Les fêtes familiales sont passées, Noël n'est plus ce qu'il était, le froid par contre pointe son nez et le réchauffement climatique ne se laisse deviner que par la force des vents qui traversent le pays.
J'espère que vous avez été gâtés et que vous pensez un peu à l'avenir, pas qu'au passé... à ce propos si vous avez raté le lien entre Pâques et Noël; c'est ici (le film manquait)
A ce sujet, j'ai un TVA pour vous, la nostalgie n'étant plus ce qu'elle était, elle se fait remplacer par un nouveau concept.
Mais place à la fleur, ou plutôt le fruit.... du fusain, pour écrire le futur:
Fusain de Noël - Photo: lfdd |
Pour vous parler de ce nouveau concept, je vais vous citer un extrait de l'un entretien paru dans le Monde du 23 décembre avec Thomas Dodman "Les populismes montrent l’emprise d’une politique de la nostalgie"
Thomas W. Dodman est historien, il a fait paraître aux Etats-Unis une "Histoire de la nostalgie" (What Nostalgia Was: War, Empire, and the Time of a Deadly Emotion, University of Chicago Press, 2018), qui sera publiée en France par les éditions du Seuil en 2022.
Après la nostalgie, il a découvert une nouvelle émotion: la "solastalgie":
"L’apparition de la solastalgie et d’un nouveau vocabulaire pour exprimer la façon dont nous ressentons les effets du changement climatique montre comment les affects évoluent au fil de l’histoire. Cela ne va pas de soi : selon une idée répandue, nos émotions seraient universelles, ancrées dans notre évolution génétique et régies en premier lieu par des processus biologiques. Pourtant, les sciences sociales montrent, depuis un certain temps déjà, toute la variété des sensibilités : difficile pour un peuple autochtone vivant dans l’isolement de reconnaître nos émojis, ou pour nous de nous retrouver pleinement dans l’analyse des émotions que donnait Aristote il y a plus de deux mille ans dans sa Rhétorique. » C’est le philosophe Glenn Albrecht qui « invente le terme [en 2003] pour décrire les effets des mines à ciel ouvert dans la Upper Hunter Valley en Australie, il parle à la fois d’une détresse « psychoterratique » due à la destruction du paysage naturel et de certaines formes de vie sociale, et d’une maladie « somaterratique » causée par la pollution atmosphérique, sonore, lumineuse…"
En ce qui concerne la « nostalgie, c’est un "jeune étudiant en médecine mulhousien Johannes Hofer (un médecin alsacien de 19 ans) (qui) crée le néologisme, en 1688, c’est pour diagnostiquer une maladie causée par l’expatriation plus ou moins contrainte." - voir le "Heimweh" - la douleur des mercenaires suisses de l’armée de Louis XIV.
… « la « nostalgie », appelée communément « mal du pays », sera donc un terme médical, utilisé pour les soldats, les esclaves, les migrants et les colons, et se solde par la mort, faute de traitement approprié. »
… « J’ai été complètement captivé par des rapports de médecins parlant de soldats qui mouraient de nostalgie pendant les guerres révolutionnaires et j’ai voulu comprendre ce que cela pouvait bien dire, à la fois de cette époque et de comment nos émotions changent dans le temps. »
… « la nostalgie s’inscrit dans une double temporalité contradictoire et typique de l’époque capitaliste, où tout se transforme et se reconstitue en permanence. C’est pendant la colonisation de l’Algérie que les Français « apprennent » à ne plus mourir de nostalgie, se ressourçant dans une sorte de placebo avec la création de villages typiquement français, pour donner à la colonie un air du pays. »
…. « Si aujourd’hui les populismes montrent toute l’emprise d’une politique de la nostalgie, c’est aussi parce qu’ils transcendent le clivage gauche¬-droite, fédérant les ressentiments des uns et des autres. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y a des similitudes troublantes entre la solastalgie et le discours des électeurs d’un Donald Trump. Eux aussi ont l’impression d’être devenus des « étrangers chez eux » – c’est d’ailleurs le titre d’une enquête menée en Louisiane par la sociologue Arlie Hochschild : Strangers in Their Own Land (The New Press, 2016) –, d’avoir été remplacés par de nouveaux « assistés » : Noirs, Latinos, femmes, personnes LGBT, réfugiés ou musulmans… Les cibles peuvent changer d’un pays à l’autre, mais l’on retrouve ce même discours un peu partout, car ce qui unit toutes les nostalgies souverainistes et néo¬impériales d’aujourd’hui (au même titre que celles, étonnantes, pour le colonialisme en Afrique ou le socialisme soviétique dans l’ancien bloc de l’Est) est la peur du déclassement, la conviction que nous viv(r)ons moins bien que nos parents. »
