mercredi 30 novembre 2022

New Creation de Bruno Beltrão: une énergie explosive maîtrisée

 Sur l'immense scène du Maillon, deux couples sont positionnés dans une lumière diffuse. A l'avant de la scène, deux femmes, l'une en pantalon et haut rouge et l'autre en short et haut noir bougent fiévreusement. Leurs mains tremblent en gestes saccadés tandis que deux hommes approchent en crabes roulants et sautillants avant de sortir dans la pénombre. 


Bruno Beltrao - New Creation - Photo: Wonge Bergmann


Un rai de lumière en fond de scène devient un chemin étroit que longent les danseurs qui se soutiennent et se poussent avant de reprendre possession, si l'on peut dire, de la scène. Mais ce n'est pas vraiment le cas, les danseurs formant communauté, souvent duo ou trio, quatuor quelquefois, dialoguent par de subtils gestes et touchers, sans l'exubérance du show ou du battle de rue (au début la bande son nous plonge dans cette ambiance avec des bruits du quotidien, klaxon, bruits de moteur et de bricolage), ni la puissance du mouvement d'ensemble. 


Bruno Beltrao - New Creation - Photo: Kerstin Behrend


Les gestes sont précis, rapides, changeants, explosant en éclats dans des surgissements de mouvements vite réfrénés. On admire cette agilité et la capacité corporelle des sept danseurs et deux danseuses qui maîtrisent le hip-hop et son vocabulaire mais qui tissent un langage beaucoup plus riche, parsemé de multiples détails, éclatant à l'improviste et s'effaçant devant le suivant, distillés en petite dose. L'ambiance est sombre, la musique en nappes sonores un peu hypnotique, la lumière éclaire par vagues tamisées, obscurcies ou découpe et inscrit les danseurs dans des ronds qui les isolent. Ils bougent avec une frénésie contenue, pas tout à fait de l'hystérie, puis se retrouvent presqu'immobiles, les épaules et le dos courbés, écrasés. 


Bruno Beltrao - New Creation - Photo: Kerstin Behrend


Nous sommes dans un antispectaculaire qui fait émerger des poussées de virtuosité dans les multiples détails individuels. Tout à coup, des frappes de batterie amène une certaine énergie et les danseurs lancent les bras plus amplement, plus rapidement. 


Bruno Beltrao - New Creation - Photo: Wonge Bergmann


Une énergie semble se dégager, la lumière aussi se fait plus chaude, plus forte et éblouissante, mais sur fond de grincements tout ce beau monde, habillé en noir ou blanc (sauf la jeune femme en rouge), quelques tuniques ou vêtements amples reprend sa marche courbée, un poids écrasant sur les épaules. Cette vision un peu sombre est cependant parsemée d'éclats de lumière intérieure que les neuf interprètes arrivent à faire jaillir dans cette chorégraphie précise, millimétrée et dont la vision nous emplit de bonheur.


La Fleur du Dimanche


New Creation de Bruno Beltrão

Au Maillon Strasbourg  présenté en collaboration avec Pôle Sud 

les 30 novembre, 1er et 2 décembre 2022

Le spectacle est présenté dans le cadre du Festival d'Automne

Au 104 à Paris du 25 au 27 novembre 2022

A l'Espace 1789 à Saint-Ouen les 6 et 7 décembre 2022

Au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines les 9 et 10 décembre 2022


Et à la Filature à Mulhouse le 14 décembre 2022


New Creation


Conception : Bruno Beltrão
Avec : Wallyson Amorim, Camila Dias, Renann Fontoura, Eduardo Hermanson, Alci Junior, Silvia Kamyla, Samuel Duarte, Leonardo Laureano, Antonio Carlos Silva, Leandro Rodrigues
Lumières : Renato Machado
Costumes : Marcelo Sommer
Musique : Lucas Marcier / ARPX, Jonathan Uliel Saldanha, Ryoji Ikeda
Régisseur vidéo : Stefan Pfaffe
Assistant de direction : Gilson Cruz
Electricien de plateau : Sineir
Production : Grupo de Rua
En collaboration avec : Something Great
Coproduction : Künstlerhaus Mousonturm, Festival d’Automne à Paris & Centquatre, Kunstenfestivaldesarts, Wiener Festwochen, SPRING Performing Arts Festival, Sadler Wells, Kampnagel, Onassis STEGI, Culturgest, Teatro Municipal do Porto, Romaeuropa, Charleroi Danse, Le Maillon - Théâtre de Strasbourg, Cité Musicale-Metz
Management et Distribution : Something Great
Soutien : Künstlerhaus Mousonturm dans le cadre de l’Alliance of International Production Houses en Allemagne

dimanche 27 novembre 2022

Bachelard Quartet au TNS: Ils étaient trois, comme les quatre mousquetaires et les cinq doigts de la main

