On ne vous présente plus Dom Juan, vous le connaissez,
vous l’avez sûrement vu ou rencontré une ou plusieurs fois, alors, pourquoi
aller le (re)voir au théâtre ?
Il passe au TNS, dans une mise en scène de Jean-François
Sivadier, est-ce une raison suffisante ?
Ou alors, vous adorez Nicolas
Bouchaud ? Vous l’avez vu jouer et vous ne ratez pas une pièce dans
laquelle il apparait ? Vous avez de la chance, il est comédien associé au
TNS – Théâtre National de Strasbourg et vous pouvez en profiter…
TNS : Dom Juan et Mathurine - Photo: Jean-Louis Fernandez |
Mais il y a plein d’autres raisons d’aller voir ce
spectacle qui passe encore jusqu’au 14 janvier à Strasbourg.
Tout d’abord, parce que même si vous connaissez Dom Juan,
c’est toujours profitable de revoir l’histoire de cet homme qui en bousculant
les conventions, fait un peu bouger les lignes et insuffle un air salvateur
dans votre réflexion.
D’autre part, une nouvelle mise en scène apporte un
nouvel éclairage sur cette histoire et celle de Jean-François Sivadier, tout en
se faisant plaisir d’être du vrai théâtre va nous permettre de réinterroger le
mythe de cet homme qui dit ne croire qu’en "Deux et deux font quatre, et
quatre et quatre font huit"...
TNS : Dom Juan - Photo: Jean-Louis Fernandez |
Et comme je le disais, c’est du vrai théâtre avec des
machineries qui nous surprennent et nous enchantent - saluons le travail de scénographie
de Daniel Jeanneteau et de
Christian Tirole qui complètent celui de Jean-François Sivadier de même que les Lumières
de Philippe Berthomé.
Parce que cette
mécanique des sphères qui tournent, montent, descendent, bougent,
disparaissent, nous éclairent, nous aveuglent dans le noir et nous éblouissent,
ces espaces mouvants qui tombent, glissent, se
fragmentent, se décalent et nous escamotent dans un instant magique
le "maître" nous font passer un pur moment de féérie.
TNS : Dom Juan et Sganarelle - Photo: Jean-Louis Fernandez |
Et puis il y a bien sûr les comédiens, superbes, dont on
imagine qu’ils sont deux fois plus nombreux, et surtout le couple infernal Dom
Juan – Sganarelle, joué par Nicolas Bouchaud et Vincent Guédon et dont on sent
une complicité construite déjà au fil du temps - depuis quinze ans ! - sur
les précédentes pièces qu’il ont jouées avec Jean-François Sivadier pour en arriver à un jeu très
différent mais parfaitement en phase.
Il faut rappeler que Jean-François Sivadier avait, en 1996, repris la mise en scène
du diptyque Dom Juan/Chimère et autres bestioles de l’écrivain et metteur en
scène Didier-Georges Gabily décédé avant la création. Et l’on peut dire
que cette pièce est en quelque sorte un hommage aussi à Gabily.
TNS : Dom Juan et Elvire - Photo; Jean-Louis Fernandez |
Il y a donc ces pur plaisir de jeu, dont on imagine
d’ailleurs que Molière a aussi dû se faire plaisir et en rire, et rire et se
moquer de tous ceux qui aurait bien voulu lui clouer le bec. Mais il est assez
finaud pour tromper son monde (enfin pas totalement, une des scène a été
censurée à l’époque, dès la deuxième représentation...). Et il en fait trop !
il nous assemble des scènes de genre, il nous propose des variations de thèmes,
il interroge à tous les niveaux, mais c’est pour notre plaisir et pour notre
salut !
Et ce texte, incarné par ces superbes comédiens et mis en
scène avec le primat du texte (et Jean-François Sivadier s’est aussi fait plaisir en
rajoutant un texte du Marquis de Sade) est un bon moment – qui dure bien ses
deux heures trente sans besoin de pause ni d’entracte – qu’il ne faut surtout pas
rater.
TNS - Don Juan - le commandeur et Sganarelle |
En complément, je vous offre quelques extraits d’un texte où Jean-François
Sivadier parle de son projet:
"Dom Juan ne ressemble à aucune des autres pièces
de Molière, c’est un ovni dans son œuvre. A l’image de son protagoniste, c’est
un texte insaisissable, qui ne se laisse pas apprivoiser, c’est ce qui fait sa
force et son étrangeté...
Molière, en mélangeant les formes et les registres de
jeu, en se jouant des codes de la dramaturgie classique, arrive à mettre en
doute la représentation elle-même. Dom Juan, c’est vraiment la grande pièce de
Molière sur le doute."
Et au sujet du jeu
et de la scène:
"… je cherche toujours à montrer que l’espace que
peut convoquer un acteur est sans limite; que le plateau est le premier endroit
– ou le dernier – où l’on peut redécouvrir, comme la première fois, la
naissance de la parole et celle du mouvement, que l’acte poétique est
accessible à tous, que les acteurs et le public partagent un temps et un espace
qui est exactement le même... que le théâtre va naître entre la présence brute,
réelle de l’acteur et l’espace qu’il va ouvrir en prenant la parole. Il y a un mot de Godard que j’aime
beaucoup: "la présence comme documentaire, la parole comme
fiction.""
Et pour vous "obliger" à aller voir le spectacle:
"Molière fait de nous les jurés d'un procès qui n'a pas lieu: pas de leçon, pas de morale, pas de verdict."
Et pour vous "obliger" à aller voir le spectacle:
"Molière fait de nous les jurés d'un procès qui n'a pas lieu: pas de leçon, pas de morale, pas de verdict."
Bon spectacle
La Fleur du Dimanche
Dom Juan - Molière
Au TNS jusqu'au 14 janvier 2016
Mise en scène: Jean-François Sivadier
Collaboration artistique: Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit
Avec: Nicolas Bouchaud (Dom Juan Tenorio), Vincent Guédon (Sganarelle), Stephen Butel (Pierrot, Dom Alonse, Monsieur Dimanche), Marc Arnaud (Gusman, Dom Carlos, Dom Louis) Marie Vialle (Elvire, Mathurine), Lucie Valon (Charlotte, Le Pauvre, La Violette)
Scénographie: Daniel Jeanneteau, Christian Tirole, Jean-François Sivadier
Lumières: Philippe Berthomé assisté de Jean-Jacques Beaudouin
Costumes: Virginie Gervaise assistée de Morganne Legg
Maquillages, Perruques: Cécile Kretschmar
Son: Eve-Anne Joalland
Assistants à la mise en scène: Véronique Timsit, Maxime Contrepois
Production déléguée: Théâtre National de Bretagne/Rennes
Coproduction; Italienne avec Orchestre; Odéon – Théâtre de l’Europe; MC2: Grenoble; CNCDC Châteauvallon; Le Grand T – Théâtre de Loire-Atlantique; Le Printemps des Comédiens
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