… « Si les grandes pandémies de l’histoire ont souvent provoqué des transformations sociales et politiques profondes, elles redécoupent aussi l’univers des sensibilités. Les vagues de choléra qui traversent l’Europe tout au long du XIXe siècle cristallisent le dégoût et la peur qui collent depuis aux migrants étrangers et aux classes populaires. Et si le sida bouleverse l’intimité des uns et des autres, il provoque aussi une colère et une joie de vivre que l’on retrouve dans la mobilisation d’Act-Up. »
… « Glenn Albrecht regrette aujourd’hui d’y avoir initialement vu un syndrome psychopathologique, préférant désormais parler d’une révolte douce, en phase avec le mode de vie durable des peuples indigènes les plus exposés au réchauffement climatique. Un sentiment éthique, en somme, toile de fond à la colère indignée qu’expriment les jeunes manifestants des marches pour le climat. Il ne s’agit ni d’être naïf ni d’être passif, mais à l’écoute de ce que Du Bois appelait "un espoir non pas désespéré, mais sans illusions" »
Autre fruit, pas fleur, appelé "amour en cage" ou alkekenge:
Physalis ou alkekenge - Photo: lfdd |
Le terme « alkékenge », qui est apparu dans la langue française au XIVe siècle, vient de l'ancien français «alquequange» ou «alcacange», lequel dérive de l'arabe al-kakanj. Dans son sens étroit, il désigne la lanterne chinoise, plante ornementale de l'espèce Physalis alkekengi dont les fruits sont enfermés dans une enveloppe d'un orange vif. Toutefois, dans la langue populaire, le mot peut désigner n'importe quelle plante du genre Physalis.
Bon, la solastalgie n’a rien à voir avec le solstice d’hiver... d’ailleurs saviez-vous qu’après le solstice d’hiver – le jour le plus court, le soleil continue de se lever plus tard?
Le vrai Soleil n'est pas aussi régulier que l’heure officielle. Parfois il a de l'avance et d'autres fois du retard. Cet écart ou cette correction porte le nom « d'équation du temps ». Cette irrégularité se produit suite à l'inclinaison de l'orbite de la Terre par rapport à l'équateur et suite à l'ellipticité de l'orbite sur laquelle la Terre tourne autour du Soleil. Cette correction se fait donc en deux étapes: A cause de l'inclinaison de l'orbite de la Terre par rapport à l'équateur, et comme l'orbite est elliptique et la vitesse est la plus élevée lorsque la Terre se situe au plus près du Soleil. Cela se produit au début du mois de janvier.
La longueur de la journée est déterminée en fonction des intervalles entre les passages successifs du Soleil au sud. Jusqu'au 21-22 décembre, les journées deviennent moins longues et le Soleil se lève plus tôt et se couche plus tard. Mais pour l'équation du temps, le Soleil traverse le sud de plus en plus tard pendant les mois de décembre et de janvier (par jour entre 20 et 30 secondes plus tard). À partir du 12 décembre cette différence est plus grande que l'avance du coucher du Soleil. Les jours deviennent alors plus court, le lever du Soleil se fait aussi de plus en plus tard, mais aussi la traversée dans le sud et le coucher du Soleil commence par être retardés. À partir du 21-22 décembre, les jours deviennent à nouveau plus longs. Le Soleil se couche plus tard, mais reste encore plus longtemps dans le sud. C'est pourquoi il faut encore un certain temps avant que le lever du Soleil soit tôt assez pour que le retard du midi réel puisse diminuer. Après le 31 décembre, le lever du Soleil est vraiment plus tôt. Tout le phénomène se fait remarquer beaucoup plus dans la période du 21 décembre qu'aux environs du 21 juin, puisque pendant les mois de novembre, décembre et janvier, la différence du temps est la plus grande.
Cette année, le soleil s'est couché à 16:53 du 9 au 13 décembre et à 16.54 le 14 puis 16.55 le 18. Le matin il se lève à 8:36 le 13 puis 8 :37 le 15, 8:38 le 16 et 8:42 du 23 au 25 jusqu’à 8:43 du 26 au 31 pour ne rallonger que le 1er janvier. Même si les jours rallongent déjà à partir du 21 décembre (où le jour ne dure que 8 heures 15 tout rond).