 Le spectacle Bachelard Quartet de Pierre Meunier et sa troupe de la Belle Meunière et la Cie Frotter|Frapper présenté au TNS avec la collaboration du TJP CDN Strasbourg est dans l'air du temps. Ce temps qui veut que l'on s'y attarde et se le prenne en étant attentif aux éléments qui nous entourent, pas aux objets, mais à l'étoffe dont ils sont faits. Aux songes qui les entourent et à la vie qui les habite. En toute quiétude et bienveillance, oui, bienveillance. Comme cet accueil que nous offrent les trois comédiens* qui prennent soin de nous, s'intéressant à notre bien-être, à la qualité de notre assise, et, on le verra à la fin du spectacle, à la chaleur que nous emportons en partant.


Bachelard Quartet - Jeanne Bleuse - Pierre Meunier - Matthew Sharp - Photo J.P. Estournet



Ils nous reçoivent, presque comme chez eux, au coin du feu, autour de ces deux ilots sur lesquels se jouera la musique. D'ailleurs, c'est avec la musique que la pièce commence: une pièce au violoncelle interprétée par Matthew Sharp (qui remplace Noémi Boutin à Strasbourg), un morceau contemporain alternant sons frottés et pizzicatos. La musique, interprétée avec une belle sensibilité par la pianiste Jeanne Bleuse qui dialogue avec le violoncelliste et le comédien, est principalement du XXème siècle (à part Gabrielli et Saint-Saëns). Elle se distribue généreusement en alternance avec le texte (des extraits de six livres de Gaston Bachelard) et équilibre l'écoute que l'on peut avoir de ces textes qui, d'anecdotes et de légendes à des parties plus poétiques et philosophiques comme on les connait de ce philosophe poète. 


Bachelard Quartet - Jeanne Bleuse - Pierre Meunier - Matthew Sharp - Photo J.P. Estournet


Le sous-titre de la pièce est d'ailleurs "rêverie sur les éléments à partir de l'oeuvre de Gaston Bachelard". Et l'on se retrouve effectivement à rêvasser, à se laisser bercer par ces extraits, ces citations qui nous incitent à nous interroger sur notre rapport au monde et à la logique qui prévaut aujourd'hui, et dont les priorités sont un peu remise en question. Non sans humour ou provocation. D'ailleurs la première phrase énoncée par Pierre Meunier (un clin d'oeil?) n'est-elle pas: "Il n'est pas impossible que le moulin fasse tourner les vents".


Bachelard Quartet - Jeanne Bleuse - Pierre Meunier - Matthew Sharp - Photo J.P. Estournet


Et l'on navigue donc entre ces quatre éléments, durs (ou mous) comme le métal, la terre, vifs comme le feu, libres comme l'air, et rêveurs comme l'eau (dormante). Ces voyages, à travers l'histoire et l'univers, notre environnement, de temps en temps se concrétisent par des jeux avec les accessoires, mais bien moins qu'à l'habitude (comme dans le précédent spectacle Terairofeu, qui faisait intervenir plus d'accessoires et d'objets). Il y a bien sûr quelques accessoires magiques (et surprenants) mais la matière sculptée et travaillée ce sont les mots et la musique dont Marguerite Bordat, fidèle comparse de Pierre Meunier depuis quelques temps, se charge de sculpter la matière et le volume. Le piano devient même un accessoire central, radeau en détresse sur les flots déchaînés, au sein d'une tempête.


Bachelard Quartet - J. Bleuse - P. Meunier - M. Sharp - Photo J.P. Estournet


Tout au long de ce voyage immobile, comme une veillée autour du feu qui nous met dans un état d'écoute amicale et bienveillante, notre esprit furète et vagabonde, suivant les quatre saisons des éléments et leur imaginaire. Non pour fixer une interprétation mais pour ouvrir les sens, les possibles et les chemins de traverse. Une expédition entre mots et musique très agréable et ressourçante.


La Fleur du Dimanche


* La présence de Frédéric Kunze, compagnon de route qui avait commencé le voyage avec l'équipage restera une présence fantômatique non remplacée suite à son décès en 2020.  


