vendredi 31 mai 2024

Christophe Feltz et Apollinaire: Lettres à Lou, un amour fou, un amour F. Lou - mise au point

 Qui n'a en son adolescence lu les Poèmes à Lou en rêvant de grand amour. Christophe Feltz aussi sûrement, mais c'est une lecture émouvante des Lettres à Lou par Jean-Louis Trintignant au Festival d'Avignon en 2005 qui a poussé notre comédien amoureux des poètes à garnir sa palette de ces lettres d'amour fou et insensé. Pour les replacer dans l'histoire, Guillaume Apollinaire dont la relation amoureuse agitée avec Marie Laurencin avait pris fin tombe amoureux au premier coup d'oeil de Lou - Louise de Coligny-Châtillon - près de Nice, il lui écrit le 28  septembre 1914 une lettre où il lui dit "vos grands et beaux yeux de biche m'avaient tant troublé que je m'en étais allé aussi tôt que possible afin d'éviter le vertige qu'ils me donnaient" - C'est vrai que ses yeux sont troublants. 


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Et c'est le début d'une longue relations où ils jouent au chat et à la souris - Lou se refuse puis s'offre généreusement puis reprend du recul tandis que Guillaume, ayant demandé à s'engager dans l'armée et à se faire naturaliser, après des classes à Nîmes, part sur le front en mars 1914. Il lui écrit toute une série de lettres qu'il lui demande de garder (pour publication). Leurs échanges se raréfient à partir de 1915, quand il rencontre Madeleine Pagès (avec qui il échange le 2 janvier 1915 lors d'un déplacement pour aller voir Lou et va même jusqu'à demander sa main - sans suite - à sa mère le 10 août 1915) et s'achèvent avec une dernière lettre le 18 janvier 1916.


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Ces lettres, superbes missives d'amour, mais aussi remémorations des exubérants moment passés ensemble, entre nostalgie et plaisirs partagés, atmosphères brumeuses ou moments intimes, mêmes des moment doux, d'autres érotiques, et il y est même question de schlague et de domination. Et puis encore de mort et de séparation, de la guerre et de l'oubli. Il est aussi question d'amour et de corps, de coeur et de regrets, de séparation et d'abandon. Tout cela, Christophe Feltz nous les offre dans ce nouveau spectacle qu'il présente dans la Salle Mozart du Munsterhof à Strasbourg. 


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Pour ce voyage, fait en commun, en plaisir partagé, puis qui sent la distance, l'angoisse de l'abandon, cette traversée d'une formidable histoire d'amour comme on peut les fantasmer - ou les vivre, au moins par procuration ou par délégation, Christophe Feltz nous emmène avec lui avec toute la sensibilité avec laquelle il arrive à nous transmettre ces lettres. Il nous les dit à fleur de peau, à fleur de sentiment, il nous dit l'amour, le plaisir, le manque, la souffrance, la nostalgie, la perte. Il nous dit le plaisir, les étreintes, les moments intimes, dans le langage imagé d'Apollinaire que l'on arrive à imaginer, un peu comme lui brossait des poèmes en calligrammes. Et dans ces paysages intimes ou ces élans fougueux, ces moment de répit, ces tableaux des tranchées, pas tristes cependant parce que "le lilas va fleurir" et les obus deviennent bague de fiançailles et "malgré tout, malgré toi, ;... je vois la vie en rose", l'amour est une consolation.


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Pour contribuer avec bonheur à la joie de ce voyage, c'est aussi l'accordéon de Marcel Loeffler qui ponctue, soir entre les textes soit en les accompagnant en douceur quelquefois avec des airs de Satie en variation gymnopédiques et serpentines, les doigts dansant allègrement sur son clavier. Et avec Satie, Ravel et autres mélodies de cette époque comme base d'improvisation, de magnifiques mélodies ponctuent et amènent respirations, échappées ou soutien à ces merveilleux textes. Pour conclure, en anaphores incantatoires qui s'éteignent au lointain, le souvenir de cet amour s'envole dans la nuit et une dernière improvisation du virtuose du piano à bretelle, Marcel chauffe la salle pour nous guérir de ces amours qui bien qu'heureux finissent mal, mais cela on le savait. On en a bien profité avant.


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


La Fleur du Dimanche, 


mercredi 29 mai 2024

Through the Grapevine d'Alexander Vantournhout au Maillon: Une danse à la (dé)mesure du corps

 Le Maillon à Strasbourg, dans sa programmation annuelle offre des points de passage, des voyages, des  étapes. Avec la ponctuation "Paysage", le Maillon nous offre une pause de dix jours avec et autour du chorégraphe - ou devrait-on dire le circassien, mais non il est un peu partout - belge Alexander Vantournhout. Il aura une "Carte Blanche" qui promet ce week-end et deux autres spectacles en juin et il démarre en beauté et en force avec Through the grapevine.