Bon, là c'est bien une fleur que je vous mets, fleur que vous avez plus l'habitude de boire! Il s'agit du houblon:
Fleur de houblon - Photo: lfdd |
Et pour finir, une pensée et un hommage à un poète ouïghour Abduqadir Jalalidin enfermé - comme beaucoup de ses compatriotes par la Chine.
C'est son élève, Joshua L. Freeman, historien de la Chine et de l'Asie intérieure et est actuellement chercheur postdoctoral Cotsen à la Princeton Society of Fellows qui l'a publié pour sauvegarder la parole de ce peuple.
Voici le poème:
Dans cet endroit oublié, je n'ai pas de touche amoureuse
Chaque nuit apporte des rêves plus sombres, je n'ai pas d'amulette
Ma vie est tout ce que je demande, je n'ai pas d'autre soif
Ces pensées silencieuses tourmentent, je n'ai aucun moyen d'espérer
Qui j'étais autrefois, ce que je suis devenu, je ne peux pas savoir
A qui pourrais-je dire les désirs de mon cœur, je ne peux pas dire
Mon amour, le tempérament des destins que je ne peux pas deviner
J'ai envie d'aller vers vous, je n'ai pas la force de bouger
A travers les fissures et les crevasses, j'ai regardé les saisons changer
J'ai cherché en vain des bourgeons et des fleurs pour avoir de vos nouvelles
Jusqu'à la moelle de mes os, j'ai eu envie d'être avec vous
Quelle route menait ici, pourquoi je n'ai pas de route pour rentrer chez moi
Et un extrait de ce que nous dit Joshua L. Freeman - paru en français sur le site de Médiapart "La Chine a fait disparaître mon professeur":
"La dernière fois que j'ai vu mon ancien professeur Abduqadir Jalalidin à son appartement d'Urumqi, c'était fin 2016. Devant des nouilles maison et quelques bouteilles de liqueur chinoise, nous avons parlé et ri de tout, de la littérature ouïghoure à la politique américaine. Plusieurs années auparavant, lorsque j'avais soutenu ma thèse de maîtrise sur la poésie ouïghoure, Jalalidin, lui-même un poète célèbre, s'était assis en face de moi et avait posé des questions difficiles. Maintenant, nous n'étions plus que des amis.
Ce fut une soirée mémorable, à laquelle j'ai pensé à maintes reprises depuis que j'ai appris, début 2018, que Jalalidin avait été envoyé, avec plus d'un million d'autres Ouïghours, dans les camps d'internement chinois.
Comme pour mes autres amis et collègues qui ont disparu dans ce vaste goulag secret, des mois se sont écoulés sans que Jalalidin ne donne de nouvelles. Et puis, à la fin de cet été, le silence s'est rompu. Même dans les camps, ai-je appris, mon ancien professeur avait continué à écrire de la poésie. D'autres détenus avaient gardé en mémoire ses nouveaux poèmes et avaient réussi à transmettre l'un d'entre eux au-delà des portes du camp."
En hommage à ces voix muselées, une fleur de bois qui a traversé les années:
Fleur de bois - Photo: lfdd |
Pour finir (en chansons), quelques airs chantés par deux femmes qui nous ont quittés cette année, deux Anne: Anne Sylvestre et Anne Vanderlove (oh, non c'était déjà en 2019 - il y a quelquefois comme un air de famille, ne trouvez-vous pas?
Anne Sylvestre - T'en souviens-tu, la Seine ? (télévision, 1965)
Anne Vanderlove " Je me suis souvent demandé":
Anne VANDERLOVE - mes beaux amours - 1966
Ballade en novembre
Anne Sylvestre - Ca n'se voit pas du tout - Chanson française
Mon mari est parti:
Anne Sylvestre et Boby Lapointe "Depuis l'temps que j'l'attends mon prince charmant"
Et pour finir, une chanson de circonstance: Anne Sylvestre "Le père Noël et la petite fille" d'un poète-chanteur qui disait beaucoup de bien d'elle et l'a soutenue
Alors, en attendant, encore Joyeux Noël et bonnes fêtes de fin d'année à toutes et tous
La Fleur du Dimanche