mercredi 10 janvier 2018

Soubresaut au TNS: Le théâtre est un songe et il bouge encore

L'histoire du Théâtre du Radeau est une aventure et un expérience qui a débuté dans une MJC (Maison des Jeunes et de la Culture - il y a du Malraux là-dessous) en 1977 dans un quartier populaire du Mans. Elle a pris son orientation définitive lorsque François Tanguy a rejoint l'aventure autour de la troupe avec Laurence Chable, et depuis, vogue la troupe... dont nous avons pu apprécier quelques créations déjà à Strasbourg (dont la dernière pièce "Passim" en 2015 - voir le billet du 23 janvier 2015).
Une des caractéristique de leur travail est de construire le spectacle ensemble, comédiens et metteur en scène en répétitions pendant une bonne période de temps (quatre à six mois au moins) en expérimentant la forme et la matière - que ce soit le texte - les textes choisis, mis en voix et en espace et éventuellemnt élagués, ou le matériau dont ils fabriquent eux-même le décor et les accessoires ensemble en les intégrant au fil de l'eau dans le spectacle, qui peut continuer de bouger, tout au long de la vie de la pièce.


Soubresaut - Théâtre du Radeau - Photo: Brigitte Enguerand

Ils nous reviennent au TNS avec une création "Soubresaut" qui nous emmène dans un monde flottant et chancelant avec des repères un peu décalés. L'histoire, pour démarrer hoquète et se répète, on a l'impression de traverser un songe où l'on n'est pas maître de la suite et dans une ambiance feutrée - il ne faut surtout pas se réveiller - les personnages bougent, glissent - comme dans des jeux d'enfants (à un moment une scène se joue sous une table comme vous l'avez peut-être également joué dans votre enfance), rentrent et sortent, de même que le décor lui-même se fait et se défait sous nos yeux. des planches, des tables, des cadres, toute une batterie d'objets, armes, coiffes, crinolines, fleurs, bouquets, cheval-sanglier apparaissent et disparaissent dans une pénombre changeante. 
La parole, tout à coup nait, et c'est Kafka bien sûr qui décrit cette absurdité des cycles de la vie des hommes: se lever, se coucher: 
"Il est vrai que l'homme se lève, retombe, se relève et ainsi de suite, mais en même temps, et avec une vérité infiniment plus grande, il n'en est nullement ainsi, car l'homme est un, c'est à dire, que dans le vol est aussi le repos, et dans le repos, le vol...."


Soubresaut - Théâtre du Radeau - Photo: Jean-Pierre Dupuy

Et l'aimable troupe, dans des costumes hors du temps mais aussi d'outre-temps continuent de glisser, voler, se soulever, parler, dire ces textes poétique ou comiques d'Ovide, de Dante, de Valéry, de Peter Weiss, de Robert Walser, de Courteline,... dans une ambiance de chants d'oiseaux ou rythmés par les amis musiciens nombreux (Bach, Beethoven, Haendel, Kagel, Kurtag, Lalo, Rossini, Schumann, Stravinski, Vivaldi, Chris Watson,...) et dont les mélodies, ponctuations ou les airs concourent à construire cette ambiance si particulière qui nous englobe dans ce songe. La circulation des gestes et la métamorphose du décor (que les comédiens ont aussi contibué à fabriquer) produit une sorte de symbiose entre eux et le décor, un univers à part. 
Et comme le dit Ovide: 
"Faisant en trompe l'oeil, pour mieux brouiller les pistes, 
sinuer les détours des voies multipliées ...
... sur mille voies Dédale
Répand l'erreur."

Mais de temps en temps, il faut bien se perdre pour mieux se retrouver.
Merci au Théâtre du Radeau de nous avoir emmené dans cette traversée....



Bon spectacle

La Fleur du Dimanche

Soubressaut
TNS Strasbourg - Espace Gruber - du 9 au 19 janvier 2018


Un spectacle du Théâtre du Radeau
Mise en scène et scénographie François Tanguy
Avec Didier Bardoux, Anne Baudoux, Frode Bjørnstad, Laurence Chable, Jean-Pierre Dupuy, Muriel Hélary, Ida Hertu, Vincent Joly, Karine Pierre, Jean Rochereau
Son François Fauvel, Julienne Havlicek Rochereau, François Tanguy

Production Théâtre du Radeau, Le Mans
Coproduction Théâtre national de Bretagne - Rennes, Festival d’Automne 2017 - Paris, Théâtre National de Strasbourg, Centre dramatique national Besançon Franche-Comté, Théâtre Garonne - Toulouse Le Théâtre du Radeau est subventionné par l’État - Préfet de la région Pays de La Loire - DRAC, le Conseil régional des Pays de la Loire, le Conseil départemental de la Sarthe et la Ville du Mans
Avec le soutien de Le Mans Métropole

Spectacle créé le 2 novembre 2016 au festival Mettre en scène, Théâtre national de Bretagne - Rennes

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