Blog culturel sur les Arts: littérature, danse, théâtre, musique, classique ou contemporaine, jazz, concerts, Arts plastiques, expositions, et des photos de fleurs.
Devoir de mémoire, travail de l'histoire, nier l'oubli, construire le présent, faire germer le futur.... Verra-t-on le muguet fleurir demain, 1er mai? Le temps est-il assez clément, Jean-Baptiste? Bon, ce n'est pas une queue de cerise, c'est bien un brin de muguet que je vous offre, mais fleurira-t-il demain ? Vous le saurez ici même:
Muguet fleurira-t-il ? - Photo: lfdd
Pour en revenir à mon titre, mon billet de dimanche dernier: "Je vous écris des papiers d'Arménie, d'amnésie, pour oublier Nemesis" a appelé des réactions et une pensée. Tout d'abord la pensée, celle de Gabriel Garcia Marquez sur la mémoire et le souvenir: "La vie n'est pas ce que l'on a vécu,mais ce dont on se souvient et comment on s'en souvient." Et concernant la réaction, une question franchement posée par un fidèle lecteur: "Le problème, avec leur fichu devoir de mémoire, c'est que l'histoire se résume à des chiffres sanglants, des commémorations, des lamentations... 2 millions, 3, qui dit mieux ? Six ? adjugé, vendu ! Mais qui compte les millions de miséreux qui crèvent de faim, aujourd'hui, loin des caméras." Je précise que la réponse est arrivée avant le tremblement de terre au Népal... Et pour ma part, mon objectif n'était pas d'instituer une minute de silence, mais d'appeler à un travail (plutôt qu'un devoir) de mémoire, une obligation de ne pas oublier et même de ne pas nier d'une part, et surtout de ne pas ignorer délibérément (comme cela a été le cas pour le génocide arménien et bien d'autres..) et de faire ce qu'il est nécessaire de faire pour que cela ne dure pas et n'arrive plus. Analyser ce qui l'a rendu possible et donner la parole à ceux qui peuvent encore en parler pour que personne n'oublie, ni le jour de la commémoration, ni le lendemain et les jours suivants.
Bon, les temps sont durs quand même:
"Les temps sont durs, les années folles sont terminées Les temps sont durs, même le futur n'est plus ce qu'il était…" Alors finissons par une chanson de circonstances, trouvée par hazard:
Je me souviens de l'Arménie.... Je me souviens de la "Cascade" d'Erevan, monument-sculpture de 115 mètres de haut, ses escaliers au pied desquels un jardin de sculptures monumentales et contemporaines (Botero, Flannagan, Plensa, ..) sont offertes au public et sa fondation d'Art contemporain de Gérard Cafesjian sous les marches. Je me souviens du premier repas, dans le restaurant "gastronomique" de la capitale avec le guide et le chauffeur. Je me souviens de la célébration orthodoxe dans l'église en proche banlieue, plein de monde et de fumée d'encens. Je me souviens des vieilles églises dans les montagnes avec des points de vues magnifiques. Je me souviens d'avoir dormi dans une grotte transformée en bar dans la montage, près d'un ruisseau et de l'église à côté, découverte au lever du soleil. Je me souviens de l'observatoire Byurakan, construit en 1946 par les Russes et des arbres dans le parc.
Je me souviens d'un repas du soir chez l'habitant(e) - elles étaient cinq femmes sur la terrasse au soleil couchant dans ce village de montagne et du papier à fleurs de la chambre.
Alors, pour voir loin, je vous offre à la fois un arbre en fleur et une cathédrale millénaire...
Cerisiers en Fleur avec Cathédrale - Photo: lfdd
Souvenirs d'un massacre En ces temps de commémoration, il est quelquefois utile de se rappeler des faits de l'histoire et de s'en faire ses propres histoires. J'aime bien raconter des histoires, tout en essayant de comprendre l'histoire.
