Il en a été le directeur de 1975 à 1983 (avant d'aller diriger la Comédie Française) et il a imprimé un souvenir fort dans la vie culturelle - et sociale - strasbourgeoise.
Par ailleurs, il est venu présenter "son" "En attendant Godot" la saison dernière au TNS (voir mon billet du 15 novembre 2015).
Et là, il fait l'ouverture de saison avec une pièce trop rare en France: l'histoire d'Iphigénie dans la version de Johan Wolfgang von Goethe "Iphigénie en Tauride".
L'histoire en résumé:
Diane a sauvé Iphigénie du sacrifice demandé à son père Agamemnon et l'a exilée en Tauride (la Crimée actuelle). Elle rêve de revoir les siens depuis trop longtemps. Elle avait réussi à convaincre le roi Thoas de cesser l’exécution des étrangers qui débarquent sur ses terres. Mais le roi, de retour d'une dernière bataille la demande en mariage et elle refuse et par dépit, Thoas décide de rétablir cette peine de mort. Or, deux jeunes hommes viennent d’accoster, dont l’un, Oreste, est le frère d’Iphigénie.
Iphigénie en Tauride (c) Jean-Louis Fernandez |
Nous allons donc assister à un suspense, avec de multiples rebondissements, mais la pièce est bien plus riche d'une réflexion sur la violence et la vérité...
Et surtout, d'une position féministe surprenante pour un écrivain de la fin du 18ème siècle. Mais c'est vrai que nous sommes en plein siècle des Lumières, et la révolution française, arrive bientôt.
Effectivement Goethe dresse le portrait d'une femme, forte, mais aussi simple, sensible et surtout franche et honnête. Et c'est cette vertu qui pourrait être un handicap dans cette confrontation qui fait sa force.
La pièce, dont le texte traduit par Bernard Chartreux et Eberhard Spreng, et qui lui donne une légèreté virevoltante (l'original es en penthamètres réguliers!), mais aussi quelquefois une puissance angoissante (les scènes de malédiction), est magnifiquement portée par des comédiens admirables.
Iphigénie en Tauride (c) Jean-Louis Fernandez |
Et donc ce magnifique "bord de mer" où se trouve le temple de Diane où tout se joue, créé par Jean-Paul Chambas - autre fidèle collaborateur de Jean-Pierre Vincent.
Sa mer, comme une barrière, mais le ciel au-dessus - qui nous transporte - passe par tous les états météorologiques à l'unisson avec l'ambiance de la dramaturgie, grâce aussi aux lumières de Bejamin Nesme qui transforment ce tableau vivant d'un jour, en crépuscule, nuit, et aube qui conclut la pièce.
Notons un rocher récurent qui lui aussi vit (il a survécu à Godot et attend l'aube) et un arbre tout à fait adapté au vent du Sud et à la forêt magique.
Et pour conclure sur le doux féminisme d'Iphigénie, une citation d'époque:
"Malheur à qui, loin de ses parents et de sa fratrie,
Mène une vie solitaire! Le chagrin consume
Sur ses lèvres le bonheur présent. (…) Je ne querelle pas les dieux; mais
La condition des femmes est pitoyable.
A la maison comme à la guerre, c’est l’homme qui règne,
Et en terre étrangère il sait comment s’y prendre.
A lui la joie de posséder, à lui la couronne de la victoire!"
Je vous invite à aller voir ce petit bijou qui se joue au TNS jusqu'au 25 septembre 2016 et partira en tournée à Lille, Marseille, Béziers, Belfort, Caen, Genève et Paris
Bon spectacle
La Fleur du Dimanche
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