dimanche 28 août 2016

Le champ des éphémères et la voix de l’éternité

Une carte postale de vacances à laquelle  vous avez échappé, c’est le vol des éphémères en ces nuits d’août sur les bords de Loire.
Il n’en reste plus que traces temporaires aux pieds des lampadaires...


Champ d'éphémères - Photo: lfdd

Elles n’auront volé qu’une nuit vers la lumière et leur destinée.


Champ d'éphémères - Photo: lfdd


Des Ténèbres vers la Lumière

La Lumière, l’homme aussi y aspire et ce depuis la nuit des temps il la recherche dans l’espoir d’un monde meilleur: 
"Fiat Lux !"

C’est ce refrain qu’il décline en chants quelquefois sacrés depuis les débuts de la chrétienté. Du coucher du soleil à son renouveau, dans les monastères et les églises, les prêtres et moines ont chanté ce cycle solaire de la mort et de la résurrection. C’est ce cycle, que, pas loin de ces éphémères mortes, dans la cadre du Festival de la Chaise Dieu – Festival de Musique inauguré dans l’Abbaye Saint Robert par Georges Cziffra en 1967 – l’ensemble vocal amarcord de Leipzig a proposé à une assistance subjuguée dans la magnifique église Saint Gilles de Chamalières-sur-Loire, avec son acoustique incomparable.


Ange bleu -  Eglise de Chamalières-sur-Loire - Photo: lfdd


"Des ténèbres vers la lumière", tel est le titre du récital que les cinq chanteurs d’amarcord (Wolfram Lattke et Robert Pohlers, ténors – Frank Ozimek, baryton – Daniel Knauft et Holger Krause, basses) proposent comme un voyage du soir au matin, de la musique polyphonique, grégorienne et chorale jusqu’à des pièces contemporaines pendant plus d’une heure trente de concert sans interruption - les applaudissements que le public a été invité à reporter à la fin du concert a permis de s’imprégner pleinement de la beauté envoûtante des chants et des voix. 


Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières sur Loire - amarcord  - Photo: lfdd

"Te lucis ante terminum" de Thomas Tallis, nous met dans l’ambiance et nous permet de découvrir l’acoustique très spéciale de cette abbatiale du XIème siècle qui dispose dans son choeur d’une conque en cul-de-four dans laquelle une trentaine d’échéas, vases sonores sont disposés pour améliorer la sonorité de cet espace. Et ces cinq voix d’hommes nous en font prendre conscience pleinement.

Justement, le programme qu’ils nous proposent qui va de magnifiques chants grégoriens à Jean-Sébastien Bach (avec Marin Janus et Leo Hassler), en passant par Johann Walther et Johann Stahel ainsi que Johannes Ockeghem - son Credo, commençant comme un chant de curé et partant dans des variations multiples - donnerait à de nombreux croyants – ou mécréants – l’envie de retourner à l’église. Le programme fait alterner les chants classiques avec des compositions contemporaines (les magnifiques «Laudes de Saint François de Padoue» de Francis Poulenc dont les quatre chants furent l’occasion d’apprécier toute la richesse d’interprétation de l’ensemble et le "Sonnengesang des Heiligen Fanziskus" de Carl Orff (dont il faut saluer l’interprétation toute en finesse et "humilité", bien adaptée à l’acoustique du lieu), ainsi que des pièces spécialement composées pour l’ensemble par des compositeurs actuels. Ces dernières ont bouclé le cercle des heures, à commencer par une composition de Marcus Ludwig "Tenebrae" sur un extrait de trois poèmes de Paul Celan (que les lecteurs fidèle de ce blog connaissent déjà*), que je vous propose ici :

Tenebrae

Nah sind wir, Herr,
nahe und greifbar.

Gegriffen schon, Herr,
ineinander verkrallt, als wär
der Leib eines jenes von uns
dein Leib, Herr.

Bete, Herr,
bete zu uns,
wir sind nah.

Windschief gingen wir hin,
gingen wir hin, uns zu bücken 
nach Mulde und Maar.

Zur Tränke gingen wir, Herr.

Es war Blut, es war,
was du vergossen, Herr.

Es glänzte.

Es warf uns dein Bild in die Augen, Herr.
Augen und Mund stehen so offen und leer, Herr.
Wir haben getrunken, Herr.
Das Blut und das Bild, das im Blut war, Herr.

Bete, Herr.
Wir sind nah.


Saint au doigt polychrome -  Eglise de Chamalières-sur-Loire - Photo: lfdd

La descente de croix – version orthodoxe est traitée par Ivan Moody avec "Apokathilosis" et le Gloria de Sidney Marquez Boquirem - fut l’occasion pour les cinq musiciens de se mettre en cercle dans le chœur pour bénéficier des "retombées" célestes de leurs enroulantes variations sur ce chant magnifiant et joyeux.



Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières sur Loire - amarcord  - Gloria - Photo: lfdd

Et pendant que, ô miracle, la lumière du soleil entra à travers les vitraux de la façade pour éclairer les piliers du choeur et amener la lumières au-dessus de tous, le quintet nous offrit en clôture le "Te lucis ante terminum" de Thomas Tallis pour boucler la boucle en laissant les participants subjugués.


Sainte polychrome -  Eglise de Chamalières-sur-Loire - Photo: lfdd

Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières sur Loire - amarcord  - Saluts - Photo: lfdd


Un beau voyage intérieur en compagnie de voix intemporelles, à refaire l’année prochaine en compagnie de l’ "homme qui grimpe au ciel" sur le pilier de l’Abbatiale de Chamalières sur Loire …  avec le Festival de la Chaise-Dieu pour sa 51ème année.


Homme qui grimpe au ciel -  Eglise de Chamalières-sur-Loire - Photo: lfdd



Les festivals de l'été se terminent, pour ceux qui attendent ceux de la rentrée, en particulier de musique contemporaine, à Strasbourg, rendez-vous avec Musica le 21 septembre avec un programme alléchant, des concerts et des projections de films, entre autres (nous en reparlerons). 

La Fleur du Dimanche

* Pour Celan, voir "Passim" avec son poème "Todesfuge" les 23 et 25 janvier 2015 

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