Mais la commémoration du jour ne va pas aussi loin que ce millénaire, c'est une histoire centenaire - qui a d'ailleurs commencé un peu avant, dans les années 1894-1896 par la mort de plus de 100.000 morts (on parle même de 300.000 morts) en Anatolie et à Constantinople. Vous l'avez deviné, il s'agit bien de l'Arménie et de ce "Génocide" (le mot n'existait pas à l'époque, il a été créé en 1944 par Raphael Lemkin pour parler de l'extermination des Juifs, Slaves et Tziganes par les Nazis, mais également pour les génocides des Arméniens en 1915 et de Assyriens en 1933. - on n'oublie les Amérindiens, et qui ont suivis les Kurdes en 1988 et les Tustis au Rwanda en 1994, ni tous les autres, en Roumanie, au Chili, dont on parle moins). Donc, n'oublions pas les un million et demi d'Arméniens qui sont morts il y a cent ans et dont "Némésis" (à ne pas confondre avec la fleur "Nemesia" qui vous a tiré la langue le 8 juin 2014), opération de vengeance (sous les auspices de la déesse homonyme) s'est fait le justicier en assassinant à Berlin en 1921 le principal responsable Talaat Pacha qui avait été condamné à mort par contumace.
Cerisiers en Fleurs - Photo: lfdd
PAPIER D'ARMENIE Je me souviens aussi des papiers d'Arménie qu'on brûlait autrefois et de la chanson de Gainsbourg pour Régine, "Les Ptits Papiers"
Je vous ai aussi trouvé une autre version collective avec l'auteur en bonn compagnie (Birkin, Dutronc, Gainsbourg) - Les Ptits Papiers
CHANTEUR D'ARMENIE Je me souviens aussi du film de Gérard Bensimon "Emmenez-moi" avec Gérard Darmon qui joue le rôle d'un fan de Charles Aznavour et qui fait un film-lettre à son idole avec son neveu et un pèlerinage du Nord jusqu'à Paris pour le lui donner. Voici la chanson, juste après "Non Je n'ai rien oublié"
La voici :"Emmenez-moi" Pour une fidèle lectrice de la Fleur du Dimanche, Charles Aznavour chante La marguerite (s'en souvient-elle ?): https://youtu.be/AKBcpUkU1Zk Et pour rappeler que l'Arménie, après les Ottomans s'est retrouvée chez les Russes avant l'indépendance, un autre "tube" d'Aznavour, chanté en russe: Une Vie D'Amour -Version Russe https://youtu.be/gmf9gMCPHKE
Et dernier cline d'oeil, pour ceux qui ne le sauraient pas, en particulier mes amis Marc, Patrick, Pierre et Philippe que je sais qu'ils aiment le "grand" chanteur, voici une de ses chansons interprétée par son auteur: Retiens La Nuit https://youtu.be/uvZEPwp31k8
Bonne écoute et bonne semaine La Fleur du Dimanche
Dimanche dernier, avec "Je me souviens... des cerises de l'an dernier - et des fleurs d'il y a quatre ans", vous proposais de travailler vos souvenirs (et je vous y aidais un peu*). Je vous avais sollicité de partager vos souvenirs que cela vous avait fait resurgir. Certains ont joué le jeu** - merci à eux. Vous avez encore l'occasion pour vous rattraper si le coeur vous en dit et la mémoire vous titille... Aujourd'hui, en rebondissant sur Georges Perec, je suis tombé sur la "suite" de la réflexion (que vous avez en titre), mais tout d'abord, place à la fleur:
Pâquerettes - Photo:lfdd
Le parterre de pâquerette est l'hôte de quelques pissenlits - taraxacum, fleur emblématique de La Fleur du Dimanche s'il en est -voir le billet du 18 mai 2014 ou du 8 janvier 2012"Taraxacum regarde en arrière". Bon voisinage et occasion de revenir en arrière ou aller de l'avant. Justement en rebondissant sur Perec, je suis tombé sur une émission de France-Culture lors de laquelle Georges Perec complète son livre "Je me souviens" avec une liste 50 choses qu'il ne faut pas oublier de faire avant de mourir (37 pour être exact!). Je vous en donne un extrait et le lien pour que vous puisiez l'écouter...