Le ton est donné avant d'entrer dans la salle avec un espace entre le gymnase et le cabinet de curiosités scientifiques, où le spectateur ou la spectatrice peut mesurer son équilibre, interroger son amplitude ou son élévation. On peut ainsi comparer les différentes dimensions et mesures de son corps et les comparer entre elles ou avec ses compères ou commères. Un exercice plaisant qui renvoie directement au début du spectacle où les deux comédiens-danseurs Alexander Vantournhout et Axel Guérin se toisent littéralement. D'une part des yeux, mais immédiatement après dans des exercices très concrets de comparaison de la taille des os, membres, proportions du corps. Et ceci dans une poésie presque surréaliste. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Il nous font toucher du doigt la diversité dans l'individualité. Alors que devant nous nous voyons deux hommes visiblement de la même taille, à un cheveux (ou plutôt une boule de cheveux pour Axel Guérin) près, nous nous rendons compte de manière très pragmatique et visible que les deux corps qui s'offrent à notre vue sont totalement dissemblables. Ainsi, dans la comparaison appliquée partie du corps par partie du corps: bras, avant-bras, mains, jambes, torse, tête, corps assis ou couché, ou courbé, nous assistons à un ballet de la dissemblance appliquée dans une chorégraphie inventive où chaque différence anatomique est prétexte à une mise en scène ou en espace différente dans des enchainements d'une fluidité extraordinaire. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Il n'y a aucune répétition, sauf celles qui permettent de temps en temps de déployer des gestes qui en deviennent esthétiques, presque des canons de la danse classique ou mieux de la Modern Dance. Ce catalogue de base constitué et démontré, ils en arrivent à construire des syntagmes de mouvements plus complexes en assemblant ces éléments et en les transformant en mouvements tout aussi surprenants. Ainsi, après une confrontation en miroir "déformé" nous en arrivons à une "fusion" des deux danseurs intriqués et mélangés. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Ce sera toute une variation de bêtes bizarres et étranges, comme d'étranges créatures à quatre pieds, une pieuvre ou une engeance à deux corps et une seule tête, ou une poitrine à deux têtes. Mais tout cela bouge, se transforme à l'infini et ce processus de mutation en lui-même est également fascinant, tout comme les différents modes de déplacements des ces ectoplasmes ou les figures acrobatiques tout autant qu'esthétiques qui en découlent. Elles sont toutes plus improbables et surprenantes les unes que les autres, franchement inimaginables - mais ils les réalisent devant nos yeux, ainsi de la culbute entre les jambes, de la roulade à deux, des jambes - ou des bras - qui changent de propriétaires. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Ces acrobaties insolites dégagent une esthétique et une grâce dans une fluidité parfaite. Au total une performance sans accroc et impressionnante, tenue et développée dans une maîtrise totale de corps et une écoute de l'autre avec des gestes impeccables, synchronisés et précis pendant une belle heure de bonheur.


La Fleur du Dimanche

dimanche 26 mai 2024

Le Chant du Père et Koudour de Hatice Özer au TNS - La musique parle au coeur

 Hatice Özer est une conteuse. C'est une comédienne, bien sûr, elle a suivi les cours du Conservatoire de Toulouse et elle est même passée au TNS dans le cadre du programme 1er Acte lancé par Stanislas Nordey en 2017. Elle faisait partie de l'équipe de jeunes de la saison 3 en 2017 de ce programme qui permettait d'amener une plus grande diversité sur le plateau. Rien ne la destinait à faire du théâtre, mais elle a découvert très jeune cet univers qui l'a fascinée et elle ne l'a plus lâché, pour notre plus grand plaisir.


Le chant du père - Hatice Özer  - Photo: Arnaud Bertereau


Ainsi, tout au début de sa pièce Le Chant du père, elle se plante devant nous et nous raconte son rêve, presqu'un cauchemar - récurent et fondateur: "Ca commence toujours comme ça: je suis dans l'eau..... entourée de corps qui flottent..." Et c'est parti... pour ses souvenirs d'enfance, de bistrot de quartier, mais de quartier turc dans la France profonde, au fin fond du Périgord où son père puis sa mère et les enfants sont arrivés quand le pays avait besoin d'une nouvelle main d'oeuvre; les Turcs, après les Italiens, puis les Algériens. Pour ne pas oublier ses racines, racines qu'elle n'a pas vraiment mais qu'elle essaie de cultiver via son père, elle imagine cet asik, amant, amoureux, sorte de poète, troubadour qui chantait l'amour de village en village et qui, lui aussi raconte des histoires. 


Le chant du père - Hatice Özer - Photo: Arnaud Bertereau


Elle va ainsi, après avoir préparé le terrain, mis de la terre sur la scène, préparé le thé - "du noir, le thé à la menthe, ça n'existe pas" - qu'elle offre à quelques privilégiés qui parlent la langue du père, le convier sur scène et lui offrir le beau rôle: celui qui charme par les histoires que lui aussi raconte - mais toujours avec une part de mystère. Mais il va surtout nous charmer en chantant des poèmes en s'accompagnant de son saz qui fait monter les pensées au ciel. Il soigne ainsi les coeurs et nous installe dans cette nostalgie du pays, transportant par la pensée cet espace dans son Anatolie natale. Une douce ambiance, une sérénité contagieuse, on en oublie le travail. Les liens se (re)tissent entre père et fille, une complicité, dans une dualité de langue, celle du père, le turc et celle de la fille, de l'exil et du pays adoptif, le Français, chacun gardant sa langue, n'osant pas parler celle de l'autre - ils en sont restés au niveau d'expression des six ans. 