Bachelard Quartet


Au TNS du 26 novembre au 2 décembre 2022


PRÉSENTÉ AVEC LE TJP
Conception et mise en scène Marguerite Bordat, Pierre Meunier
Direction musicale Jeanne Bleuse, Noémi Boutin
Avec
Jeanne Bleuse
Pierre Meunier
Matthew Sharp
en compagnie de feu Frédéric Kunze
Lumière Hervé Frichet
Sonores Géraldine Foucault
Conseil à l’improvisation et au piano préparé Eve Risser
Collaboration aux costumes Camille Lamy
Construction Florian Méneret, Jean-François Perlicius
Scénographie / Sonographie Géraldine Foucault, Marguerite Bordat
Régies générale et lumière Florian Méneret, avec la participation de Duncan Demoulin-Noël (lumière)
Régie son Louis Sureau
Production La Belle Meunière, Cie Frotter | Frapper
Coproduction Théâtre de Lorient – Centre dramatique national, Comédie de Valence – Centre dramatique national Drôme-Ardèche, MC2: Maison de la culture de Grenoble, La Comédie de Saint-Étienne – Centre dramatique national, Nouveau Théâtre de Montreuil – Centre dramatique national, la Scène nationale d’Orléans, TJP – Centre dramatique national de Strasbourg, Théâtre des Îlets - Centre dramatique national de Montluçon
Avec le soutien de Culture Commune – Scène nationale du bassin minier du Pas-de-Calais, du Théâtre de l’Arsenal de Val-de-Reuil – Scène conventionnée d’intérêt national « art et création pour la danse » et du Groupe de Musique Expérimental de Marseille (GMEM) — Centre national de création
La compagnie La Belle Meunière est conventionnée par le ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes, le Conseil régional Auvergne Rhône-Alpes et le Conseil départemental de l’Allier. Marguerite Bordat et Pierre Meunier sont artistes de la fabrique à la Comédie de Saint-Étienne – Centre dramatique national. Pierre Meunier est auteur associé au Théâtre des îlets – Centre dramatique national de Montluçon.
La compagnie Frotter | Frapper est conventionnée par la Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes. Elle reçoit pour ses projets le soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon. Elle est membre de PROFEDIM et de Futurs Composés – réseau national de la création musicale. Noémi Boutin est artiste associée à la MC2 : Grenoble ainsi qu’à la Scène nationale du Mans, les Quinconces / Espal.
Administration / production Céline Aguillon, Lise Déterne − L’Échelle, Capucine Jaussaud, Éloïse Royer − L’Échelle, Caroline Tigeot
Spectacle créé le 12 novembre 2021 à la MC2: Maison de la culture de Grenoble.

Silvia Gribaudi à Pôle Sud: Monjour est un bon jour joyeux et déceptif

 Avec Silvia Gribaudi, il n'y a pas que le spectacle, il y a aussi l'avant-spectacle et l'après-spectacle. A Pôle Sud, il y a eu un après-midi convivial autour de café et de gâteaux italiens (hhmmm le Panettone) et la projection d'un film, reportage où l'on suit son travail de sensibilisation auprès de femmes d'un certain âge. Et après le spectacle, tout ce beau monde (les spectateurs et les artistes) s'est retrouvé autour d'un délicieux apéritif italien offert par l'Institut Culturel Italien. Cela va droit dans la philosophie de la chorégraphe qui met le corps au coeur de sa réflexion sociale en plaçant le dialogue avec le spectateur au centre de son travail. 




La pièce Monjour commence par un échauffement du public, dirigé par la chorégraphe invisible (au premier rang du public) alors que la scène est vide. Pendant presque toute la pièce, elle restera là, discrète par la présence mais n'arrêtant pas de demander au public d'être actif dans ce spectacle "participatif" où les applaudissements comme les chants en choeur du public font partie du déroulement de la pièce. La participation dansée du public se résume à un tour de valse d'une seule volontaire - participation limitée sûrement attendue, tout comme les applaudissements qui n'en finissent pas, qui s'étirent et renaissent, comme soutirés de force, peut-être justement pour permettre au spectateur une prise de conscience de son statut de badaud - baron à claque. 




Sur scène, cela démarre par un défilé un peu grotesque de cinq hommes, nus comme des vers qui arrivent cependant à cacher leur sexe tout en traversant la scène de droite à gauche et de gauche à droite au rythme (1,2,3,4,5,6,7,(8)) lancé par la chorégraphe avec le public. On lui annonce la magie, l'illusion, le théâtre et à la fois la danse et la musique, le cirque, tout en définitive. Et pour le public! "It's for you!" C'est pour vous - cadeau... Les danseurs sont effectivement très agiles et passent de mouvement de danse classique à de la danse de rue, des acrobaties et des tours d'agilité. On balance entre d'enjoués mouvements d'ensemble sur des morceaux de musique classique (Rossini entre autres), et des épisodes qui ressemblent à des tours de clowns ratés. 