Georges Perec - 50 choses qu'il ne faut pas oublier de faire avant de mourir:
"Faire une promenade sur les bateaux-mouche. Jeter un certain nombre de choses. Ranger une fois pour toute la bibliothèque (trouver un système de classement efficace). M'arrêter de fumer. M'habiller d'une façon différente (porter une cravate par exemple). Aller vivre à l'hôtel ou vivre à la campagne ou un an ou deux dans une ville étrangère (Londres - Zurich - Rome). Passer par l'intersection de l'équateur et de la ligne de changement de date (opposé du méridien de Greewich). Faire un voyage en sous-marin." Et voici l'émission: https://soundcloud.com/franceculture/avant-de-mourir-georges-perec-voudrait-boire-du-rhum-trouve-au-fond-de-la-mer
Fleurs Blanches - Photo: lfdd
Je suis aussi tombé sur une émission de France Inter avec Juliette Gréco dont je vous avis offert une version de "On n'oublie rien" de Jacques Brel dimanche dernier... en voici un extrait http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1080641 Grande Dame que Juliette, à 88 ans. La voici dans "Chanson des Vieux Amants"
*Dimanche dernier, je vous aidais à creuser vos souvenir, pour continuer sur la lancée et vous donner envie de répondre par vos propres échos, voici une nouvelle "Je me souviens", la N° 58: "Je me souviens que le coureur automobile Sommer était surnommé le sanglier des Ardennes" Pour moi, cela me donne cela: "Je me souviens que Jacky Ickx était un coureur automobilegentleman qui a gagné 6 fois les 24 heures du Mans et de nombreuses courses dont les 24 heures de Spa et des courses de Formule 1." Je vous invite à me faire un retour (même un seul souvenir et une seule chose à faire avant de mourir pour le partager avec les lecteurs (je trouve intéressant d'avoir des souvenirs croisés). **Je vous partage déjà quelques retours que j'ai eus, dont:
"Je me souviens que Marina Vlady a écrit un livre sur
son mari chanteur décédé dont le nom m'échappe là."
Pour le souvenir: "Je me souviens de Bourvil."
Cela a rappelé une vieille chanson (vous en souvenez-vous ?): Bourvil et Jacqueline Maillan "Ca (je t'aime moi non plus):
Sur un autre registre, "Je me souviens" a renvoyé à "Remember" d'Aresky et Higelin, qui donne cela en vidéo:
Qui m'a rappelé l'ours, petit bijou de une minute 10: L'ours.
Et, dans la même veine, "J'aurais bien voulu..."
Et encore la lettre au chef de gare de la Tour de Carol par Brigitte Fontaine, à cette époque-là: Bon Dimanche de souvenirs... La Fleur du Dimanche
Vous en souvenez-vous? Vous souvenez-vous des fleurs de cerisier d'il y a quatre ans le dimanche 10 avril 2011 ?
Le temps passe, mais jamais de la même façon. Les fleurs ne fleurissent pas pareil, ni aux mêmes dates. La preuve avec les anémones du Scharrach, dont vous avez pu voir quelques versions en 2014 entres autres (le 16 mars, déjà) et dont vous avez pu assister à la naissance - en même temps que celle de la Fleur du Dimanche - en févier 2011 (Naissance d'une fleur) et à l'éclosion en mars (La fleur est éclose). La voici cette année, qui n'a pas été avantagée par le froid (même si c'est une fleur survivante de la période "glaciaire".
Anémones de l'année - Photo: lfdd
Les violettes de leur côté ont été nombreuses sur les bords des chemins de des sous-bois...
