I Apologize - Gisèle Vienne - Photo: Philippe Munda |
Pas d'excuses, l'hésitation est partout, dans les mouvements des danseurs-acteurs, déjà à l'entrée en scène, dans la perception que le public peut avoir de ce qui se passe sous ses yeux:
Sont-ce des vraies poupées ou de faux danseurs, des jeunes filles qui prennent vie dans le désir du spectateur que ce ne soient pas des êtres inanimés, dans le décor qui se construit et se déconstruit dans un va et vient fébrile et nerveux, dans le texte qu'on entend - qui parle - dans cette langue qui volontairement n'est pas comprise forcément par le spectateur (même si la traduction est dans le livret de salle), dans le temps qui ne dit pas son trajet, dans les attitudes que l'on n'arrive pas à décoder - Jonathan Capdevielle electron libre chargé.
Et puis la musique qui hésite entre le silence et un fracas assourdissant, un bruit d'enfer, dans les coups de feu qui ne se tirent pas et ne tuent pas des poupées mortes...
Et nous nous tuons les yeux à voir ces poupées bouger, comme on rêverait de revoir une personne qui, c'est sûr, n'est plus là ou pas là. Et de les voir ainsi immobile, incarnant notre envie de vie, hésitant entre l'angoisse et le désir.
Et surtout cet impressionnant corps mort qui danse la mort dans toute son immobilité et se retrouve en train de revivre sous un baiser d'amour philiaque - hiératique et imposant Jean-Luc Verna. Et nous joue de tours et des poses de fantasmes.
Et cette danseuse qui hésite entre la danse et une merveilleuse poupée mécanique, qui est également dans l'instabilité totalement maîtrisée - intrigante Katia Petrowick qui habite magnifiquement le rôle créé par Katja Rottgerkamp.
Et bien sûr ,cette hésitation qui nous empêche de savoir si nous sommes dans du réel, du rêve et du fantasme. Et même de ne pas savoir si la suite du spectacle n'a pas eu lieu avant déjà.
Et pour finir, personne n'est mort, parce que le mort se relève et s'enfuit courant avec le pistolet qui l'a laissé - semble-t-il - pour mort en ciblant le ciel....
Cette hésitation, ce trouble Gisèle Vienne dans ce dernier spectacle en joue complètement avec le spectateur, qui, piégé par cette attente - son attente - et sa projection va l'emmener dans un voyage fantasmatique, à la limite du mal-être, jouant sur les marges, les attitudes et le décalage entre les relation humaines réelles et le rêve éveillé, une certaine inquiétante étrangeté dont nous ne sortons pas indemne.
Avec le besoin de se rejouer ces "scènes primitives" et de lire la traduction du texte. Par exemple:
"Tu as l'air de penser que je ne suis pas comme les autres, tu l'as toujours cru d'ailleurs, même quand je te faisais les pires crasses, et c'est pour ça que je t'aime autant. Pourtant, au final, on dirait que je ne suis pas si différent que ça."..... "Avant je n'arrêtais pas de me regarder le nombril pour mieux me comprendre, mais maintenant j'ai juste envie d'agir, et non de réfléchir."
"Pas le gosse qui rêvait que ce serait quelque chose de magique? Pas le gosse qui pensait qu'il s'adapterait à tout comme un astronaute. Pas le gosse qui tombait dans les vapes sur le bitume comme si c'était son sac de couchage...."....
"I Apologize" est une pièce de Gisèle Vienne, Dennis Cooper (texte) et Peter Rehberg (musique), crée en collaboration avec et interprétée par Jonathan Capdevielle, Katia Petrovick et Jean-Luc Verna.
représentations au Maillon Strasbourg le 3, 4 et 5 février 2016
Bon Spectacle
La Fleur du Dimanche
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