 Le chant du père - Hatice Özer - Photo: Arnaud Bertereau


Et, comme il se doit, au bout de la nuit, quand la magie a fleuri le décor, la transmission se fait, la fille reprend le chant du père, qui lui, placide, sourit avec bienveillance. "Et, sur son visage, il garde le sourire des étrangers". Il n'est plus là, il est dans ses montagnes.

Avec KoudourKoudour, nous passons sur l'autre versant de cette tradition, cette culture dans laquelle la musique est fortement intriquée. Ainsi d'une fête ou célébration plutôt de l'ordre du quotidien et du social, le bistrot du quartier ou du village, un peu cabaret et divertissement avec Le Chant du père, nous arrivons à quelques chose de plus cérémoniel, presqu'une célébration avec pompe et solennité, tout en restant très festif, avec la fête de mariage traditionnels  de Koudour. Mais Hatice Özer ne perdant pas sa verve, son ironie et son esprit libre, autant elle jouait sur l'espièglerie et la malice dans la première pièce, autant elle casse les règles et devient frondeuse et rebelle dans cette cérémonie-là.


Koudour - Hatice Özer - Photo: Arnaud Bertereau


Elle élargit le champ, quittant le cocon du bistrot et embrassant le quartier (turc), s'installant dans un gymnase détourné qui devient salle de fête et, après avoir planté et le décor et le contexte - des mariages (les cérémonies et les fêtes surtout) à la chaine, elle invite le public à partager cette expérience. C'est à la fois une immersion dans la fête et une expérience sociologique, comme une excursion anthropologique dans une culture autre. Les spectatrices et les spectateurs deviennent les invités, les convives d'une méga-fête, participant des célébrations, dansant parmi tous ces figurants acteurs et spectateurs de la cérémonie.


 Koudour - Hatice Özer - Photo: Arnaud Bertereau


Cette cérémonie étant un faux mariage sans marié, mais presqu'un concert où Hatice Özer balaye le répertoire des chansons traditionnelles du bassin méditerranéen avec une belle maîtrise, accompagnée de ses trois musiciens, Matteo Bortone à la contrebasse, Benjamin Colin aux percussions, et Antonin-Tri Hoang aux claviers, saxophone, clarinette. Elle pousse son esprit contestataire, voire révolutionnaire - un mariage rien que pour elle ne lui suffit pas - jusqu'à jouer elle-même du davul, ce tambour qui mène la danse, que l'on suit en procession et que donne le rythme de toute la soirée, jusqu'au petit matin. Elle en profite aussi pour pousser son esprit facétieux jusqu'au comique (de répétition) dans la scène de la leçon de davul en banlieue parisienne. 


Koudour - Hatice Özer - Photo: Arnaud Bertereau

Prouvant ainsi, mais nous le savions déjà qu'elle a gardé son esprit d'enfant - esprit qui d'ailleurs ne quitte jamais le corps, même après quand le corps de l'enfant prend une allure d'adulte. Et tout comme elle prêche l'esprit mutin, elle prône l'amour, le désir (koudour) pour ne pas se retrouver perdu dans l'autre monde. Koudour porte en lui beaucoup moins de nostalgie et transpire la joie de vivre, l'humour et la musique vivante, qu'elle soit traditionnelle, adaptée à notre culture moderne ou jazz dans une parenthèse plus calme et sereine nous portent et nous transportent dans cet élan de joie et de plaisir.


La Fleur du Dimanche

jeudi 23 mai 2024

Berlioz et Strauss à l'OPS pour des passions qui nous emportent loin

Avec Don Quichotte de Richard Strauss et la Symphonie Fantastique d'Hector Berlioz, l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg nous offre une monde musical coloré et varié, passionné et tourmenté.

Le choix du directeur artistique et musical de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov de proposer dans une même programme la variation fantastique pour grand orchestre sur un thème chevaleresque, Don Quichotte (1998) de Richard Strauss et de la Symphonie Fantastique - Episode de la vie d'un artiste (1930) d'Hector Berlioz, peut surprendre. Mais c'est vrai que ce sont des oeuvres de relative jeunesse (pour Berlioz c'est sa première oeuvre symphonique) et, stylistiquement les deux compositeurs innovent dans l'écriture. D'ailleurs ce sont deux récits de quête, plus ou moins amoureuse, d'un amour problématique, qui tous les deux finissent par la mort du héros. Mort et passion, funèbre programme. Et même si la "Fantastique" est une symphonie, ce pourrait être un poème, tout comme le Don Quichotte qui lui se décompose en une série de variations qui décrivent dans des récits variés les différents épisodes de la vie du Chevalier Errant imaginé par Cervantes.