Et cela fait plaisir de voir des prunelliers en fleur sous un ciel bleu.
Je me souviens... Le souvenir est donc multiple et varié, encore il y peu, j'en parlais à propos de 2 films qui en traitent de deux manières différentes: Crosswind et Still Alice: la mémoire historique et familiale et la mémoire qui s'enfuit. Je me souviens aussi que j'ai commencé de lire un livre de Georges Perec, et qu'il m'a rappelé des souvenirs de jeunesse, pas forcément les mêmes et que j'avais envie de cartographies ces quelques éléments pour les réactiver. Je vous propose la même gymnastique et vous propose d'y participer en me faisant parvenir le souvenir que cela vous a remémoré: Allons-y avec le texte d'origine: "Je me souviens que Khrouchtchev a frappé avec sa chaussure la tribune de l'O.N.U. "Je me souviens de Youri Gagarine." "Je me souviens que Marina Vlady est la soeur d'Odile Versois (et qu'elles sont les filles du peintre Poliakoff)." "Je me souviens que Fausto Coppi avait une amie que l'on appelait "la Dame blanche"." "Je me souviens de Bourvil. Je me souviens d'un sketch de Bourvil dans lequel il répétait plusieurs fois en conclusion de chaque paragraphe de sa pseudo-conférence: "L'alcool,non, l'eau férrugineuse, oui!" Je me souviens de Pas si bête, et du Rosier de Madame Husson." "Je me souviens de la "Pile Wonder ne s'use que si l'on s'en sert"." Je me souviens aussi que je vous ai offert un bouquet de "Bourvil" il y a un mois (Pour la journée de la femme un bouquet de Bourvil). Et comme j'ai la mémoire qui flanche je vais vous offrir quelques "souvenirs" en chansons: Vous souvenez-vous de Romain Didier qui chante: "Je me souviens" ?
Sinon, vous en souvenez-vous qui chante: "Amnésie":
La version suivante (du disque) est mieux d'ailleurs:
Vous souvenez-vous encore de celui qui chantais la chanson suivante:
Aurélien Bory est un artiste qui aime créer des liens... Des liens entre la scène et la science, il a fait des études d'acoustique architecturale - des liens entre les différents arts: théâtre, vidéo, cinéma, danse, cirque, performance, marionnette, mouvement,... il est programmé au TJP (jusqu'au 11 avril 2015) dans le cadre de la manifestation Corps-Objet-Image (ex. Festival de la Marionnette) - des liens avec d'autres artistes, sa collaboration avec des artistes venant de courants et d'horizons variés sont habituels - et pour ce spectacle, il fait danser Kaori Ito, une chorégraphe-danseuse japonaise.
Plexus - Kaori Ito - Aurélien Bory
Faire danser est d'ailleurs un terme inapproprié parce qu'aimant les liens, il va enfermer le corps - qui s'en sort magnifiquement - de la japonaise dans un réseau de 5.000 rets-liens qui sont autant une prison qu'un outil de libération. Et comme Aurélien Bory est un magicien de la lumière, il va jouer de ce cube de fils comme d'un écran vidéo en 3D sur lequel il va faire passer des images enchanteresses et envoûtantes, par la grâce et le mouvement de Kaori Ito et la magique lumière pilotée par Arno Veyrat. Le son, à la fois son en direct (Stépahne Ley) et la musique de Joan Cambo, elle aussi soutenant l'action et prenant le spectateur de ses filets auditifs vont enserrer le spectateur dans un filet qui va le porter en apesanteur, presque en plongée en apnée pendant une belle heure de voyage.
