Après, entre autres pays le Japon et l'Argentine, le Festival Arsmondo suit cette année la piste des tsiganes et propose des films, des concerts de jazz manouche et de flamenco. Une installation également dans les jardins de la HEAR avec la caravane du plasticien Romuald Jandolo qui réactive son enfance nomade. Et surtout une très belle exposition de la photographe Jeannette Grégori qui partage depuis des années à Strasbourg et ailleurs (entre autres aux Saintes Maries de la Mer) la vie quotidienne des manouches et des tsiganes à voir au Lieu d'Europe au début de la Robertsau. C'est elle qui a réalisé cette très belle photo de la fille du vent qui illustre l'affiche du Festival.
La fille du vent - Photo: Jeannette Grégori |
Quelques-unes de ses photos illustrent également le programme de l'Opéra National du Rhin, et de cette première soirée consacrée à deux oeuvres en miroir que sont Le Journal d'un disparu de Leos Janacek et L'Amour sorcier de Manuel de Falla.
La soirée est à l'image du décor de Paul Steinberg, avec ses deux pans de fond de scène qui se répondent dans un rouge qui n'est pas exactement le même, soit plus rosé, soit plus mauve ou violet. Ainsi les chorégraphies de Manuel Linan avec le souffle et les gestes du flamenco stylisé, intériorisés pour la pièce de Janacek et expressifs et exubérants, puissants pour Manuel de Falla.
Il est vrai que, même si les deux livrets parlent de tsiganes, celui basé sur les poèmes d'un paysan tchèque, tombant amoureux d'une tsigane qui rode autour de sa maison et quittant tout pour la suivre pour ne pas avoir à subir les foudres de sa famille et de son entourage ne raconte pas la même histoire que celui qui raconte les manoeuvres d'une gitane essayant d'envoûter son amour parti pour le faire revenir.
Musicalement aussi, la composition de Janacek puise ses racines dans la culture populaire et se présente plutôt comme une cantate - la première version était sous forme de Lieds avec piano - et pour cette représentation, Arthur Lavandier l'a réorchestré pour en petit ensemble de chambre, deux voix: Magnus Vigilius (ténor) et une mezzo-soprano (Josy Santos, très belle voix, très claire, à Strasbourg et Adriana Bignagni Lesca à Mulhouse) et un choeur. Un très bel équilibre entre les parties chantées et l'orchestre dirigé par le chef polonais Lucas Borowicz. A noter un interlude (le N° 13) uniquement musical qui décrit un épisode "érotique" (terme à replacer au début du 19ème siècle) dont la chorégraphie peut être comparée à la version "Amour Sorcier"... Soulignons à ce propos la haute qualité des sept danseurs qui ponctuent les deux pièces, avec une atmosphère différente, mais toujours avec les même costumes inventifs de Doey Luthy: pantalons collants noirs, dénudant des parties du corps, un tutu rose échappé, des robes noires à volants qui leur seyent à merveille et des hauts noirs, quelques rubans de tissus qui font plumes de coq noir et de grands châles noirs qui virevoltent, couvrent et découvrent les corps.
La fille qui rêve - Photo: Jeannette Grégori |
Ce noir qui enflamme le coeur du pauvre paysan mais surtout qui brûle tout et tout le monde de son énergie pour L'Amour Sorcier de Manuel de Falla. La musique est puissante, bien que la version choisie est la première version, également pour petit orchestre de chambre et cantaora. Rocio Marquez souffrance ayant été remplacée "au pied levé" par Esperanza Fernandez qui a assumé à merveille cette prise de rôle. Elle enchaîne avec brio les airs - "chanson du coeur brisé" ou "chanson du Pêcheur" ou "chanson du feu follet" - ou les danses jusqu'à l'aube où retentissent les cloches pour célébrer l'amour revenu. Une soirée qui prouve que par delà les frontières et les pays, la question de l'amour peut unir, la musique aussi, et la danse avec leur langage commun.
La Fleur du Dimanche
Journal d'un disparu - L'Amour Sorcier
du 15 au 24 mars à Strasbourg
le 1er et 3 avril à Mulhouse
Cycle de 22 mélodies sur des poèmes anonymes (attribués à Josef Kalda).
Créé au Palais Reduta de Brno le 18 avril 1921.
Nouvelle orchestration d’Arthur Lavandier.
Gitanerie musicale en 16 tableaux pour orchestre
de chambre et cantaora (première version).
Créée au Teatro Lara de Madrid le 15 avril 1915.
Direction musicale: Łukasz Borowicz
Mise en scène: Daniel Fish
Chorégraphie: Manuel Liñan
Décors: Paul Steinberg
Costumes: Doey Lüthi
Lumières: Stacey Derosier
Vidéo: Joshua Higgason
Chef de chœur: Alessandro Zuppardo
Chœur de l'Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse
Janik: Magnus Vigilius
Zefka pour les représentations à Strasbourg: Josy Santos
Zefka pour les représentations à Mulhouse: Adriana Bignagni Lesca
Les Artistes
Danseur - Chorégraphe: Manuel Liñan
Danseurs: Miguel Heredia, Hugo Lopez, Jonatan Miro, Daniel Ramos, Adrián Santana, Yoel Vargas
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