Don Quichotte - Richard Strauss - OPS - Aziz Skokhakimov - Pablo Ferrandez - Photo: Nicolas Rosès


Ces "variations fantastiques" racontent en douze mouvements, plus une introduction et un finale, différents épisodes de la vie de ce héros, qui est représenté par le violoncelle - magnifiquement joué par le soliste espagnol Pablo Ferrandez avec une grande délicatesse sur un Stradivarius "Archinto" de 1689. Son complice Sancho Pança est évoqué à la fois par le clarinette basse, le tuba, et l'alto solo (Yongbeom Kim) avec des motifs colorés et malicieux qui arrivent dès la deuxième partie de l'introduction. On y passe en revue l'histoire des moulins à vents - avec des pizzicati et des effets de vents par des archets rapides - les moutons et leurs bêlements sont bien rendu dans la deuxième variation, tout comme la procession des pèlerins ou les combats avec le chevalier dans la dixième. La délicatesse du voyage dans les airs berce la chevauchée dans les airs (7ème variation) et dans la 8ème avec l'aventure des esprits enchantés, ce sont des effets mystérieux des bois et des percussions qui nous surprennent. Et la mort de Don Quichotte est traitée par des motifs longs et soutenus joués par les cordes et les cuivres. Le public bisse longuement et Pablo Ferrandez lui offre une courte mais inspirée élégie en rappel.


OPS - Aziz Shokhakimov - Pablo Ferrandez - Richard Strauss - Don Quichotte - Photo: lfdd

Don Quichotte - Richard Strauss - OPS - Aziz Skokhakimov - Pablo Ferrandez - Photo: Nicolas Rosès


Après un entracte, le plat de résistance qu'est la Symphonie fantastique se déploie en cinq tableaux qui installent chacun une atmosphère différente des cinq étapes de l'amour désespéré d'un jeune musicien (c'est très autobiographique, Berlioz étant tombé amoureux d'un actrice anglaise qui lui a donné du fil à retordre). Tout commence par une Rêverie et Passion avec les cordes qui voyagent doucement vers les songes avant de s'enflammer dans un bel univers vibratile. 


Hector Berlioz - Symphonie Fantastique - OPS - Aziz Skokhakimov - Photo: Nicolas Rosès


Aziz Shokhakimov mène le train avec doigté mais sait aussi y mettre l'énergie au bon moment. La deuxième partie, Un bal, commence très délicatement pour s'engager dans une élégante valse à trois temps puis se développer dans une ambiance festive et joyeuse, qui cependant s'emballe et monte en tension en tourbillonnant.


Hector Berlioz - Symphonie Fantastique - OPS - Aziz Skokhakimov - Photo: Nicolas Rosès

La troisième partie, la Scène des champs commence par un duo de cors anglais, représentant un duo de paysans dialoguant un ranz des vaches dans une belle douceur, douceur qui va s'envoler  comme l'un des bergers et laisser place à de plus sombres presages avec des cordes bien graves et l'air du cor solitaire et des roulements de tambour. S'ensuit la Marche au supplice, marche funèbre dramatique, alternant des pas lourds et des cuivres puissants qui nous entrainent sans répit vers la chute finale.


Hector Berlioz - Symphonie Fantastique - OPS - Aziz Skokhakimov - Photo: Nicolas Rosès


Et nous plongeons dans le Songe  d'une nuit nuit du sabbat avec le grincement et ricanements des bois, les cloches qui résonnent de funeste manière et la parodies macabre du Dies Irae qui nous plongent en cercles concentriques et de plus en plus sombres et graves jusqu'à l'accélération finale qui débouche sur une énorme explosion.


OPS - Aziz Shokhakimov - Hector Berlioz - Symphonie Fantastique - Photo: lfdd

Le public conquis exulte et se voit gratifier d'un généreux bis.


Le Fleur du Dimanche

mercredi 22 mai 2024

De François Gremaud, une mise au point de CARMEN. Point de voix par Rosemary Standley qui ponctue les histoires

Ne confondez pas Carmen de Bizet et Carmen. (avec un point) de François Gremaud. Ni Carmen et Rosemary Standley, qui, elle, va à la fois interpréter ses airs (ceux de Carmen) et même ceux des autres personnages de l'opéra-comique de Georges Bizet, et même son personnage à elle: "Rosemary, façon de comédienne-chanteuse". 

Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Car, hasard ou choix judicieux du metteur en scène et auteur François Gremaud, le prénom de la chanteuse, qu'elle garde sur scène permet à l'auteur un parallèle, en introduction, entre l'Amour et la Mort, symboles que d'un côté les Grecs (l'Amour) et d'autre côté les Romains (la Mort) associaient à la plante - le romarin - qui en Anglais se dit Rosemary et le sujet de Carmen (l'Opéra). Comme nous en sommes aux digressions (il y en a quelques-unes dans le spectacle) notons que Rosemary Standley, chante aussi dans le groupe Moriarty. Et que François Gremaud est Suisse, ce qui nous vaut (Vaud) une ou deux blagues helvètes (et le septante-trois de la fin). Il faut quand même dire que François Gremaud s'est précédemment frotté au Chef-d'oeuvre du Ballet Giselle (qui est devenu Giselle... - trois petits points, de suspension - vu au Maillon en 2022) après s'être occupé dans le domaine du théâtre de Phèdre qui a gagné un point d'exclamation: !