Plexus - Kaori Ito - Aurélien Bory
Voyage autour d'un cube de fil(in)s
A eux deux, elle sur scène et lui au pilotage, ils vont explorer tout un univers de possibilité que permet ce cube de fil et chaque "tableau" dansé est une enchantement et une surprise. La facilité avec laquelle la danseuse assume toute sa liberté de mouvement dans ce "piège" est époustouflante, au point que de marionnette attachée à ses fils, elle s'envole et se libère de la pesanteur, décollant vers le ciel, jusqu'à voler sous nos yeux ébahis. Kaori Ito et Aurélien Bory nous tricotent (le sens grec du mot) un beau parcours en nous emmenant trouver le fil d'Ariane dans ce labyrinthe ouvert vers le ciel.
Z, vous en avez entendu parler, vous avez peut-être vu le célèbre film de Costa-Gavras ou lu (eh oui !) le livre que Vassilis Vassilikos a écrit en quelques semaines en 1966 - une urgence pour l'auteur ? L'histoire, c'est celle de l'assassinat du député Grigoris Lambrakis à Thessalonique en 1963 et l'enquête et le procès qui s'ensuivirent, menant à des condamnation à des peines assez faibles. Les coupables furent d'ailleurs amnistiées après le coup d’État du 21 avril 1967. Ces jours-ci - et jusqu'au 14 avril - Z nous arrive au TNS à Strasbourg sous la forme d'une pièce de théâtre mise en scène par Effi Theodorou. La pièce qui avait été créée le 20 septembre 2012 et reprise le 20 septembre 2013 au Théâtre National de Grèce nous vient donc à Strasbourg, signe de vie de ce pays. Elle est en grec surtitré, mais je vous incite vivement à aller la voir parce que même avec des sous-titres, la pièce est d'une vie et d'un dynamisme incroyable.
TNS - Z - mise en scène: Effi Theodorou- Photo: Myrto APOSTOLIDOU
D'une part, c'est une vraie enquête policière - le mot "histoire" ne signifiait-il pas enquête en grec à l'origine. Et cette enquête va enclencher tous les ressorts du suspense et de la tension. On dirait un vrai film policier, qui va même chercher du côté du dessin animé (la séquence du triporteur). Le texte également joue sur des registres variés: poésie, texte politique, lettre d'amour d'une femme à son mari qui lui manque, reconstitution de procès, burlesque, danse et musique. La pièce est un grand collage et un drame choral qui ne vous laisse pas de répit. La troupe fait passer une dynamique formidable dans une mise en scène qui réinvente les éléments d'un décor ultra-simple: une large table qui se transforme en bar, rue, lit, estrade, tribunal, rien que par la magie du jeu. Et les comédiens sautent d'un rôle à l'autre par un détail de costume et d'attitude. On se croirait à certains moments dans un film en cinémascope de Téo Angelopoulos.
TNS - Z - mise en scène: Effi Theodorou- Photo: Myrto APOSTOLIDOU
La mise en scène d'Effi Theodorou, où l'on sent souffler la veine d'Antoine Vitez, nous rapproche des personnages historiques, avec les comédiens devant nous, qui portent la voix des modèles du passé et qui sont soutenus par un choeur de comédiens que l'on sent "soudés" dans cette aventure et qui rappellent les choeurs antiques et universels. D'autant plus que cette "Histoire" n'est jamais finie - En 2013, deux jours avant la reprise de la pièce à Athènes, Pavlos Fryssas, rappeur antifasciste fut tué par un néonazi. Hier, aujourd'hui, demain... La pièce Z interroge le temps et l'histoire, et la déroule devant nous en la rejouant pour ne pas oublier... Comme le disait René Char, cité dans le livret du spectacle: "Certains jours, il ne faut pas craindre de nommer les choses impossibles à décrire. La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut."
Mais quelle parole ? Dans le même livret est cité une interview de Michel Jobert qui dit (dans un film documentaire de Chris Marker): "Vous savez, l'homme politique, de façon plus subtile, il joue sur le quotidien. Quand il fait une déclaration, il la fait à un certain endroit, dans une certaine perspective. Il sait très bien qu'il exagère un petit peu. (....) Il le sait, mais il sait aussi qu'il faut dire les choses pour aujourd'hui. Une déclaration des hommes politiques, c'est comme les oeufs. Ils sont du jour ou ils ne sont pas du jour. Alors, l'idéal, c'est que les déclarations soient du jour, à consommer sous les trois jours. Pourquoi je dis trois jours, parce que'au bout de trois jours, tout est oublié." Alors, n'oublions pas... Z vit !