Et on navigue effectivement d'éclats d'énergie, comme dans un manège qui tourne à pleine vitesse, grâce aussi à toutes les superbes animations en fond de scène, dans un style très commic's américain crées par Francesca Ghermandi. On y voit un danseur s'envoler presque pour de vrai, un panoramique où l'on passe dans une course effrénée à travers de multiples scènes variées (de théâtre, de cirque, de plein air) et vides, avec quelques personnages (dont des trapézistes). Les danseurs, acrobates et comédiens varient entre un engagement forcené et des attitudes désabusées, soufflant le chaud et le froid sur scène, cassant le lien magique et fascinant qui les lie aux spectateurs, tout en sachant rattraper l'attention et l'empathie et sauvegarder l'addiction et le plaisir du spectateur au spectacle. 



Car en définitive, Silvia Gribaudi joue avec nous à nous titiller et nous faire rentrer dans son jeu tout en nous mettant en garde face aux mécanismes de la publicité et du spectacle en général qui nous envoûte et nous transporte pour nous tromper d'une certaine manière. Elle cherche à nous rendre attentif, chacun et chacune à nos propres fonctionnements "en état de marche", pour nous faire avancer tout en restant sur un versant ludique et divertissant. Une ré-jouissance en quelque sorte...


La Fleur du Dimanche


Monjour


Pôle Sud du 25 au 27 novembre 2022

Chorégraphie : Silvia Gribaudi
Avec Silvia Gribaudi, Salvatore Cappello, Nicola Simone Cisternino, Riccardo Guratti, Fabio Magnani et Timothée-Aïna Meiffren
Conseil dramaturgique : Matteo Maffesanti
Dessins : Francesca Ghermandi
Création lumières et direction technique : Leonardo Benetollo
Musiques : Nicola Ratti

Production : Zebra
Coproduction : Torinodanza Festival – Teatro Stabile di Torino – Teatro Nazionale / Teatro Stabile del Veneto Carlo Goldoni / Les Halles de Schaerbeek, Bruxelles
Avec le soutien de MIC
Projet réalisé dans le cadre du projet « Corpo Links Cluster » réalisé par Torinodanza Festival – Teatro Stabile di Torino – Teatro Nazionale / Malraux scène nationale Chambéry et Savoie / Associazione Dislivelli / Université Savoie Mont-Blanc, soutenu par le Programme de Coopération PC INTERREG V A – Italie-France (ALCOTRA 2014-2020)
Avec le soutien de Centro di Residenza Emilia-Romagna (L’arboreto Teatro Dimora | La Corte Ospitale) / ARTEFICI. Residenze Creative Fvg Artisti Associati / AMAT, Comune di Pesaro, Residenze Marche Spettacolo / ARMUNIA, Festival Inequilibrio / Lavanderia a Vapore – Centro di residenza per la danza / ATER Fondazione, Teatro Comunale Laura Betti di Casalecchio di Reno / IntercettAzioni – Centro di Residenza Artistica della Lombardia – progetto di Circuito CLAPS e Industria Scenica / Milano Musica / Teatro delle Moire / Zona


vendredi 25 novembre 2022

La neuvième de Mahler à l'OPS: Toute une vie en une heure et demie

Aux neuvièmes symphonies sont attachées un destin funeste si l'on en croit la tradition musicale. Pour de nombreux compositeurs elle est l'ultime si l'on se réfère à  Beethoven puis à Schubert, Dvořák  ou Bruckner. Mahler lui-même déjouera le sort en renommant sa neuvième symphonie Das Lied der Erde (Le Chant de la Terre). Mais sa dixième officielle sera inachevée (en tout cas seul le premier mouvement des cinq a été orchestré. Et la Neuvième symphonie (en ré majeur) présentée au Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg par l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg sous la direction de Vassili Sinaïski est effectivement empreinte d'une atmosphère funèbre. Gustav Mahler n'en verra pas l'exécution par Bruno Walter à qui il l'avait dédié et qui la crée le 26 juin 1912, alors que Mahler est décédé le 18 mai 1911. Cependant, quand il l'a composée, pendant les étés 1909 et 1910 dans le Tyrol, planait sur lui la mort de sa fille aînée Maria, décédée le 5 juillet 1907.

L'effectif de l'orchestre est assez impressionnant et curieusement la pièce commence très doucement avec la harpe et les bassons puis les cordes tendres et nostalgiques pour, soudain monter en puissance. Mais ces mouvements alternent entre force et tendresse, puissance et sensibilité. toujours sur un rythme très lent duquel surgissent des éclats de cuivres et des chants d'oiseau apaisants. A un moment des clochettes (d'un "convoi funèbre" comme le note Mahler) et les vents soufflent en puissance pour s'achever dans une longue plage de calme, et un dernier soupir, tenu au hautbois par Sébastien Giot.

