jeudi 12 janvier 2023

Fraternité de Caroline Guiela Ngyuen au TNS: L'espoir fait famille quand la mémoire disparait.

 Le spectacle Fraternité de Caroline Guiela Ngyuen présenté au TNS après une tournée internationale de plus de 20 lieux en France et en Europe après la création au Festival d'Avignon en 2021 porte le sous-titre "Conte Fantastique". C'est effectivement une fable futuriste, une sorte de dystopie qui permet de porter un regard distancié sur un sujet très actuel qui est la "disparition", d'une manière symbolique. Nous nous trouvons dans un futur indéterminé dans un "Centre de soin et de consolation" dans lequel gravite une population variée et diverse (intervenants, bénévoles et personnes accueillies), toutes et tous confronté(e)s à la perte: l'absence, la disparition d'un(e) proche suite à une catastrophe planétaire où la moitié de l'humanité s'est "évaporée" lors d'un éclipse.


Fraternité - Caroline Guiela Nguyen - Photo: Christophe Raynaud de Lage


La première partie de la pièce va voir mis en oeuvre un dispositif vidéo d'enregistrement de messages courts (une minute 30) destinés (on l'espère) à ces disparus. Et l'on assiste dans cette micro-société, aux conséquences sur chacun, de cette catastrophe, leurs réactions et les espoirs et les solutions et stratégies que chacun va mettre en oeuvre individuellement et dans le groupe pour surmonter ce poids, vivre avec et essayer de trouver une solution pour s'en sortir (éventuellement). Cela permet à la fois d'avoir de beaux portraits de personnages et d'intéressantes confrontations dans le groupe. C'est varié et va de la tendresse et de l'empathie à des réactions violentes ou d'oppositions, des explosions d'énergie et des affrontements, quelquefois des situations de déni ou de mensonge.


Fraternité - Caroline Guiela Nguyen - Photo: Christophe Raynaud de Lage


Toute une gamme d'atttitudes qui sont un terreau de réflexions philosophiques et morales sur les questions de l'amour (filial ou de couple), de la perte et de la mort, du deuil ou de l'oubli, du sacrifice ou du désespoir, du courage ou du découragement, de la lâcheté. Jusqu'à, dans la deuxième partie de la pièce, lorsqu'une solution semble avoir été découverte pour faire "revenir" les "disparus", la question du sacrifice et de la solidarité dans un groupe, une société.  Ces réflexions, dans cette fable avec des airs de tragédie antique, reste sous une forme de fable utopique. L'univers, par ces personnages très proche des préoccupations des petites gens, des humbles et des anti-héros, s'ancre dans une réalité quotidienne qui touche tout un chacun. 


Fraternité - Caroline Guiela Nguyen - Photo: Christophe Raynaud de Lage


Cette irruption du quotidien, par le choix de Caroline Guiela Ngyuen de prendre dans sa troupe des non-professionnels qu'elle met sur le plateau, donne un visibilité et un statut - à des "invisibles". Ceux-ci, issus de quartiers ou d'origines géographiques diverses, parlant aussi la langues de leur pays, dans des costumes du quotidien font émerger un autre niveau de réflexion politique, complémentaire: les "disparus" et les "invisibles". Pour ces derniers, autant pour eux-mêmes que pour le public. Parce que nous sommes au théâtre, dans un travail construit et abouti, il ne s'agit pas de "libre parole" offerte, mais d'une pièce de fiction. 


Fraternité - Caroline Guiela Nguyen - Photo: Christophe Raynaud de Lage


Et le dispositif scénographique d'Alice Duchange est sobre et efficace. Le Centre de soin et de consolation et sa "salle de messages", le dispositif "futuriste" - les écrans da la NASA pour les planètes, l'univers et les éclipses ou le dispositif médical de cardiologie et celui de MEMO pour la mémoire, sont à la fois poétiques, réalistes et crédibles. Le travail de la lumière de Jérémie Papin est tout aussi efficace pour nous immerger dans les différentes ambiances et atmosphères, que ce soit pour les phénomènes naturels (éclipse) ou les moments d'intimité et de la vie du groupe. 


Fraternité - Caroline Guiela Nguyen - Photo: Christophe Raynaud de Lage


S'y rajoute le fantastique travail de création sonore d'Antoine Richard pour les différents bruitages et la musique qu'il a créée avec Taddy Gauliat-Pitois, qui va de discrets accompagments sonores à des nappes ou des pièces de composition de "musique de l'espace", des airs de contre-ténor qui apportent une touche "sacrée" ou des poèmes "rappés". Tout cela donne un spectacle multimédia exigeant et ambitieux qui nous bouscule quelquefois dans notre position de spectateur de théâtre et d'individu en nous interrogeant sur certaines habitudes ou coutumes.


La Fleur du Dimanche



Fraternité


Au TNS: du 12 au 20 janvier 2023 

Prochaine dates:

Milan: du 26 au 28 janvier 2023

Nice: du 2 au 3 février 2023

Clermont-Ferrand:  du 23 au 25 février 2023

Luxembourg: du 27 au 28 avril 2023


Un spectacle de la compagnie Les Hommes Approximatifs

Texte Caroline Guiela Nguyen avec l’ensemble de l’équipe artistique

Mise en scène Caroline Guiela Nguyen

Avec Dan Artus, Saadi Bahri, Boutaïna El Fekkak, Hoonaz Ghojallu, Yasmine Hadj Ali, Maïmouna Keita, Nanii, Elios Noël en alternance avec Pierric Plathier, Alix Petris, Saaphyra, Vasanth Selvam, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia

Collaboration artistique Claire Calvi, Paola Secret

Scénographie Alice Duchange
Costumes Benjamin Moreau
Lumière Jérémie Papin
Réalisation sonore et musicale Antoine Richard
Vidéo Jérémie Scheidler
Dramaturgie Hugo Soubise, Manon Worms
Musiques originales Teddy Gauliat-Pitois, Antoine Richard
Collaboration casting Lola Diane
Collaboration à la réalisation sonore Orane Duclos
Assistanat à la réalisation sonore Thibault Farineau
Collaboration à la création lumière Mathilde Chamoux
Assistanat à la création vidéo Marina Masquelier
Collaboration casting Lola Diane
Coach vocal Myriam Djemour
Interprètes Fabio Godinho (angalis, Camille Hummel (anglais), Cao Nguyen (vietnamien)
Conception Memo Sébastien Puech
Musique studio Quatuor Alternatif, Laura Al Tinaoui, Aurélie Métivier, Lydie Lefebvre, Mathieu Schmaltz
Surtitrage Panthéa
Production Les Hommes Approximatifs 

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