On a l'habitude de dire qu'il faut faire très attention à la première image d'un film, qu'elle va donner la clé de l'histoire que l'on va voir. Et la dernière image ? Que dit-elle ? Est-ce toujours le happy-end, ou le personnage qui suit le chemin vers son destin comme Charlot sur une route déserte ? Eh bien non, pas toujours... Quelquefois les dernières images d'un film vont vous révéler un élément qui va vous obliger à vous remémorer le film et en le rembobinant, en changer totalement la lecture. Un exemple éclatant est le film "L'armée des 12 singes" où, arrivé au bout, le dernier plan va bouleverser le sens de ce que vous venez de voir et vous allez devoir faire une gymnastique incroyable pour relire le film à l'aune de l’information que vous avez découverte dans ce dernier plan. Rassurez-vous, si vous n'avez pas vu ce film, je ne vous la révélerai pas - et même si vous l'avez vu, et que vous n'y avez pas porté attention parce que vous aviez un métro à prendre... Il se trouve que passent actuellement trois films qui, curieusement jouent sur ce mécanisme, à des degrés et avec un bonheur différents. Et curieusement également, ces films ont tous les trois à voir avec l'Asie. Si vous en avez le temps et l'envie, je vous invite à faire l'expérience de vous préparer à rembobiner le temps et de revoir le film une deuxième fois dans votre tête et de le comparer à ce que vous en avez vu la première fois. Pour le premier, la chose est assez aisée, à se demander à la limite pourquoi le réalisateur a cherché à jouer avec vos sens. Il est vrai que pour "VOYAGE EN CHINE" de Zoltan Mayer avec Yolande Moreau et Qu Jing Jing (et une "aimable" apparition d'André Wilms), le ton est donné dès le départ, la première image - pour le générique - étant un faux reflet sur une surface de zinc oxydée sur laquelle on pourrait voir des paysages et des visages fantasmés, et que les personnages sont souvent prisonniers dans des reflets comme dans un aquarium miroir qui renverserait la perspective. Perspective qui est également totalement mise à distance pour Liliane (interprétée par Yolande Moreau) qui va se retrouver en Chine profonde (dans la campagne près de Chendu, pour retrouver le corps de son fils mort dans un accident là-bas, après avoir quitté depuis - trop - longtemps le foyer familial du Nord de la France. On sent que le personnage du fils, Christophe Rousseau, photographe est d'une certaine façon un double du réalisateur dans sa manière de filmer la réalité. Cette impression se confirme en visitant son site et ses photographies... Et donc en ce qui concerne l'épilogue, je n'épiloguerai pas....
Pour la deuxième "conclusion", ma réaction n'est pas trop enthousiaste non plus, le film est intéressant en lui-même et se suffirait s'il se terminait comme "Capitaine Courageux" de Victor Flemming. Il faut dire qu'avec "SEA FOG - LES CLANDESTINS" film Sud-Coréen de de Sung Bo Shim, l'histoire est haletante et ne vous laisse pas de répit, ni ne vous ménage en terme de chocs en tous genre est un déluge de surprises et une descente en enfer qu'on n'arrive pas à arrêter. Le suspense et le rythme sont magnifiquement maîtrise, les ambiances et la tension sourd à chaque plan et le brouillard qui va enserrer le bateau va également étouffer d'une certaine manière le spectateur qui n'a pas intérêt à être claustrophobe. Mon impression finale est donc que la plat a été "réchauffé", sans vraie justification de ce vrai épilogue ("cinq ans après")...