Le deuxième mouvement Im Tempo eines gemächtlichen Ländlers - Etwas täppich und sehr derb) est une valse paysanne franche et presque gaie que vient interrrompre une autre danse, valse rapide et brutale puis retour sur un Ländler plus lente et nostalgique. Mouvements qui mêlent les réminiscences populaires et simples sur lequels se tissent des variations plus sophistiqués.  Le troisième mouvement Rondo-Burleske: Allegro Assai (Sehr trotzig -très décidé) est encore plus rapide, et presque brutal commence avec force. Un jeu nerveux qui laisse la place à une grande variété de recherche harmonique sous des airs de "déjà entendu". Après un passage plus calme, retour vers une sorte de marche funèbre endiablée.qui s'achève en point d'apothéose.

Le dernier mouvement, Adagio - Sehr langsam und noch zurückhaltend, à l'image du premier, lent également et qui encadrent les deux centraux vifs et rapides, se déploie et prend son temps, comme un regard nostalgique jeté en arrière sur toute une vie, avec nostalgie et émotion. Le mouvement alterne des phrases mélodiques tenues avec douceur et nostalgie par les cordes avec différentes variations, moments de suspension, assurées par un ou deux instruments (violoncelle, piccolo, ...) qui se complètent, à la limite de l'audible. On en dresse l'oreille pour se dire "Cela respire encore". Pour finir dans un souffle, un chuchotement, l'apaisement final.


Orchestre Philharmonique de Strasbourg - Vassili Sinaïski - Mahler - 9ème Symphonie - Photo: lfdd


Pendant les saluts nourris, le chef Vassili Sinaïski félicite les interprètes qui l'ont amplement mérité. Une magnifique et émouvante soirée.


La Fleur du Dimanche  

 

jeudi 24 novembre 2022

St-Art Strasbourg 2022, une nouvelle vague ?

 L'année dernière, une édition "anniversaire" de ST-ART (le 25ème) posait la question du "renouveau" de la Foire Européenne d'Art Contemporain et de Design de Strasbourg après une année blanche suite à la pandémie. Cette année, la foire, s'installant dans de magnifiques bâtiments neufs conçus par l'architecte multi-primé Kengo Kuma, dont l'aspect écologique arrive à point (paneaux photovoltaiques, récupération de l'eau de pluie, utilisation de bois pour la construction,...) et dans une environnement naturel (près des rives de l'Aar), devrait donner un nouvel élan à la foire. L'environnement extérieur ne s'apprécie pas encore pleinement et que l'on ne profite pas des ouvertures vitrées du bâtiment pour cause de fin de chantier, et de configuration de ce salon, il règne une ambiance de sérieur et de rigueur, de qualité dès l'entrée du hall qui laisse présager une qualité retrouvée qui avait émergé l'année dernière. La sculpture en papier suspendue (peut-être un peu haut) d'Angela Glajcar présentée sur le stand de la galerie belge Stream Art Gallery accueille les visiteurs.


St-Art 2022 - Stream Art Galery - Angela Glajcar - Hall 1 - Photo: lfdd

 

Même si l'on peut regretter une certaine liberté fantasque qui sied bien à l'art contemporain et des espaces un peu plus atypiques et les parenthèses que par exemple les expositions thématiques consacrées au design contemporain apportaient dans la visite - l'homogénéïté un peu "carrée" de la majorité des stands, qui apportent cette netteté de visite - la qualité de monstration des oeuvres leur rend honneur. 


St-Art 2022 - Galerie Kraemer - Jan Fabre - Erro - Photo: lfdd


Une exeption à la règle, mais c'est un peu sa volonté iconoclaste, c'est la "carte blanche" de  ST-ART que Yannick Kraemer occupe avec une collection époustoufflante et éclectique sur son espace un peu surchargé de 150m², mais il y a de quoi se faire régaler les yeux avec toute (enfin une partie de) sa collection d'Art contemporain qui va de César à Modigliani, des Nouveaux Réalistes à la Figuration Narrative et de Damine Hirst à Jan Fabre. Sans compter sur ses dernirs "coups de coeur", à savoir l'Art Asiatique avec Aninta Boonnotok et Africain avec Aboudia (Abdoulaye Diarrassouba), Saint Etienne Yeanzi et Ajarb Bernard Ategwa. Ou encore ses "amis" artistes proches, Daniel Gasser, Damien Ligier, Marie Marziac ou Marc Felten.


