mardi 27 mars 2018

1993 au TNS: Voyage dans le temps à travers une trouée de l'Histoire

Les spectateurs du TNS installés dans la salle savent à quoi ils vont s'attendre.
D'une part, on revient en arrière dans le temps avec le texte 1993 d'Aurélien Bellanger que nous propose le metteur en scène Julien Gosselin (qui semble aimer les dates - cf le spectacle 2666 vu au Maillon l'an dernier), et, sur l'écran au-dessus de la scène, un texte-programme de Francis Fukuyama nous explique la "fin de l'Histoire".
Et, curieusement, ce texte va s'incruster dans nos yeux et se transformer en lignes blanches fantômes qui annoncent la première partie de la pièce:

Le choeur "antique" moderne, en contre-jour devant des panneaux dont les lignes clignotantes préfigurent les spectacles de la fin du XXème siècle et qui nous décrit l'état du monde d'après la "fin de l'histoire".
"La fin de l’histoire, veloutée et fluo, a traversé le ciel européen dans le milieu des années 1990. On disait autrefois que les aurores boréales étaient signes de guerre. On a vu le ciel tourner au vert et au rose en 1915 et en 1938. On a longtemps gardé l’habitude, dans les campagnes, à l’ombre des villes rougeoyantes de la reconstruction, de surveiller le ciel. La prophétie a failli se réaliser, pendant la Guerre Froide, chaque fois qu’une tempête solaire était confondue, sur les écrans radars, avec une attaque nucléaire. Puis la menace a disparu.


1993 - TNS - Julien Gosselin - Aurélien Bellanger - Photo: Jean-Louis Fernandez


La traversée de l'espace et du temps, immense tunnel circulaire qui franchit les frontières du CERN et qui accélère les particules vers l'infini.
"La fin de l’histoire s’est abattue ici, à l’ouest du lac Léman. Ou plutôt la fin de l’histoire, événement autrefois cataclysmique et définitif — le heurt au son mat et bref de la Terre contre le mur du temps — s’est ici volatilisée, comme un astéroïde sublimé dans les hautes couches de l’atmosphère"

La construction du tunnel sous la Manche, près de Calais, dans le "Pas de Calais" qui va après la "Fin de l'Histoire" et qui est le centre de cette histoire, là où tout se joue, se déjoue et se révèle.... Et autour de quoi la pièce tourne (même en images) sans pénétrer.
Pour le spectateur, nous y pénétrons comme dans un grand passage vers une immense salle de concert où le rythme, la musique, la pulsation va nous emporter vers une Eurodance communautaire.

Mais comme le dit Julien Gosselin, tout cela n'est qu'illusion: 
"On peut imaginer l'Europe occidentale comme premier continent de la douceur.
Je trouve cela à la fois beau et violent de parler d'une période de l'histoire où l'on a cru en cela. (la chute du mur de Berlin, etc.) 
Tout était fini - dans le sens d'abouti. 

Le décalage sera encore plus grand lorsque les jeunes acteurs, multipliant les points de vue (d'écoute) vont citer le discours de réception du Prix Nobel de la Paix 2012 attribué à l'Union Européenne et prononcé par les présidents de la Commission européenne (José Manuel Durão Barroso), du Conseil européen (Herman Van Rompuy) et du Parlement européen (Martin Schulz) et où l'on se rend compte du gouffre entre le discours et la réalité.... d'aujourd'hui.


1993 - TNS - Julien Gosselin - Aurélien Bellanger - Photo: Jean-Louis Fernandez


Cette réalité va se jouer sur le plateau en mode "téléréalité" avec la génération post-Erasmus où "Nous sommes tous Charlie Martel" fait face à une Jeanne d'Arc tricolore, mais où les corps sont happés par l'écran et disparaissent presque de la scène.
Julien Gosselin nous dit:
"Cela crée un paradoxe passionnant et très puissant poétiquement: on voit la violence de ces êtres, on saisit leur côté vivant, leurs muscles, leurs fluides, mais leur éloigenement crée un étrange rapport au temps. C'est comme, déjà, du passé."


1993 - TNS - Julien Gosselin - Aurélien Bellanger - Photo: Jean-Louis Fernandez


Et effectivement, après la fête, la jeunesse plie bagage sans demander son compte et nous errons en tournant dans le no man's land autour du tunnel - barrière pour quelques-uns.
Silence.... On en sort abasourdi... de ce voyage dans le monde d'après la fin de l'histoire...


La Fleur du Dimanche   

1993

Au TNS à Strasbourg jusqu'au 10 avril 2018

Tournée: 
Gennevilliers du 9 au 20 janvier 2018 au T2G-Théâtre de Gennevilliers - Centre dramatique national de création contemporaine
Hambourg du 24 au 25 janvier 2018 au Thalia Theater
Valenciennes les 16 et 17 mars 2018 au Phénix - Scène nationale
Liège du 17 au 21 avril 2018 au Théâtre de Liège
Lausanne du 16 au 18 mai 2018 au Théâtre Vidy
Athènes les 7 et 8 juin 2018 au Festival d'Athènes

PRODUCTION

Texte Aurélien Bellanger
Mise en scène Julien Gosselin
Avec Quentin Barbosa, Genséric Coléno-Demeulenaere, Camille Dagen, Marianne Deshayes, Roberto Jean, Pauline Lefebvre-Haudepin, Dea Liane, Zacharie Lorent, Mathilde Mennetrier, Hélène Morelli, Thibault Pasquier, David Scattolin
Scénographie Emma Depoid, Solène Fourt

Musique Guillaume Bachelé
Costumes Salma Bordes
Son Hugo Hamman, Sarah Meunier
Lumière Quentin Maudet, Juliette Seigneur
en collaboration avec Nicolas Joubert
Vidéo Camille Sanchez
en collaboration avec Pierre Martin
Assistanat à la mise en scène Eddy D’Aranjo, Ferdinand Flame
Assistanat mise en scène en tournée  Colyne Morange
Régie plateau Jori Desq
Régie générale et cadrage vidéo Valentin Dabbadie


Administration tournée, diffusion Eugénie Tesson
Logistique tournée Emmanuel Mourmant
Assistanat administration pour la tournée Paul Lacour-Lebouvier

Julien Gosselin est metteur en scène associé au TNS et au Phénix, Pôle Européen de création
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Spectacle créé le 3 juillet 2017 au Festival de Marseille.

Production Théâtre National de Strasbourg
Production exécutive Si vous pouviez lécher mon coeur
Coproduction Festival de Marseille-Danse et Arts multiples


Spectacle créé avec des artistes formés à l'École du TNS


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire