Elle nous rend présentes, dans une corporéité époustouflante ces trois femmes: la jeune étudiante palestinienne Shirin Akhras qui se portant volontaire comme kamikaze, l’Israélienne Eden Golan humaniste et progressiste et Mina Wilkinson, une militaire américaine de 40 ans en mission sur le territoire israélo-palestinien.
Je crois en un seul Dieu - Stefano Massini - Arnaud Meunier - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet |
Sans artifice de mise en scène (les indications d'origine de mise en scène qui consistaient en des changements d'éclairage pour les 3 personnages ont été abandonnés), juste une variation d'attitude, d'expression et de couleur de la voix nous rendent étrangement présentes les pensées de chacune des protagonistes.
Et c'est aussi l'objectif premier de la pièce: nous emmener dans ces trois processus de pensée et l'évolutions de ces trois personnages, à savoir un engament progressif dans une démarche d'immersion militante débouchant sur des actes terroristes pour Shirin Akhras, une évolution vers le doute et la méfiance suite à la peur pour une femme engagée et progressiste et, pour l'Américaine, un regard plus "occidental" et presque primaire pourtant non dénuée de bon sens.
La pièce nous amène au plus près dans les errements et les navigations de l'âme de chacune des protagoniste en nous les rendant proches et "lisibles". Comme le dit Rachida Brakni dans le programme, en ce qui concerne la "terroriste":
"La phrase de Manuel Valls à propos du terrorisme: « Expliquer, c’est déjà vouloir excuser », m’avait profondément choquée. Je ne suis pas d’accord. Il ne s’agit pas d’excuser mais de chercher à comprendre les mécanismes de pensée et se servir de cette connaissance pour justement faire en sorte qu’on puisse réfléchir, appréhender la source du problème. Que l’on ait des outils pour tenter de comprendre le processus d’aliénation mentale de ces personnes dont on préfère dire qu’elles «ne font plus partie des humains ».
Je pense que c’est aussi le rôle du théâtre, de l’art : aller fouiller dans tout ce qu’il y a d’à priori incompréhensible − voire monstrueux − dans la nature humaine."
Je crois en un seul Dieu - Stefano Massini - Arnaud Meunier - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet |
Et pour l'enseignante: "Je m’interroge de la même façon: si je m’étais retrouvée dans la situation d’Eden Golan? Je déteste évidemment ses propos, mais je les trouve aussi profondément humains, parce qu’ils sont générés par la peur. De la peur naissent des discours ou des prises de positions, des actes, qui peuvent être
terribles. C’est peut-être le pire des sentiments, dans ce qu’il peut engendrer − de manière plus ou moins consciente, d’ailleurs.
La voir lutter contre elle-même et essayer de se raccrocher à ce en quoi elle a toujours cru me touche profondément. Ce combat est beau et désespérant."
Je crois en un seul Dieu - Stefano Massini - Arnaud Meunier - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet |
La pièce, construite comme un polar nous fait donc participer à l'évolution sur un an de ces trois personnages que le destin va amener à se croiser. Et la mise en scène au couteau d'Arnaud Meunier nous tient en haleine et grâce au jeu d'une grande épure. Comme le fait remarquer Rachida Brakni, le travail sur le corps et le mouvement "une économie de mouvements et une économie de gestes" avec le chorégraphe Loïc Thouzet.
Elle complète:
"Ce qui m’a plu dans cette aventure, c’est que tout allait dans le même sens. Que ce soit au niveau de la scénographie, du corps, de la prise de parole, il s’agissait de nous débarrasser de toutes les strates qui pouvaient nous encombrer ou qui étaient anecdotiques, pour arriver à quelque chose de très simple. J’aime retrouver, chaque soir, cette sensation de dépouillement."
Il faut noter également le travail de scénographie et de lumière de Nicolas Marie qui révèle des ambiances comme des tableaux de Rothko et contribuent à capter l'attention.
Il y a d'ailleurs un moment assez impressionnant ou le personnage, par un magnifique effet d'optique, la rémanence du corps dans la nuit, se transforme en fantôme vivant ...
Et ces fantômes prennent possession de nous par la magie de l'interprétation pour nous faire prendre conscience de ce que nous ne sommes pas, comme le dit Arnaud Meunier:
"C’est l’idée géniale de cette pièce que d’avoir imaginé que les trois femmes pourraient être interprétées par une seule comédienne. Comme si ces trois femmes n’en faisaient qu’une, comme si elles représentaient nos contradictions très humaines justement.
La pièce ne renvoie absolument pas dos à dos Israéliens et Palestiniens. Ce n’est pas le sujet d’une certaine manière. Elle donne à voir un «monde sans procès» (l’expression est de Roland Barthes) pour mieux nous plonger dans l’intime, dans le profond.
Rachida est l’interprète idéale : sensible, engagée, juste dans son incarnation; elle nous donne à voir et à entendre ces trois points de vue qui s’entrelacent sans cesse avec une finesse puissante et rare."
Et l'on peut conclure avec la remarque de Rachida Brakni:
"Je n’aime pas le théâtre didactique, l’idée qu’on puisse imposer aux gens un point de vue. Pour moi, le texte est à l’inverse de ça: il fait cohabiter les contraires. Et peut-être qu’en cela il ouvre des portes... Il me semble que la pièce est une invitation à être, simplement, dans l’optique de se dire : «J’essaie de comprendre − et de me mettre dans la peau de quelqu’un, ne serait-ce que quelques instants.» Ce n’est pas excuser, ce n’est pas pardonner mais juste essayer de prendre un peu de hauteur."
Prendre de la hauteur pour rentrer dans les âmes et prendre avec...
Et nous prenons sans hésiter!
Il y a d'ailleurs un moment assez impressionnant ou le personnage, par un magnifique effet d'optique, la rémanence du corps dans la nuit, se transforme en fantôme vivant ...
Je crois en un seul Dieu - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet |
Et ces fantômes prennent possession de nous par la magie de l'interprétation pour nous faire prendre conscience de ce que nous ne sommes pas, comme le dit Arnaud Meunier:
"C’est l’idée géniale de cette pièce que d’avoir imaginé que les trois femmes pourraient être interprétées par une seule comédienne. Comme si ces trois femmes n’en faisaient qu’une, comme si elles représentaient nos contradictions très humaines justement.
La pièce ne renvoie absolument pas dos à dos Israéliens et Palestiniens. Ce n’est pas le sujet d’une certaine manière. Elle donne à voir un «monde sans procès» (l’expression est de Roland Barthes) pour mieux nous plonger dans l’intime, dans le profond.
Rachida est l’interprète idéale : sensible, engagée, juste dans son incarnation; elle nous donne à voir et à entendre ces trois points de vue qui s’entrelacent sans cesse avec une finesse puissante et rare."
Je crois en un seul Dieu - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet |
Et l'on peut conclure avec la remarque de Rachida Brakni:
"Je n’aime pas le théâtre didactique, l’idée qu’on puisse imposer aux gens un point de vue. Pour moi, le texte est à l’inverse de ça: il fait cohabiter les contraires. Et peut-être qu’en cela il ouvre des portes... Il me semble que la pièce est une invitation à être, simplement, dans l’optique de se dire : «J’essaie de comprendre − et de me mettre dans la peau de quelqu’un, ne serait-ce que quelques instants.» Ce n’est pas excuser, ce n’est pas pardonner mais juste essayer de prendre un peu de hauteur."
Prendre de la hauteur pour rentrer dans les âmes et prendre avec...
Et nous prenons sans hésiter!
La Fleur du Dimanche
Je crois en un seul dieu
TNS Strasbourg - du 24 mai au 3 juin 2018
Mise en scène Arnaud Meunier
Avec Rachida Brakni
Traduction Olivier Favier et Federica Martucci
Assistanat à la mise en scène et à la dramaturgie Parelle Gervasoni
Scénographie et lumière Nicolas Marie
Collaboration artistique Elsa Imbert
Costumes Anne Autran
Musique Patrick De Oliveira
Regard chorégraphique Loîc Touzé
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers de La Comédie de Saint-Étienne
Le texte est publié chez L'Arche éditeur sous le titre O-dieux
Stefano Massini est représenté par L’Arche, agence théâtrale www.arche-editeur.com
Production La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national
Avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, Centre international de la traduction théâtrale
Création le le 10 janvier 2017 à La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national
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