St-Art 2022 - Galerie Kraemer - Robert Combas - Photo: lfdd

St-Art 2022 - Galerie Kraemer - Gérard Schlosser - Photo: lfdd



Autre nouveauté thématique, c'est la photo avec la collaboration avec Strasbourg Art Photographie et Ryo Tomo son directeur qui avait exposé ses travaux l'année dernière et qui a monté une exposition autour de la thématique du cinéma. Son exposition en ville dans de nombreux lieux (reporté de mars à novembre) se clôt ici en beauté, avec un écrin qui valorise le travail des artistes dans un très bel - et sobre - accrochage double, puisque les oeuvres sont d'une part dans un espace "Cinéma" et d'autre part avec l'espace qui leur convient pour respiser individuellement. 


ST-ART 2022 - Galerie Photo - Nicolas Cochard - Viola Korosi - Andrea Christ - Photo: lfdd


Pour le cinéma, nous avons Pierre Zimmermann avec "Jour de pluie" (on enchante!), Aimerik Normand "Perdu corps et biens (une Odyssée de l'espace), Andrea Christ "Tief in mir" (l'introspection), Ryo Tomo "La clavicule de Luc" (clin d'oeil à Rohmer), Ryo Tomo qui projette également un court métrage (clin d'oeil à "Une séparation" d'Ashgar Fahrati?). 


St-Art 2022 - Photo cinéma - Dool - Diane Ottawa - Olivier Lelong - Photo: lfdd


Une installation de Dool (le couple d'artistes Diane Ottawa et Olivier Lelong) propose de son côté une double lecture de La Belle Captive, à la fois livre et film d'Alain Robbe-Grillet et tableaux de Magritte,  Le dispositif interroge à la fois la photographie et le cinéma, dans sa matière même (le thaumatrope) et la lumière mais aussi la chimie, le bain révélateur, le cadre, le rapport au sujet (proche-lointain) et l'enfermement ou la dépendance, le lien dans le sens physique, psychique et sentimental en cherchant aussi du côté de la culture underground japonaise et des pratiques érotiques, sujet de prédilection du couple.

Une autre vidéo, dont la présence est très discrète est l'installation de Tim White-Sobiski, Waiting for God, projection sur quatre écrans d'un film, hommage à la pièce de théâtre de Samuel Beckett En attendant Godot et qui a été tourné dans une ville italienne abandonnée par ses habitants, avec des musiques de Henry Purcell et Giovanni Battista. 


St-Art 2022 - Hommage à Jean Gresset - Dan Miller - Photo: lfdd


Un hommage est rendu à Jean Gresset, infatigable galeriste, très souvent présent à St-Art (et à Art Karlsruhe) - et qui avait présenté l'année dernière un aspect de sa collection personnelle (avec son épouse) autour de l'art construit, dont le stand était toujours plein de surprises (même son dernier "one man show"). Il nous a quitté début d'année et St-Art nous permet d'avoir un autre apperçu de ses découvertes et de ses coups de coeur dans le domaine de l'art brut et de l'art singulier. En particulier les oeuvres de Bernadette Touilleux, née à Rive-de-Gier et qu'il a découverte, ses oeuvres étant maintenant dans les collections du Museé de l'Art Brut à Lausanne. Sa collection (au moins la partie exposée) est très intéressante et variée. Quelques aspects:

 

St-Art 2022 - Hommage à Jean Gresset - Paul Amar - Photo: lfdd

St-Art 2022 - Hommage à Jean Gresset - Patrick Chapelière - Photo: lfdd


Pour ce qui est de l'Art Brut, on en trouve aussi en face à la Galerie Pol Lemetais qui présente quelques "outsiders", Carlo Zinelli et aussi le travail de la régionale Mina Mond qui présnete sa grande pièce "Le Char de la Mort", hommage à Théophile Schuler:


St-Art 2022 - Pol Lemétais - Carlo Zinelli - Photo: lfdd
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St-Art 2022 - Pol Lemétais - Mina Mond - Photo: lfdd

St-Art 2022 - Pol Lemétais - Mina Mond - Photo: lfdd


Egalement spécialisé dans l'Art brut et de retour à St-Art, la Galerie Rich-Fisch dont Richard Solti a pris la destinée.  Il présente toujours le figures de l'art brut, et les "outsiders", dont Michel Nedjar, Louis Carmeil, Etienne Champion, Carlo Zinelli, tout comme le régional de l'étape Hervé Bohnert qui présente ses photos et cartes postales retravaillées ainsi que ses sculptures:


St-Art 2022 - Galerie JP Ritsch-Fisch - Hervé Bohnert - Photo: lfdd


Autre artiste, Catherine Wilkening avec ses inspirations d'origine religieuses, crucifix et statues transformées:


St-Art 2022 - Galerie JP Ritsch-Fisch - Catherine Wilkening - Photo: lfdd

St-Art 2022 - Galerie JP Ritsch-Fisch - Catherine Wilkening - Photo: lfdd


St-Art 2022 - Galerie JP Ritsch-Fisch - Catherine Wilkening - Photo: lfdd



Parmi les galeries strasbourgeoise, WithoutArt Gallery de Marc Sun présente entre autres André Kneib et ses calligraphies, Michel Déjean et ses toiles minimalistes (il faut s'approcher pour apprécier), les photos de Nathalie Savey (rochers et cascades) et de Stéphane Spach, et les travaux de Claire Illouz, des gravures de Hans Hartung et de son épouse Anna-Eva Bergman:


St-Art 2022 - WithoutArt Galerie - Michel Déjean - Photo: lfdd

St-Art 2022 - WithoutArt Galerie - Stéphane Spach - Photo: lfdd

St-Art 2022 - WithoutArt Galerie - Anna-Eva Bergman - Photo: lfdd



La Galerie l'Estampe présente Erro, Speedy Graphito, Corneille, Christophe Hohler, Christophe Wehrung et Marie-Jo Daloz:

St-Art 2022 - Galerie l'Estampe - Christophe Hohler - Marie-Jo Daloz -Christophe  Wehrung - Photo:lfdd



Philippe Decorde montre le travail d'Eva Bathelier, Bounoure & Genevaux, Cécile Duchène, Patrick Lang et Pétra Werlé avec ses petites sculptures espiègles: 

St-Art 2022 - Galerie Decorde - Pétra Werlé - Photo:lfdd


Autre galerie strasbourgeoise, qui pour le moment n'a pas de local public, Pleasure Arts qui cultive à la fois l'art et le vin et présente des tableaux historiques de l'art contemporain français (Boiron, Combas, César, ...) et d'ailleurs (Erro, Frank Stella,..):

St-Art 2022 - Pleasure Arts - Erro - César - Franck Stella - Photo:lfdd



La galerie Myriam Booghs aussi n'a pas d'espace d'exposition à Strasbourg, elle présente quelques artistes dont Olivier Hannauer (la Chouette Photo) et des travaux de Nathalie Ramirez (photo) en collaboration avec Agathe Bailly (broderie):


St-Art 2022 - Galerie Myriam Booghs - Nathalie Ramirez - Agathe Bally - Photo:lfdd



Encore à Strasbourg, la galerie Aedaen qui montre les tirages photographiques uniques de Francesca Gariti, un travail sur la mémoire ainsi que les peintures de l'artiste allemande Theresa Möller, une valeur sûre de la galerie depuis quelques années.

 
St-Art 2022 - Aedaen - Theresa Möller - Francesca Gariti - Photo:lfdd



La galerie du graveur et éditeur colmarien Rémy Bucciali est un incontournable de St-Art depuis des années et il présente les travaux de ses collaborateurs Mitsuo Shiraishi (ses paysages oniriques) et sa fille Alma Bucciali (un tarot très intéressant), des travaux de Marie-Pascale Engelmann (variations florales en presque tondo), Didier Guth (une beau travail sur les couleurs), Baptiste Philippi, Raymond Waydelich, Alain Clément, Christine Colin, Michel Cornu, Robert Schad, Léonie Risjeterre (qui est aussi sur le stand de la Ville de Strasbourg - résidences croisées Stuttgart):

St-Art 2022 - Galerie Rémy Bucciali - Vinça Monadé - Robert Schad - Guth - Colin - Alain Clément - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Rémy Bucciali - Didier Guth - Christine Colin - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Rémy Bucciali - Alma Bucciali - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Rémy Bucciali - Alma Bucciali - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Rémy Bucciali - Baptiste Philippi - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Rémy Bucciali - Léonie Risjeterre - Photo:lfdd


Colmar est aussi la ville de la Galerie Murmure dont c'est la deuxième participation à St-Art. Cette année elle présente des oeuvres photographiques de Sophie Patry, de Louis Stettner et Stéphane Aït Ouarab, dit Saï  et des travaux de Yolaine Wuest et Rose-Marie Crespin ...

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St-Art 2022 - Galerie Murmure - Sophie Patry - Saï - Rose-Marie Crespin - M.G.D.P - Photo:lfd


Autre galerie haut-rhinoise,  la Galerie JustBe deMassevaux qui expose le Suisse Petr Beranek et l'Allemand Armin Göhringer entre autres:

St-Art 2022 - JustBee Galerie - Petr Beranek - Photo:lfdd


De Mulhouse nous vient la Galerie Valérie Cardi qui montre Bernard Latuner, Sauveur Pascual, Marie-Dominique Guth-Procureur, Yves Bingert et d'autres... 