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Carmen. est donc le point final d'une trilogie. Et le spectacle, après avoir fait un détour par l'histoire du théâtre ou plutôt du "genre" (et du lieu) Opéra-Comique (le comique des Italiens chassé par les "Français" qui revient au galop via les "forains" et les multiples péripéties qui mènent à la pantomime et au "stand-up" - ce dont le spectacle même est une version déclinée), nous emmène dans les secrets de fabrication de ce chef-d'oeuvre de Bizet. Avec, par exemple, une première version du fameux air que la première interprète de Carmen, Célestine Galli-Marié a refusé de chanter, obligeant Bizet à réécrire la musique et les paroles aussi - rappelez vous que le livret, tiré de la nouvelle de Prosper Mérimée a été écrit par Henri Meilhac et Ludovic Halévy qui ont écrit les plus célèbres opérettes d'Offenbach. 


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Et, par la magie du théâtre nous allons assister, décrit, mimé et chanté par Rosemary Standley, qui nous plonge via un fabuleux voyage dans le temps, à la première représentation de Carmen le 3 mars 1875 à l'Opéra-Comique (Salle Favart) devant un public parmi lesquels Offenbach, Massenet, Dumas fils et Daudet. Le décor est décrit et reconstitué avec précision devant nos yeux par Rosemary Standley. Elle interprète, de sa voix qui arrive à passer dans tous les registre tout en étant claire, du plus grave au plus aigu, tour à tour tous les protagonistes de la pièce, du brigadier Don José à la jeune (17 ans) Micaëla, à Zunica ou Moralès, Carmen, bien sûr ou Frasquita et Mercedes, les bohémiennes, Escamillo le torero ou les contrebandiers Le Dancaïre et Le Remendado (eux avec une caractéristique physique en plus). Elle les interprète bien sûr par la voix, parlée ou chantée, c'est selon (on ne va pas assister à l'opéra en entier), mais aussi tout à fait crédible et "incarné(e)s" comme actrice capable de différencier les multiples personnages qu'elle représente dans les dialogues (et même plus) ou les airs. 


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Ne se contentant pas de mimer, interpréter et chanter l'histoire, elle va bien tout autant nous donner quelques clés de lecture et des commentaires sur l'oeuvre. Ainsi pour Don José, sa propension aux liens et à l'attachement (entre autres sa médaille et son épinglette qui lui valent d'être traité par Carmen d' "épinglier de mon âme" et ce lien (ce cordon) avec sa mère qu'il n'arrive pas à couper. Et pour Carmen, sa nature violente. Elle nous dévoile aussi quelques notes sur la musique et les airs et motifs de l'Opéra, comme le "motif funeste" qui "gangrène" le "Je t'aime" de Don José du deuxième Acte et annonce le destin de Carmen. Pour parler de la musique, car que serait Carmen sans la musique, c'est un orchestre réduit à cinq instrumentistes: la flûte avec Héléna Macherel, le violon avec Sandra Borges Ariose, l'accordéon (et les percussions) avec Christel Sautaux, la harpe avec Célia Perrard et le saxophone avec Bera Romairone qui remplacent avec brio et entrain le grand orchestre dans un adaptation très réussie de Luca Atignani. On entend ainsi fort bien tournés les interludes et les airs, de même les accompagnements qui laissent une belle place à la voix, vraiment magnifique de Rosemary Standley. 


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Nous avons bien sûr droit aux "tubes" "L'amour est enfant de Bohème", la "Chanson de la mère" - à deux voix ! - "Les remparts de Séville" et "Toréador" mais aussi les tralalas pleins d'humour de "Je ne te dirais rien". De beau moments de plaisir qui nous font revivre tous nos souvenirs, même du bout du Monde - en Chine par exemple quand nous entendions, en marchant dans les montagnes sacrées ces airs entraînants. Où va se nicher la culture française? Et c'est l'occasion d'arriver à ce point, ce point final qui, via la critique de l'époque, a condamné la pièce, non pas comme on le ferait aujourd'hui, à l'ère du #metoo, en blâmant le "féminicide" de Don José, mais la liberté de Carmen, liberté qu'elle avait et revendiquait:

"Libre elle est née 
Et libre elle mourra" 

Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Et ainsi, le succès n'étant pas au rendez-vous attendu par Bizet, cela lui causa "un gros chagrin" et il mourut trois mois après, ne pouvant plus constater le succès à venir, lorsque trois ans plus tard, grâce à la soprano américaine Minnie Hauk, à Bruxelles, qui, par son interprétation, ouvrit la porte du triomphe à cet opéra qui est devenu le plus célèbre dans le monde, mais ça c'est une autre histoire. Peut-être est-ce cette union de l'Amour et de la Mort qui en est la cause (que dirait Freud?).


