Avec The Making of Berlin le groupe de théâtre Berlin clôt son cycle Holocène avec des pièces qui dressent le portrait de villes comme Moscou, Bonanza ou Tchernobyl (qui a été montré au Maillon en 2017). Le nom de la troupe étant Berlin, c'est bien la preuve que cette ville les intéresse au plus haut point avec sa culture, son histoire et les questionnements qu'elle inspire. Et la forme de chaque spectacle étant réinventée selon chaque sujet, celle de The Making of Berlin va surprendre, autant dans sa forme que dans son déroulement.
The making of Berlin - Berlin - Photo: Koen Broos |
Nous nous trouvons au départ face à un film, avec en introduction un travelling en drone au dessus de la ville qui arrive à l'intérieur d'un bâtiment industriel, après passage de fenêtre et "ouverture de rideau", en l'occurrence une porte vitrée, tout à côté d'un personnage debout dans un grand espace. L'occasion, en clin d'oeil, de la reprise, immédiatement, à une autre heure, avec une autre ambiance lumineuse, du même plan, sous prétexte que l'équipe technique était dans la champ du premier. Le ton est donné, nous sommes au cinéma mais nous sommes également introduits dans la cuisine du tournage. C'est d'ailleurs ce qui va se dérouler dans un premier temps. Le film montre concrètement le making of réalisé par Fien Leysen de la pièce que nous voyons et dont nous allons suivre les péripéties et rebondissements. Dans une incroyable mise en abime, nous assistons à la création de ce projet, à savoir la recréation d'un concert qui aurait dû avoir lieu à Berlin juste avant la fin de la guerre en 1945: la diffusion en direct à la radio de La marche de Siegfried du Crépuscule des Dieux de Wagner à partir de caves et bunkers répartis dans Berlin.
The making of Berlin - Berlin - Photo: Koen Broos |
Et, tandis que nous suivons la production et le montage du projet, nous nous familiarisons avec le témoin et l'acteur principal de ce projet, Friedrich Mohr qui était régisseur de l'Orchestre Philharmonique de Berlin de 1943 à 1945. L'occasion de se pencher sur cette période, d'être confronté aux dilemmes d'engagement et de prise de position face au pouvoir nazi, en particulier quand un violoniste juif également son ami, est renvoyé de l'orchestre. L'occasion aussi de se rendre compte jusqu'où peut mener un rêve démesuré, tel que voulu par Speer et dont Mohr reprend en quelque sorte le flambeau. Et que la troupe Berlin mène à son terme pour notre plus grand bonheur. Et qu'Yves Degryse et son équipe, contre vents et marées, pilote entre moments d'enthousiasme et douches froides. Egalement en résolvant toutes les questions de financement (à noter la scène - assez humoristique - du refus de cofinancer un projet qui n'est pas une fiction de la part du Philharmonique de Berlin), mais aussi les aspects techniques et les aléas liés à l'humain. Et là aussi nous sommes confrontés aux mystères de l'âme humaine et de ses motivations, aux silences ou aux distorsions de la réalité. Au point que nous basculons dans un thriller psychologique agrémenté de questions éthiques. Et nous nous retrouvons aussi à douter de la réalité.
The making of Berlin - Berlin - Photo: Koen Broos |
Le dispositif scénique participe du sens que prend la narration, passant de cet écran de cinéma qui nous emmène dans le récit, mais nous basculant, au bout d'un certain temp, dans une réalité double voire triple avec un double écran. Dévoilant aussi le/la corniste qui accompagne la musique du film, tout comme le plateau technique avec les banc-titres qui sont intégrés en direct dans les images et la partie technique du mixage. Pour aboutir a cette reconstitution du concert éclaté en sept écrans, un grand moment d'émotion.
The making of Berlin - Berlin - Photo: Koen Broos |
En définitive, ce spectacle est à la fois la réflexion, en même temps que la démonstration, dans une magnifique métaphore, de ce que peut être, sous ses meilleurs aspects, de la création artistique. Et il nous interroge aussi sur les limites et la morale. Pour ce cas, c'est une très belle réussite.