SEA FOG - Les Clandestins (Haemoo) Pour le dernier film, "LA MAISON AU TOIT ROUGE - Chiisai ouchi" de Yoji Yamada, l'histoire qui se passe au Japon va jouer entre différents temps, dont le présent (et le futur!) et la mémoire, puisqu'il s'agit bien de cela, les mémoires d'une jeune femme pauvre de la campagne, qui, après avoir été bonne chez un écrivain, va servir chez un couple dans la "maison au toit rouge" du titre et écrire son journal qui deviendra ses mémoires lorsque son neveu va récupérer ses textes: le journal qu'il avait déjà en partie lu, et une lettre scellée qui transforme le film en énigme policière. L'intérêt du film réside donc dans ces multiples points de vues de récit et de temporalité et leur dialogue (le neveu qui commente, dans le passé, le texte de sa tante à qui il rend visite). Ce qui est également intéressant ce sont les caractères - et cultures - différents de ces deux narrateurs - d'un côté une jeune femme, presque "un coeur simple" comme dirait Flaubert, mais qui porte cependant une vérité - historique - inconnue de son neveu, et la franchise, avec une tendance à l'opposition de ce dernier. Ce qui est intéressant dans l'épilogue de ce dernier film, c'est qu'il est à la limite double. D'une part, une révélation qui va bouleverser - et émouvoir - quelqu'un qui ne demandait pas à l'être, mais la scène est très juste. D'autre part, et là, il faut vraiment rester jusqu'à la fin du générique, très sensible et sur le mode du conte de fées, on se prend à rêver d'une autre histoire d'amour qui se serait cachée sous la délicatesse de cette tendre servante (pas si innocente qu'elle se raconterait) et l'on se plaît à rassembler des indices dans la nuit d'orage qui a bouleversé la vie de la petite maison et de ses habitants (et surtout de celle qui vit sous le toit...). Si vous en avez trouvé, faites-le moi savoir, je les partagerai... La Maison au Toit Rouge (Chiisai ouchi)
Je vous invite donc à me faire part de vos "relectures" après un "fast rewind"....
Bons Films, et surtout... restez jusqu'à l’ultime fin ! La Fleur du Dimanche
J'ai vu récemment quelques personnes qui voulaient "faire le ménage" de leurs "amis" et cela m'a un peu surpris.... et en même temps interrogé: comment peut-on d'un coup de balai rendre plus beau une liste d'amis? Peut-on, en en mettant des poussières sous le tapis, tirer un trait sur des relations ou résoudre des discussions qui, il est vrai, sont difficilement constructive dans un réseau social fondamentalement perturbé par des règles du jeu externe (intermittence, temps fragmenté, intrusions en plein milieu d'une discussion réduite à des phrases pouvant tenir que dans un petit carré et disparaissant rapidement par manque de place,....).
Bouquet de printemps - Photo: lfdd
Je ne continuerai donc pas cette réflexion tout en rappelant deux épisodes très récents: 1. A quelqu'un - un "ami" facebook qui ne me connait pas vraiment - j'ai répondu à la publication d'une information que je savais relever plutôt de la "désinformation", j'ai - après m'être demandé de quel droit je pouvais intervenir sur son "mur" - commenté information en l'invitant à creuser le contexte. Il m'a répondu et remercié après avoir supprimé la publication en question. Je l'ai remercié de son geste en lui disant que j'ai failli diffuser le même type d'information, mais que j'ai, en creusant un peu, trouvé des éléments qui m'en ont dissuadé et je me suis arrêté sur un constat que m'inspirait Boris Cyrulnik: "deux dangers face à cette tragédie" (Charlie) - "Se taire" et "En parler": "Deux mauvaises solutions"... (voir mon billet du 11 janvier 2015).