La Fleur du Dimanche


Remarque: Pour celles et ceux qui se demandent pourquoi j'ai mis dans le titre "point de voix pour Rosemary Standley", c'est bien parce qu'elle pointe de sa voix (superbe) les différents personnages et leurs caractéristiques et non comme vous l'aurez compris dans le texte pas parce qu'elle n'a "pas de voix" ! (point d'exclamation ;-) ) 

dimanche 19 mai 2024

Le concert du Festival Perspectives Malaka: les voix/voies soeurs

 Pour finir la journée festivalière de Perspectives à Saarbrücken, quoi de mieux que de se baigner dans les voix soeurs des deux frangines Laurina et Sacha du groupe Malaka qui nous emportent dans leurs rythmes métissés et ensoleillés. 


Malaka


Entre douceur et rythme, portés par leur voix complémentaire, l'une au ton plus grave, l'autre plus dans l'engagement nous parlent de leurs racines, la Guadeloupe où elles sont nées, bien qu'ayant passé la plus grande partie de leur vie en France. Elles ont gardé pour notre plus grand bonheur ce balancement et le soleil qui illumine leurs chansons. 


Malaka


Entre folk et soul, chansons rythmées qui nous parlent de notre monde, de la notre environnement, elles nous bercent et nous font danser. Chantant la plupart du temps en français, quelquefois avec des parties en créole, quelquefois en anglais, elles mettent des mots poétiques sur la nature, le mauvais temps, les orages, l'urgence climatique, les hors-la-loi, les coiffures afro et même des garçons qui pleurent et nous invitent à faire de même pour nous libérer de nos peines. 


Malaka


S'accompagnant à la guitare et soutenues par les percussions elles nous distillent avec douceur de bonnes ondes et nous charment de leur voix envoûtante. Un duo à découvrir pour lequel la salle bien remplie du Club du Festival dans ce bâtiment, ancienne usine près de la Römerbrücke, a réservé un accueil enthousiaste. Accueil qui les a surprises pour leur "première" prestation en Allemagne, au point que leur bis était presqu'improvisé.


La Fleur du Dimanche



Armour au Festival Perspectives: Quand la carapace se fend et que les corps s'emmêlent

 Cirque ou danse? Catch ou tendresse ? Erotisme ou sensualité ? Le trio d'Armour, Arno Ferrera et Gilles Polet à la conception et au jeu avec Charlie Hession qui les rejoint au plateau, nous emmène tout d'abord dans une démonstration de catch ou de lutte romaine. Combat solitaire pour commencer dans cet espace trifrontal au plus proche des spectateurs. Les lumières qui vont éclairer les corps sur la scène sont entre les rangées de spectateurs, en plus des rampes au sol. Le corps chute, et le son de cette chute emplit l'espace de cette église Sankt Jakob, dans la nef de laquelle nous sommes installés. Un comparse complice le rejoint pour une série d'empoignades musclées. Les muscles des corps se bandent, les respirations se font fortes, le troisième comparse relaye celui qui va souffler un peu. 


Armour - Arno Ferrera - Gilles Polet - Charlie Hession


Une chorégraphie de corps en enchevêtrements et en nouages, en empoignades et en bascules, en jetés et en portés, renversés. Le match se transforme graduellement en un ballet de corps plus lisses, plus souples, moins violent, plus dansés. La douceur s'installe, les regards se font aimables, désirables, provoquants aussi quelquefois. Le jeu se calme, la fragilité transparaît, les justaucorps colorés sont défaits, les corps se dénudent, les peaux se frôlent. Des tableaux, figures symboliques, crucifixions et piétas prennent forme pour culminer dans un trio des trois grâces où l'appui se fait dans le string de chacun des trois dans une totale décomplexion, très bien vécue - avec rire et humour - par les spectateur(trice)s. 


Armour - Arno Ferrera - Gilles Polet - Charlie Hession


La question du désir (attrapé par la queue) et de la sexualité évacuée, ils vont  s'affubler de noires armures de gladiateurs modernes rembourrées et multiplier les portés et les constructions et empilements variés. Egalement une échappée vers la danse folklorique en rythme sur un air irlandais qui les fait tourner autour de la piste. Puis une parenthèse de douceur, une chanson douce presque chuchotée et à nouveau des portés, des entremêlements de corps. Des surprenantes constructions de corps deviennent une bête curieuse qui se déplace à six pattes et quatre pieds. 


Armour - Arno Ferrera - Gilles Polet - Charlie Hession


Et l'on repart sur une autre direction avec le démantèlement des carapaces, avec plus de douceur et qui tend vers une séquence toute en douceur, à fleur de peau et de sensualité. On pourrait l'imaginer aller un peu plus loin dans le jeu du désir et de la sensualité, mais les mâles préfèrent prendre le chemin de l'humour et de la dérision dans une scène où le chanson d'amour reprise en duo traverse en écho de la bouche au fondement.


