Un voyage au long cours, emporté par le texte, les images, les lumières, le décor changeant et la musique.
Item - Théâtre du Radeau - François Tanguy - TNS - Photo: Jean-Pierre Estournet |
Nous emmener ailleurs.... au théâtre, au sens premier du terme, un peu comme le dit un comédien, citant Dostoïevski dans Item:
"Vous savez que, si je suis venu ici, c'est pour regarder les arbres? [....] j'ai passé tellement de temps à regarder, par cette fenêtre, et tellement réfléchi... sur tout le monde, que... Les morts n'ont pas d'âge, vous savez... [...] ..eh bien tout ça, il faut que tu leur dises... essaie, dis-leur: Tiens cette beauté"
Eh bien, la beauté de cette pièce, Item, sa dernière production, elle est comme cela, indéfinissable, mouvante, étrange.
Item - Théâtre du Radeau - François Tanguy - TNS - Photo: Jean-Pierre Estournet |
Elle bouge, comme toutes les pièces du Théâtre du Radeau, le décor lui-même en premier.
On s'y attend et quand il bouge on est surpris. Parce que même si on voit les comédiens eux-même ouvrir cet espace et lui donner de la profondeur, des points de fuite variables, des prespectives nouvelles - comme à ces images, ces tableaux qui défilent et tournent, ou dont on ne fait que parler en sollicitant notre imagination (le portrait de la dernière minute d'un condamné à mort) ou dont on ne parle que par ricochet (le tableau vu par Dostoïevski à Bâle) - on se retrouve dans des espaces inconnus ou mystérieux. Et les comédiens les habitent et y surgissent lentement ou curieusement pour redisparaître et resurgir ailleurs, engloutis par les trous noirs et créant l'espace. Tout comme ils créent une narration imaginaire avec ces textes, tout autant puzzle que le décor.
Item - Théâtre du Radeau - François Tanguy - TNS - Photo: Jean-Pierre Estournet |
Pour les pièces précédentes, par exemple Passim en 2015, il empruntait à Paul Célan, ou Soubressaut en 2018 avec, entre autres, Valéry, Weiss, Walser ou Courteline. Pour Item, nous retrouvons Robert Walser et ses textes "habités" qui jouent sur le souvenir, "les Lombards" ou les Niebelungen ou sur des repas fantastiques et nous amènent via des dédales au Labyrinthe et à Ovide. Mais le corpus central tourne autour de Dostoïevsky et de sa douce folie souterraine de l'Idiot pour s'achever avec Goethe et la folie de son Faust:
"Die Sonne tönt nach alter Weise
In Brudersphären Wettgesang
Und ihre vorgeschriebene Reise
vollendet sie mit Donnergang
....
Le soleil sur un air ancien
Sonne dans le choeur alterné des sphères jumelles
Et accomplit d'un pas tonnat
Le périple qui lui est prescrit
..."
Item - Théâtre du Radeau - François Tanguy - TNS - Photo: Jean-Pierre Estournet |
Ce périple nous le faisons également avec la troupe, qui nous guide à travers cet univers, peuplé de personnages en costumes changeants, intrigants et magiques, sur la pointe des pieds, pour ne pas briser le rêve ou tomber dans un trou noir de l'univers, soutenu également par le montage des extraits musicaux qui contribuent pleinement à cette atmosphère de voyage intersidéral bricolé tout en restant sur terre, et que l'on peut également voir comme un voyage intérieur.
L'objectif (Lune?) est atteint, tel que le formulait la comédienne Laurence Chable dans le programme du TNS avec l'interview par Fanny Mentré en avril 2019 avant le début du travail sur le spectacle:
"Nous cherchons quelque chose de l’ordre d’une rencontre qui se meut et ne cesse de se mouvoir, c’est-à-dire autant pendant le temps de cette rencontre que durant la suite − si suite il y a − d’un imaginaire intime. Comment faire pour qu’une rencontre ait lieu − une rencontre qui déjouerait les codes, les statuts, les catégories et les certitudes de la perception?"
Item - Théâtre du Radeau - François Tanguy - TNS - Photo: Jean-Pierre Estournet |
Objectif que François Tanguy lui-même avait déjà noté et qu'elle cite texto:
« Se concentrer sur la perception comme une lutte très concrète entre la perception et l’opinion, comme politique au sens le plus simple. Politique comme l’ensemble des rapports qui rendent possible la communauté, dans le sens où celle-ci rassemble une multitude de singularités qui se font et se défont, et font se refaire le lien qui rassemble. Mouvement de l’altérité, constant.
Partager, par tous les moyens, ce qui se passe, passé du présent-là qui n’est rien d’autre que l’action, non vers le futur, mais vers un devenir ou l’advenir.
La mémoire: collection de choses passées ou prisme par lequel le vivant se reconstitue en advenant à lui-même, dont il est le contemporain d’une manière ou d’une autre.
[…] Ne pas poser sa marque mais ouvrir le champ.
À quoi ça sert? Pas plus à rien qu’à quelque chose, seulement à préserver, à ne pas détruire le champ du possible, même quand il est conflictuel.
Pourquoi chacun de nous ne s’accorderait pas cette liberté de ranimer la question? »
Bon spectacle
La Fleur du Dimanche
Item
Au TNS - Théâtre National de Strasbourg
Du 8 au 16 janvier
Le Mans
Du 5 au 23 novembre 2019 à la Fonderie
Gennevilliers
Du 5 au 16 décembre 2019 au T2G − Théâtre de Gennevilliers, Centre dramatique national
Grenoble
Du 11 au 15 février 2020 à la MC2: − Maison de la Culture − Scène nationale
Besançon
Les 11 et 12 mars 2020 au Centre dramatique national
Toulouse
Du 10 au 13 juin 2020 au Théâtre
Garonne − Scène européenne
Un spectacle du Théâtre du Radeau
Mise en scène et scénographie François Tanguy
Avec Frode Bjørnstad, Laurence Chable, Martine Dupé, Erik Gerken, Vincent Joly
Son Éric Goudard, François Tanguy
Lumière François Fauvel, Julienne Havlicek Rochereau, François Tanguy
Construction Pascal Bence, Frode Bjørnstad, François Fauvel, Jean Guillet, Julienne Havlicek Rochereau, Vincent Joly, Jimmy Péchard, François Tanguy
Production Théâtre du Radeau, Le Mans
Coproduction MC2: Grenoble, T2G – Théâtre de Gennevilliers, Festival d’Automne à Paris, Théâtre National de Strasbourg, Centre dramatique national de Besançon Franche-Comté, Les Quinconces – L’Espal – Scène nationale du Mans
Le Théâtre du Radeau est subventionné par l’État, Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire, la Région des Pays de la Loire, le Conseil départemental de la Sarthe
Avec le soutien du Théâtre Garonne – Scène européenne
Création le 5 novembre 2019 à la Fonderie, en coréalisation avec Les Quinconces – L’Espal – Scène nationale du Mans
Belle analyse, à laquelle je souscris! Bravo Robert!
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