St-Art 2022 - Galerie Valérie Cardi - Bernard Latuner - M.G.D.P - Photo:lfd


Je vous avais parlé des résidences croisées Strasbourg-Stuttgart sur le stand de la Ville de Strasbourg. On peut y voir le travail, les dessins sur tickets de Loto de Léonie Risjeterre, une grande fresque photographique de Martina Geiger-Gerlach The Parliament Dreams où tout les parlementaires ont les yeux fermés, et des oeuvres de Lenka Kühnertova, Caro Kniebietke, Emilie Picard et les peintures sous verre (et dans un semainier) de Clara Cornu.

St-Art 2022 - Résidences Croisées Strasbourg-Stuttgart - Léonie Risjeterre - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Résidences Croisées Strasbourg-Stuttgart - Clara Cornu - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Résidences Croisées Strasbourg-Stuttgart - Clara Cornu - Photo:lfdd


Sortons de notre région - le Grand Est, qui d'ailleurs a également un stand qui promeut le travail photographique de la Mission Photographique du Grand Est en cours avec Lionel Bayol-Thémines, Olivia Gay, Bertrand Stofleth, Eric Tabuchi et Beatrix von Conta - ce travail sera d'ailleurs bientôt exposé à Metz à l'Arsenal - à partir du 7 décembre 2022 jusqu'au 19 février 2023.


Donc quelques galeries parisiennes, nationales et internationales:


Directement de Paris, la Galerie Montmartre, sur la place du Tertre exposait une partie de son écurie, quelques artistes italiens dont Giorgio Tentolini avec un tableau en fil de fer et une petite sculpture de Salvado Dali, un hommage à Newton:


St-Art 2022 - Galerie Montmarte - Giorgio Tentolini - Dali - Photo:lfdd



La galerie Art Absolument (liée à la revue éponyme) qui était là l'année dernière avec, déjà, Anne Degann. Cette année, elle présente, entre autres, trois travaux de Jean Le Gac:

St-Art 2022 - Galerie Art Absolument - Jean Le Gac - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Art Absolument - Jean Le Gac - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Art Absolument - Jean Le Gac - Photo:lfdd



Autre Galerie qui revient, la galerie coréenne HAN avec un One woman Show de l'artise coréenne (née en Allemagne Ryung Kal, un très beau travail sur les couleurs.

St-Art 2022 - Galerie HAN - Ryung Kal - Photo:lfdd


L'Asie est également représentée par une jeune galerie parisienne, celle d'Arnaud Lebecq qui montre des artistes thailandais et un artiste indonésien:

St-Art 2022 - Galerie Arnaud Lebecq - Jiratchaya PripwaiKitikong Tilokwattanotai - Photo: lfdd


Une galerie belge, Mazel Galerie présente un artiste, Simon Berger qui a, pour le vernissage, fait une performance lors de laquelle il réalisait avec un marteau, en direct, un tableau qui ressemblait un peu à cela:

St-Art 2022 - Galerie Mazel - Simon Berger - Photo:lfdd


Et ne pas oublier un vétéran de St-Art, le strasbourgeois Georges-Michel Kahn, maintenant installé à l'Ile de Ré, avec ses artistes amis, Ben, Joël Ducorroy, Bernard Aubertin, Jean-Luc Parrent et plein d'autres à découvrir:
  
St-Art 2022 - Galerie Kahn - Bernard Auburtin - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Kahn - Bernard Auburtin - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Kahn - Bernard Auburtin - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Kahn - Bernard Auburtin - Ducorroy - Photo:lfdd

St-Art 2022 - Galerie Kahn - Arman - Photo:lfdd


Il y a enore plein de choses à voir et à découvrir, trois jours c'est court, il faut prendre le temps de regarder... A ce propos, l'association L'Art au delà du Regard, qui est toujours active pour faciliter l'accès à l'art pour les personnes non ou mal-voyantes avait un magnifique stand et une merveileuse initiative: Faire produire des "Taeffele" (tableautins), c'est-à-dire des oeuvres sur des rondelles de bois allongées utilisées autrefois comme souvenirs de vacances par des artites de la région. Le résultat est superbe et plus de cinquante artistes ont répondu à la proposition. Deux murs en étaient couverts. En voici un, photographié par un des artiste qui a participé activement au projet, Pascal-Henri Poirot:


St-Art 2022 - L'Art au-delà du Regard - les Taeffele - Photo: Pascal-Henri Poirot

 


A suivre...  en 2023...

La Fleur du Dimanche