Armour - Arno Ferrera - Gilles Polet - Charlie Hession


On sent une réelle complicité entre les trois protagonistes qui arrivent avec beaucoup de délicatesse ou tantôt de force et d'énergie à déconstruire les schémas habituels de la masculinité et de la virilité. Et le dispositif scénique au plus proche des protagonistes aide bien à se mêler à leurs étreintes partagées. Un moment très fort.


La Fleur du Dimanche


Au Festival Perspectives à Saabrücken: Star Show - L'infiniment petit nous transporte dans la Lune

 Le Festival Perspectives à Saarbrücken entame sa 47ème année, mêlant le théâtre, le cirque, la danse, la musique et le cinéma, le tout dans un bain linguistique au moins franco-allemand pour ouvrir les frontières à la fois à l'esprit et à l'art et la culture. Une pièce de théâtre, Elles vivent sera présentée le 25 mai à Sarreguemines et le spectacle musique et danse de Philippe Decouflé Stéréo aura lieu deux soirs, le 23 et 24 mai au Carreau de Forbach. Le théâtre filmique The Making of Berlin de la troupe belge Berlin, dont nous avons parlé dans notre billet du 18 avril a été présentée le 17 et 18 mai à la Alte Feuerwache à Saarbrücken.


Star Show - Alan Floc'h - Photo: Greg Bouchet



Nous, nous plongeons dans une petite forme, presque du théâtre de chambre avec Star Show de la Compagnie Bakélite qui se joue dans la petite salle du théâtre überzwerg où les spectateurs sont très proches - et pour cause - du comédien Alan Floc'h. Celui-ci est installé dans une structure en bois avec devant lui une "paillasse" de laboratoire - une table à carreaux de céramique blanche sur laquelle est posé un mégaphone. 


Star Show - Alan Floc'h - Photo: Greg Bouchet


Nous comprenons que nous allons assister à un théâtre d'objet et que la comédien ne va pas bouger de sa chaise (ce qui n'est pas vrai), quand nous découvrons sous le mégaphone un minuscule astronaute dans son scaphandre blanc. Celui-ci va subir toute une série d'exercices dans une petite boite de conserve sensée représenter une cabine spatiale. La magie opère et nous nous sommes projetés dans un autre espace, entre la station de tir et l'espace intersidéral, pour nous retrouver au final sur la lune après toute une série d'épisodes poétiques et humoristiques où des objets très simples nous content des péripéties avec force effets sonores, lumineux et fumigènes. 


Star Show - Alan Floc'h - Photo: Greg Bouchet


C'est bourré d'inventivité autant que de simplicité et de clarté de lecture. Les surprises sont nombreuses et nous enchantent. Nous faisons littéralement partie du voyage et nous sommes à des milliers de kilomètres de notre terre quand, Alan Floc'h nous posons le pied sur la Lune dans une ambiance étrange. 


Star Show - Alan Floc'h - Photo: Greg Bouchet


Il faut saluer également son expressivité qui nous fait partager tous les états que traverse ce minuscule voyageur de l'espace réduit à une figurine de trois centimètres de haut en nous transmettant avec presque rien toute une gamme de sentiments et de réactions. Un magnifique voyage plein de surprises et de rebondissements.


La Fleur du Dimanche

samedi 18 mai 2024

Passages Transfestival - Archipelago - Happy Island ou le bonheur d'une île

Et si le Paradis était une île, une île heureuse, Happy Island. C'est en partie le message que nous fait passer la chorégraphe, danseuse, performeuse, La Ribot avec ce spectacle. Elle l'a créé en 2018 avec la troupe Dançando com a Diferença qui, sous la direction artistique de Henrique Amoedo, travaille avec des personnes handicapées pour les intégrer dans des spectacles de danse professionnels. Ce spectacle, Happy Island, produit à Funchal sur l'île de Madère a déjà fait une tournée mondiale et est de nouveau présenté dans quelques pays européens*. Le spectacle est tout à fait bienvenu dans cette édition 2024 du Festival Passages Transfestival - Archipelago qui explore l'insularité.


Happy Island -  La Ribot - Dançando com a Diferença - Photo: Caroline Morel Fontaine


Pour se mettre dans l'ambiance, sur scène et plein écran, un film de Raquel Freire nous offre la paysage du versant nord de l'île de Madère avec ses arbres torturé, centenaires sinon millénaires, baignés dans le brouillard. Le vent en secoue les feuilles et les branches tandis qu'à droite de l'écran, une danseuse, le crâne rasé (Barbara Matos), agite une couronne faite de plumes colorées. Une femme léopard sur un fauteuil roulant arrive sur scène et se positionne exactement au milieu. Ses yeux noirs sous la frange de ses long cheveux noirs nous toisent.