La Fleur du Dimanche
Au Maillon - Strasbourg - du 17 au 19 avril 2024
Au 104 - Paris - du 23 avril au 5 mai 2024
Mise en scène : Yves Degryse
Avec (sur scène à Strasbourg) : Fien Leysen, Koen Goossens, Rozanne Descheemaeker (corniste)
Avec (dans le film) : Michael Becker, Werner Buchholz, Marek Burák, Yves Degryse, Farnaz Emamverdi, Caroline Große, Claire Hoofwijk, Eva Knapen, Kurt Lannoye, Stefan Lennert, Sam Loncke, Eveline Martens, Friedrich Mohr, Chantal Pattyn, Alejo Pérez, Marvyn Pettina, Jessica Ridderhof, Jane Seynaeve, Manu Siebens, Lise Thomas, Krijn Thijs, Alisa Tomina, Christophe De Tremerie, Alejandro Urrutia, Jan Vandenhouwe, Martin Wuttke et le Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen
Vidéo et montage : Geert De Vleesschauwer, Fien Leysen, Yves Degryse
Stage montage : Maria Feenstra
Prises de vue en drones : Yorick Leusink, Solon Lutz
Visuels en arrière-scène : Fien Leysen
Scénographie : Manu Siebens
Construction décor : Manu Siebens, Ina Peeters, Rex Tee, Joris Festjens
Conception et construction : Jessica Ridderhof
Décor film : Klaartje Vermeulen, Ruth Lodder, Ina Peeters
Composition musicale et mixage : Peter Van Laerhoven
Musique live : Rozanne Descheemaeker
Musique film : Peter Van Laerhoven, Tim Coenen, Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen dirigé par Alejo Pérez
Mixage orchestre : Maarten Buyl
Conception sonore et mixage : Arnold Bastiaanse
Enregistrements sonores : Bas de Caluwé, Maarten Moesen, Bart Vandebril
Traduction et surtitrage : Dorien Beckers, Maria Feenstra, Annika Serong, Nadine Malfait, Isabelle Grynberg, Fien Leysen
Coordination technique : Marjolein Demey, Manu Siebens, Geert De Vleesschauwer
En charge de production : Jessica Ridderhof
Assistance de production : Daniela Schwabe, Gordon Schirmer (Allemagne)
Recherche Wagner : Clem Robyns, Piet De Volder
Étapes de recherche : Annika Serong
Photographie : Koen Broos, Gordon Schirmer
Administrateur [jusqu’en 2021] : Kurt Lannoye
Administratrice [à partir de 2022] : Tine Verhaert
Coordination et production : Maya Van der Brempt
Diffusion : David Bauwens
Communication : Sam Loncke
Production : BERLIN
Coproduction : DE SINGEL / CENTQUATRE-PARIS / Opera Ballet Vlaanderen / VIERNULVIER / C-TAKT / Theaterfestival Boulevard / Berliner Festspiele avec le soutien du Gouvernement flamand, Sabam for Culture et du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge via Flanders Tax Shelter
BERLIN est un artiste associé au NTGent et au CENTQUATRE-PARIS.
Remerciements : Linnen Berlin / Xaveriuscollege / Zaal Billy / Corso / Klara / Oderberger Hotel / De Munt – La Monnaie / Cornelius Puschke / Lisa Homburger / Jill Barnes / Aino El Sohl / Natasha Padabed / Max-Philip Aschenbrenner / Carena Schlewitt / Het Nieuwstedelijk / Myriam De Clopper / Barbara Raes / Dirk Rochtus / Anneleen Hermans / Mark Reybrouck / Karen Vermeiren / Guido Spruyt / Hannes D'Hoine / Niels Kloet / Roel Gelderland / Mark Dedecker / Eric Mostert/VMOO / Cees Vossen
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