" quand le fils au sachet revient une dernière fois et que tout le monde s'invective joyeusement. Il y a une belle dynamique dans la pièce, mais l'ambiance globale est un peu surannée, la musique et le son aussi, un petit air d'Ostalgie flotte et nous laisse un goût d'amertume. Le spectacle nous fait revivre un monde oublié, une époque passée, avec tendresse et humanité, et une pincée d'humour. Les rêves du passé s'envolent, et nous ramènent à une réalité un peu grise qui comme le dit une des chansons dans la pièce, "Kalte Augen" de Ralf Bursy (le chanteur de l'ex-DDR):
Kalte Augen seh'n die Wunder nie,
die Abenteuerwelt der Phantasie,
wir bekommen, was wir sehen woll'n.
Oft weniger doch niemals mehr.
Les yeux froids ne voient jamais les miracles
le monde aventureux de la fantaisie
On nous donne ce que nous voulons voir.
Souvent moins mais jamais plus.
Allez, je vous mets le tube:
Et voici la bande annonce de la pièce:
Le Fleur du Dimanche
Au Maillon jusqu'au 17 octobre
Avec : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola, Ageliki Gouvi, Nicola Mascia, Zaratiana Randrianantenaina, Joel Suárez Gómez, Takako Suzuki
Mise en scène et chorégraphie : Sasha Waltz
Scénographie : Thomas Schenk, Sasha Waltz
Costumes : Annette Bätz
Lumière : André Pronk
Vidéo : Elliot Caplan
Musique : Hanno Leichtmann, Lars Rudolph dans Galler Musikverlag
La musique « Kalte Augen » est écrite par : Ralf Bursy avec un texte de Michael Sellin
Composition accordéon : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola
Dramaturgie : Jochen Sandig
Répétition : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola
La pièce a été conçue avec et par les danseurs : Nadia Cusimano, Luc Dunberry, Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola, Nicola Mascia, Takako Suzuki, Laurie Young
Coproduction : Schauburg, München / Grand Theatre Groningen / Tollhaus, Karlsruhe / Theater im Pumpenhaus, Münster / Festival Internacional de Dança, Brésil / Siemens Kulturprogramm, Berlin / Munich
Sasha Waltz & Guests est financé par : le Département de la Culture et de l’Europe du Sénat de Berlin
Équipe de Sasha Waltz & Guests :
Assistante de direction : Luisa Perrone
Lumière : Martin Hauk
Technique : Salvatore Giuseppe Judica
Vidéo : Tobias Klette
Costume : Margaretha Heller
Organisation de la tournée : Karsten Liske
Directeur financier : Stephan Schmidt
Direction : Sasha Waltz, Jochen Sandig, Bärbel Kern
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