samedi 1 avril 2023

Suzanne d'Emanuel Gat au 104 pour le Festival Séquence Danse: Un grand moment d'émotion dansée

 Depuis dix ans, le 104 à Paris propose un festival au Printemps, Séquence Danse qui sur plus d'un mois propose un savant équilibre entre des pièces connues et d'autres à découvrir. Cette année, onze spectacles s'égrènent entre le 1er  avril et le 17 mai. Cela va, pour le premier jour du festival de Leïla Ka, 1er prix du concours Danse Élargie 2022 pour sa courte pièce Bouffées à Christian Rizzo, Olivier Dubois ou William Forsythe et Pierre Pontvianne.


Suzanne - Emanuel Gat - Inbal Dance Theatre


Emanuel Gat, lui, avait créé Suzanne en 2021 à Tel Aviv avec la troupe Inbal Dance Theater au Centre Suzanne Dellal pour fêter les trente ans de ce lieu, berceau de la création contemporaine internationale, à l'origine destiné pour la Batshewa Dance company, fondée par Martha Graham. Le titre de la pièce est sûrement un clin d'oeil à la fille du fondateur du Centre Jack Dellal, mais c'est bien sûr aussi le titre de la célèbre chanson de Leonard Cohen. Et pour cette pièce, ce sera la version chantée par Nina Simone au Philharmonic Hall de New York en octobre 1969 qui sera le fil conducteur de la chorégraphie.


Suzanne - Emanuel Gat - Inbal Dance Theatre


La pièce démarre dans le silence, le plateau est nu et seule une douche au centre l'éclaire. Les danseuses et les danseurs du Inbal Dance Theater vont tour à tour se positionner sous la lumière ou se répartir sur les bords du plateau, dans la pénombre, se regroupant et se dispersant, jouant des recontres fortuites ou volontaires, dialoguant par gestes, approches, recul, mouvements des bras et des jambes, délicats et fragiles. Soudain, la bande son arrive et l'on est plongé, au moins par le son dans un concert en public, des applaudissements et la voix de Nina Simone qui dialogue avec le public, chaleureusement et très décontractée. 


Suzanne - Emanuel Gat - Inbal Dance Theatre


Les lumières s'étalent sur le plateau et les danseuses et les danseurs vont suivre les variations de la musique, au départ une simple guitare et la voix de la divine Nina. Non dans une chorégraphie plaquée mais dans une diversité de mouvements qui font écho aux variations des cordes de l'intrument et de la voix chaleureuse de l'interprète. On prend un plaisir délicieux à essayer de voir où les vagues sonores influent les danseurs, souvent très indépendants, se retrouvant ou se séparant, ayant de temps en temps quelques mouvements d'ensemble par deux ou trois, puis reprenant leur autonomie. Les mouvements sont fluides, délicats, aériens, gracieux et subtils. Les morceaux se suivent, s'enchaînent, plus ou moins énergiques, quelquefois plus rapides ou plus rythmés, et les huit danseurs et danseuses ne ménagent pas leur engagement, occupant la scène, passant de temps en temps sur le bord, dans la pénombre pour laisser un couple ou un trio pour un petit moment mener la danse et se retrouver de plus belle pour mieux se séparer. 


Suzanne - Emanuel Gat - Inbal Dance Theatre


Quelques sauts, des acrobaties aussi, des courses poursuites, selon l'athmosphère de la chanson qui passe.  Nous avons le double plaisir de participer à ce magnifique concert (avec au moins cinq chansons, Ain't Got No - I Got Life  - To Be Young, Gifted and Black - Black Is the Colour of My True Love's Hair, dont certaines durent dix minutes de bonheur, tenues par la Grande Nina) que nous pouvons d'autant plus apprécier que nous ne sommes pas perturbés par la vision de la chanteuse ou de la salle et du public - nous sommes immergés dans le son - et que nous avons comme image cette magnifique troupe de danseurs qui interprètent en gestes et mouvements, la transcription chorégraphique qu'en a inventée Emanuel Gat, toute en flots, flux, ondes et variations, énergie et vibration.


Suzanne - Emanuel Gat - Inbal Dance Theatre


Un nouvelle séquence de silence comme une respiration pour nous permettre de reprendre à la fois l'air et pied, pour rebondir encore mieux pour l'acmé de la pièce, cette Suzanne où les interprètes donnent tout leur coeur et leur corps pour ces (trop courtes) dix minutes d'émotion. La conclusion d'une magnifique soirée.


 La Fleur du Dimanche


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