Bouquet de primevères - Photo: lfdd
2. L'autre est une réponse d'un fidèle lecteur de ce blog que me dit "bravo pour ta culture". Je lui répond - et à vous chers lecteur également si vous aviez cette réflexion, que "c'est juste un peu d'engrais naturel pour compléter ma mémoire, quelques rhizomes et recherches; mais cela fait plaisir;... et surtout de le partager avec des "lecteurs" passionnés et réactifs...
Bouquet de primevères - Photo: lfdd
Concernant la beauté du nid, je partage donc avec vous une piste de lecture concernant "L'expérience esthétique" de Jean-Marie Schaeffer dont je n'ai pas lu le livre, mai vus deux articles en parlant (dans Libération et le Monde), où il est dit que: "La difficulté du nouveau livre du philosophe et théoricien de l’art Jean-Marie Schaeffer est à la hauteur d’une ambition : celle de décrire la spécificité de l’expérience qui est la nôtre quand nous contemplons un objet d’art ou un beau paysage, par rapport à l’expérience commune." (Nicolas Weil dans le Monde) "Attention, émotion, plaisir… tel est le triptyque qui organise l’expérience esthétique. Trois dimensions qu’il faut distinguer même si elles s’entremêlent. L’attention d’abord. Nous ne contemplons pas une œuvre d’art comme nous regardons une courbe de résultats, nous n’écoutons pas une sonate de Bach comme nous prêtons l’oreille à la radio pour connaître les nouvelles du jour. Quel que soit son objet, l’attention dans l’expérience esthétique est marquée par un coût élevé." (Catherine Halpern dans Libération). "Le secret de toute expérience esthétique réussie réside en fait dans sa capacité à piéger l’attention. Et pour ce faire il faut qu’elle réussisse à engager l’attention dans une dynamique d’autoreconduction qui reste ouverte" (Jean-Marie Schaeffer) "Comme pour l’attention, Schaeffer entend montrer qu’il n’y a pas d’émotions spécifiquement esthétiques. Elles ne sont pas en soi proprement différentes de celles de la vie vécue. Elles ne sont pas non plus de fausses émotions, même s’il y a une «enclave pragmatique», même si elles ne me font pas agir de la même manière que dans d’autres expériences de la vie vécue. Intimement lié aux émotions mais aussi au travail cognitif qui peuvent le susciter, le plaisir est le troisième pilier de l’expérience esthétique. Là encore, l’expérience esthétique marque sa singularité. L’esprit aime traiter l’information avec facilité." (Catherine Halpern dans Libération). Et le lien de tout cela avec le billet du jour, me direz-vous? Tout simplement, Jean-Marie Schaeffer pour parler de l'expérience esthétique et de la création fait le parallèle de la création artistique avec le nid de l'oiseau-berceau dont le mâle construit des nids artistiques pour séduire la femelle " Chez les oiseaux dits jardiniers, les mâles construisent de complexes « berceaux » richement décorés, véritables « salles de spectacle » qui n’ont d’autre fonction que d’attirer la femelle pour qu’elle y contemple la danse du mâle, préalable à l’accouplement. Pour Schaeffer, il y a là « apparentement avec la création artistique humaine ». Ce qui lui permet d’affirmer, en prenant le contre-pied de l’esthétique classique, que l’esthétique a une fonction pragmatique, utile. Dans le cas des oiseaux-berceaux, il s’agit de répondre à la question : « Quel partenaire choisir ? » De même, chez les humains, dans les situations d’incertitude existentielle. Ces « plages de transparence où tout semble tomber en place » : voilà ce que nous recherchons à travers une expérience esthétique." (Victorine de Oliveira dans Philosophie Magazine).
Nid d'oiseau-jardinier
Nous voila revenus au nid, il ne reste plus qu'à le nettoyer et l'embellir, et comme l'expérience esthétique est "coûteuse", il faut y revenir, donc je vous offre un retour sur le printemps de le début d'année de La Fleur du Dimanche pour vous permettre de revenir sur quelques "perles" qui vous auraient échappées.