Point fort de ce début d'année à Pôle Sud, la Danse fait la place belle à "Elles", ces danseuses qui méritent la visibilité. La manifestation "L'année commence avec elles", du 12 au 28 janvier, a démarré avec Akiko Hasegawa que nous avions déjà vu à plusieurs reprises à Pôle Sud et Marie Cambois qui présentait ALL ( A la Lisière) une pièce minimaliste basée sur le travail autour d'un scénario de film en chantier où l'on voit à la fois deux danseuses et une comédiennes avec les "techniciens" musicien est scénographe dans un bel univers plein de poésie.
Les soirées du 17 et 18 janvier voient la présentation de deux spectacles dont le fil conducteur pourrait être une sorte d'extase qui se fait mouvement.
Avec Submission Submission de Bryana Fritz, nous explorons les univers de quatre "saintes" que parcourt en "hagiographe amateur" - à la fois dans le sens de débutante que d'aimante - la danseuse-chorégraphe basée à Bruxelles et qui a déjà travaillé avec Anne Teresa De Keersmaeker, Xavier Le Roy, Boris Charmatz, et Michiel Vandevelde. Son travail sur une douzaine de "saintes" éclairées, femmes remarquable du passé, rend également à ces dernières une certaine visibilité.
Bryana Fritz - Submission Submission - Photo: Michel Devijver |
Pour ce spectacle, Bryana Fritz introduit sa démarche puis la présente en images et en mouvements où elle fait preuve d'une belle inventivité en produisant un genre de dessin animé se basant sur du traitement de texte "visuel" qui parle des organes: "Lips, stomach, bladder, eyes, tongue" (lèvres, estomac, vessie, yeux, langue) tout en dansant sur les images. En "représentant" ces "saintes", elle pose à la fois le statut de l'artiste et la question de la réalité et de la crédibilité, de la foi en ce qu'on voit. Elle va donc en présenter quatre: Hildegard de Bingen, Catherine de Sienne, Christine de Bolsena et Christina l'admirable. Chacune ayant son parcours, elles auront toutes un traitement narratif différent.
Bryana Fritz - Submission Submission - Photo: Michel Devijver |
Celui d'Hildegard de Bingen sera plus axé sur le texte - toujours avec des animations textuelles - en référence aux visions, aux voix qui lui parlent en latin populaire. Avec Catherine de Sienne, nous avons droit à une chanson grégorienne sous extase autour des stigmates - "I suck your cut" (Je suce ta plaie) en hommage à Jesus dont elle fait endosser le personnage par une spectatrice.
Bryana Fritz - Submission Submission - Photo: Michel Devijver |
Avec Christine de Bolsena, la moins connue des sainte, l'interprétation est plus "destroy", une chanson "Is it Dark" du groupe punk féminin américain des années 90 Bikini Kill sera une partie de la bande son où il est question de "crotte" (shit) et de langue coupée, langue qui sera au centre de la chorégraphie et dans la bouche de la danseuse, symbole de sa torture et en référence à la destruction des idoles par Catherine de Bolsena. La dernière sainte, Christina l'admirable sera introduite par une chanson que Nick Cave lui a consacré mais dont on va s'élever rapidement pour arriver, en référence à son "envol" au-dessus de son cercueil à un air grégorien et angélique, aérien. Entre possession et distanciation, la chorégraphie et les différents moyens techniques nous balance d'une simplicité de mouvement à des moment presque de transe, avec une très belle qualité de mouvements, en passant par des projections hypnotiques et inventives.
Betty Tchomanga - Mascarade - Photo: Queila Fernandez |
Le spectacle suivant, Mascarade, de et avec Betty Tchomanga, qui incarne sur scène Mami Wata, la divinité africaine mi-femme mi-poisson prend aussi des airs de transe extatique. Elle se tient face à nous sur scène et jette des regards allumés, figés, comme possédé. D'abord allongée dans l'obscurité, elle se lève doucement tout en se déployant et amplifiant ses mouvements. Lentement elle se met en mouvement, des soubresauts qui deviennent, en prenant de l'ampleur presque des sauts (de carpe?) dans une série de mouvements convulsifs qui se déploient en même temps que le chant intérieur, profond et rythmé prend de l'ampleur.
Betty Tchomanga - Mascarade - Photo: Queila Fernandez |
Sur un rythme à la fois chtonien, primitif et techno, ses sauts deviennent des gesticulations. Le murmure grossissant se transforme en éructations, elle en vient à avaler les mots et son corps tremble, se secoue, la tête en arrive à se disloquer - ce sont ses extensions qu'elle avait au sommet de son crâne qu'elle sépare et dont elle se sert comme postiche (barbe) puis pompons de danse tribale. Exténuée, une suspension dans cette transe lui permet de reprendre sa respiration au plus profond de son corps, respiration qui infuse sur la scène, reprise par la sonorisation en écho pour une renaissance salutaire.
Betty Tchomanga - Mascarade - Photo: Queila Fernandez |
Va-t-elle faire une trêve, une paix salutaire avec elle-même et le public secoué lui aussi ? Ou verra-ton un ultime pied-de-nez de cette sirène peinte en noir ? Libérer la bête ? Surprise...
La Fleur du Dimanche
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