 

Happy Island -  La Ribot - Dançando com a Diferença


On découvre que ses gestes sont saccadés et peu maîtrisés. Mais elle arrive cependant se mettre la coiffe que l'autre danseuse lui a apportée puis à descendre à terre, même si c'est difficile. Là, elle va même arriver à marquer de multiples traits de feutre noir le corps d'une autre danseuse dans un duo joyeux et ludique dans lequel cette deuxième danseuse exécute sur la scène toute une série de positions acrobatiques qui lui laissent le temps de se faire marquer le corps. La première danseuse, elle, marque l'espace de la scène en désignant des points de chute ou de repère, tandis qu'une autre (Sofia Marote) vêtue d'une robe rouge à volants traverse cette scène de temps en temps en poussant un grand cri. 


Happy Island -  La Ribot - Dançando com a Diferença


Un jeune homme (Telmo Ferreira) portant des ronds comme des lunes, ponctue le ciel et apporte la lumière sur scène, et, pour la dernière partie du spectacle, carrément le soleil dans la salle, pour souligner et magnifier l'exploration du public  (avec quelques câlins) et de la salle par la première danseuse.


Happy Island -  La Ribot - Dançando com a Diferença


Entre temps, sur l'écran cette forêt brumeuse s'est un peu ouverte, et toute une joyeuse tribu s'agglomère et se disperse, jouant quelques moments de tendresse et de complicité. Ils se retrouvent et se séparent à nouveau. Tout ces épisodes, sur l'écran et sur la scène, décalés mais non moins appliqués, nous plongent dans une sorte de rêve éveillé où, dans les brouillards d'un entre-deux, nous lévitons et naviguons entre rêve et réalité. Nous sommes presque dans un monde idéalisé, sous le soleil d'un paradis merveilleux et idéal. Nous ne nous posons plus la question de la normalité ou de la différence, pris, embarqués que nous sommes dans ces rituels qui nous happent et nous hypnotisent presque. 


Happy Island -  La Ribot - Dançando com a Diferença


Une démarche de fraternité humaine que La Ribot a réussi a faire assumer à chacun(e) des protagonistes dans ses capacités, en totale réussite. Une belle démonstration par la chorégraphe qu'être à l'écoute de chacun dans sa différence lui permet de s'exprimer totalement avec plaisir et satisfaction et nous implique également dans cette ouverture et cette inclusion de manière très concrète.


La Fleur du Dimanche


* Après le Festival Passages Transfestival - Archipelago à Metz, Happy Island est présenté au Théâtre de Vidy - Lausanne les 21 et 22 mais 2024 et une autre pièce Ôss une création de la troupe Dançando com Diferença avec la chorégraphe Marlene Monteiro Freitas sera présentée le 25 et 26 mai 2024.

Passages Transfestival à Metz avec Megastructrure: interactions entrelacées, entrelacements interagissants

 C'est tout en bas de la salle de l'Arsenal à Metz que le duo Sarah Baltzinger et Wilchaan Roy Cantu nous convient à assister au spectacle Megastructure dans le cadre du Festival Passages Transfestival.


Megastructure - Sarah Balzinger


Pas de décor, pas d'accessoires, l'espace est délimité par les chaises des spectateurs qui forment un rectangle et entourent la scène sur laquelle le duo va, pendant quarante minutes enchainer des interactions de corps à corps, en variations multiples, interagissant sans répit, s'entrelaçant, se déliant, se retrouvant et se séparant dans une partition allant du mécanique de la marionette à la flexibilité et la malléabilité du pantin. Le dialogue est parfait, les réponses de l'un(e) à l'autre en terme de gestes en écho ou de réponses sont stupéfiant de précisions et impeccables dans la coordination. Le geste, lui peut être plus acrobatique, surtout de la part de Wilchaan Roy Cantu (qui remplace au pied levé Isaiah Wilson qui vient de se blesser) tandis que Sarah Baltzinger surprend par la souplesse et la décontraction de ses geste, la flexibilité de ses articulations - ses chevilles et ses genoux semblent ne pas être retenus par des muscles et peuvent être soumis à des désarticulations extrêmes et totalement libres. 


Megastructure - Isaiah Wilson - Sarah Balzinger



On a l'impression aussi à certains moments que c'est un de leur membre qui fait bouger le corps tellement les mouvements sont surprenants. A d'autres moments, leurs corps s'entremêlent, glissent l'un avec l'autre dans des interactions où bras et pieds se désarticulent puis se mettent en opposition ou en ondulations en phase. C'est une organisme duel dont le devenir est une symbiose de quatre membres qui se complètent, dans un déplacement incessant dont aucune geste n'est prévisible. En tout cas cette géométrie des deux corps qui n'arrêtent pas de se répondre, de se dynamiser l'un l'autre, de pousser les appuis ou les impulsions qui permettent de rebondir ou de transmettre l'énergie amène une cinématique originale sur la plateau. 


Megastructure - Isaiah Wilson - Sarah Balzinger


La synchronicité de Sarah Baltzinger et Wilchaan Roy Cantu dans leur interactions est impressionnante, tout comme les multiples surprises qu'ils nous réservent en terme de mouvements comme par exemple la marche à trois pieds et toutes ces attitudes, positions, figures étranges et insolites par lesquelles ils passent tout au long de leur parcours chorégraphique. Un vrai bonheur et une belle surprise que cette magnifique prestation.


La Fleur du Dimanche